[99] Nadia

medium_saudek05-01.jpg21:02 J’arrive, avec une ponctualité de quasi-névropathe, dans le bar où nous nous sommes donnés rendez-vous. J’ai choisi à dessein le F***, où j’ai déjà eu l’occasion d’y vivre quelques moments désormais parvenus au statut de jolis souvenirs. Je ne crains pas que l’aura des deux filles qui t’auront précédée ne contamine l’impression que tu me donneras. Je ne t’ai évidemment pas parlé de ce passif, il t’aurait peut-être déplu, je ne sais pas. Il est là plus pour me donner un peu de courage et d’optimisme sur l’issue de notre rencontre.
Et puis ce n’était pas loin de ton travail.

21:04 J’ai fait un tour rapide de la salle, pour essayer de t’y repérer. Je ne sais pas à quoi tu ressembles exactement physiquement. Toi non plus. Nous n’avons pas échangé de photo. Nous nous sommes juste dit comment nous serions habillés. Et puis j’ai dans mon esprit une sorte de portrait robot, hors de propos, certainement, que mon imagination a construit. Nous avons tous les deux accepté ce risque d’être déçus. Quelles qu’en soit les circonstances, toute rencontre comporte ce risque, photo ou pas. Tu n’es pas dans la salle, ou alors je ne t’ai pas repérée. Je m’assois à une table où, j’espère, nous serons suffisamment tranquilles.

21:07 Je commande au serveur un Ti punch. Je me dis qu’il me faudra bien ça pour faire tomber les épaisseurs de briques de ma timidité. J’en ai fait, pourtant, des rencontres, depuis 20 ans que ça dure ; j’arrive aujourd’hui à paraître désinvolte, à l’aise, à parler de tout et de rien, de choses superficielles comme de choses profondes. Mais je ne sais toujours pas être en confiance.

21:12 Mon téléphone vibre dans ma poche au moment même où le serveur (un beau mec, d’ailleurs) m’apporte mon verre. Ton SMS m’invite à patienter le petit quart d’heure supplémentaire que durera ton retard. Je sirote mon rhum en philosophant. L’attente ne fera pas croître ma tension. Elle ne la fera pas baisser non plus. Je sors de ma serviette mon journal et je survole les articles sans arriver à me concentrer suffisamment pour vraiment les comprendre… Guerre au Liban… ah ouais… élections en R.D.C. hummm… Côte de popularité de Chirac en hausse : rien à battre (mais ça c’est comme d’habitude).

21:28 Évidemment depuis un quart d’heure je lève régulièrement les yeux de mon journal pour dévisager les filles qui entrent dans le bar ; il y a cinq minutes mon pouls s’était un peu accéléré en apercevant une brunette, mais voyant son grand sourire à l’adresse d’un homme assis sur ma droite, j’étais retourné à mon courrier des lecteurs. Mais là, cette fois, je reconnais ce regard interrogatif qui croise le mien, tu t’approches… — J*** ? Je réponds par l’affirmative, — Oui ! Bonsoir Nadia ! Je te retourne le sourire qui éclaire ton visage et me réconforte. On se fait la bise, tu t’assois, tu me dévisages un instant sans rien dire, puis tu commandes sans regarder la carte un Martini bianco au serveur qui t’est tombé dessus. Tu es évidemment différente de ce que j’imaginais. Un peu moins jolie. Non, en fait, pas moins mais différemment. Il y a ton regard noir dans lequel je sais que je peux m’abîmer, et tes mains, très fines.

21:55 Assez vite, nous avons embrayé la conversation sur nos récentes histoires d’amour, mortes, enterrées, terre encore fraîche, chrysanthèmes pas encore fanés. J’ai entamé mon deuxième Ti Punch. Nos histoires d’amour respectives ayant toutes deux une forte composante sexe, notre conversation glisse régulièrement côté cul. Je bande par intermittence. Je me demande si tu t’imagines toi-même jouant avec mon sexe pendant que je te raconte un de ses anciens exploits.

22:20 Troisième punch, deuxième Martini, on décide d’accompagner notre beuverie d’un quelque chose à grignoter. Je n’ai pas très faim et toi non plus. Nous décidons de partager un club sandwich. Je sens ta jambe qui effleure la mienne au moment où je tends vers ta bouche une tomate cerise empalée sur sa pique. Je crois que j’ai rougi, mais, contraste avec la tomate aidant, ça ne s’est pas trop vu.

22:35 Il ne reste plus grand chose du sandwich ni du troisième Martini que tu as commandé et bu presque d’un trait. Était-ce pour trouver le courage de me dire à ce moment-là : « j’ai envie de voir ta queue, J*** » ? J’ai répondu du tac-au-tac (je suis très mauvais à ce jeu) que j’avais bien envie de te la montrer moi aussi. Je t’ai prise par la nuque et ma langue est allée chercher au fond de ta gorge la tomate cerise que je t’avais trop légèrement concédée. Ma langue a fait chou-blanc. Elle trouvera un autre prétexte la prochaine fois.

22:39 Nous avons réglé vite-fait bien-fait l’addition. Et nous voilà dehors. C’est le mois d’août. La rue est calme et tiède. Je te plaque contre le mur pour t’embrasser à nouveau. Mon genou se glisse entre tes jambes. Tu as mis une robe assez courte qui ne s’oppose pas à ce que tu écartes un peu les cuisses pour laisser la mienne s’approcher.
Ce n’est que quand nous nous sommes levés il y a un instant que notre différence de taille m’a frappé. J’ai pensé à I*** connue il y a onze ans, et le souvenir de son corps si gracile (avec lequel je pouvais presque jongler malgré ma carrure d’intello pas déménageur) aurait pu me faire bander davantage, si la vision de ton petit cul n’avait pas déjà positionné le potentiomètre sur MAX.
Je remonte donc mon genou pour te soulever un peu, tu as levé ta cuisse gauche que je maintiens fermement de ma main droite posée à la frontière entre cuisse et fesse. Ta jambe droite est en extension, tu touches à peine le sol de la pointe de ta chaussure. Je te fais léviter, ma cuisse contre ta chatte, joli point de sustentation. Joli point de tentation.

23:06 Nous arrivons chez toi et le repas des fauves va commencer. Les chrysanthèmes auraient besoin d’un peu plus d’eau. C’est le mois d’août et il fait chaud. Ils vont faner, c’est sûr. La faute à la canicule.


La suite est ici.


L’image en illustration est de Jan Saudek (Nargilé – Orient 2, 2005). Je ne saurais trop te recommander, ami lecteur, de visiter son site voire de te procurer quelques uns de ses recueils de photos (Taschen en édite quelques uns, à un prix tout à fait économique).

4 gazouillis sur “Nadia”  

  1. #1
     
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    lapetitebrune a gazouillé  :

    mmm plaisant à lire, à imaginer
    un brin émoustillée même…
    ;)

  2. #2
     
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    lib a gazouillé  :

    Et tu t’arretes là ??? Tu devrais avoir honte.

  3. #3
     
    gravatar
    Comme une image a gazouillé  :

    @ la petite brune > juste un brin ? groumpf !

    @ lib > Chère feuilletonniste, j’ai bien le droit moi aussi de tenir mes lecteurs en haleine. Il y aura une suite, c’est promis.
    Patience.

    @ la bande de backtrackers > c’est pas bientôt fini vos conneries ?

  4. #4
     
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    presque a gazouillé  :

    de la simplicité d’exprimer son désir…
    très émoustillant, effectivement…

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