[1090] Je mouille

(Une fois de plus, je ne recule pas devant les titres racoleurs – et trompeurs.)

Sans que ce soit une source d’étonnement, j’ai pu constater dernièrement que le confort de notre délicat petit trou du cul était un sujet de préoccupation jusqu’au concours Lépine (non, je ne ferai pas de jeu de mot facile). Alors même que je me préparais à la rédaction de mon billet sur ma magnifique douchette à WC  du mois dernier, je découvrais dans les toilettes d’un bâtiment où je m’étais rendu pour suivre une formation professionnelle le dispositif suivant :

Un humidificateur de papier toilette

Il s’agit d’un dispositif qui permet d’humidifier le papier toilette avant de s’en servir, ce qui permet… bon, je ne vais pas vous refaire l’article une quarantième fois ! Vous trouverez plus d’informations sur le site (très web 0.1, avec des vrais morceaux de FRAME dedans) de l’inventeur/distributeur de la solution Distrimix médaille d’or catégorie Santé du concours Lépine 1997.

Alors, pour moi qui suis désormais un spécialiste quasi rablaisien du lave-fondement1, que pensé-je de cette foudroyante innovation à l’usage (puisque je l’ai bien évidemment testée) ?

  1. C’est effectivement efficace. Toutefois pas autant qu’un filet d’eau en provenance d’un lavabo quand vos wc ont la chance d’en être équipé et que celui-là est convenablement placé par rapport à ceux-ci.
  2. C’est un peu lent.
  3. C’est éducatif.
  4. J’imagine cela plutôt onéreux (pour une entreprise : gérer batterie + solution humidificatrice pour tous les chiottes d’une entreprise). Même si le coût n’est pas rédhibitoire, les entreprises essayent plutôt de réduire leur coûts que de prendre en compte le confort de nos trous du cul.

  1. Sur la fin de la cinquième année, Grandgousier, retour de la défaite des Canarriens, vint voir son fils Gargantua. Alors il fut saisi de toute la joie concevable chez un tel père voyant qu’il avait un tel fils et, tout en l’embrassant et en l’étreignant, il lui posait toutes sortes de petites questions puériles. Et il but à qui mieux mieux avec lui et avec ses gouvernantes auxquelles il demandait avec grand intérêt si, entre autres choses, elles l’avaient tenu propre et net. Ce à quoi Gargantua répondit qu’il s’y était pris de telle façon qu’il n’y avait pas dans tout le pays un garçon qui fût plus propre que lui.
    « Comment cela ? dit Grandgousier.
    – J’ai découvert, répondit Gargantua, à la suite de longues et minutieuses recherches, un moyen de me torcher le cul. C’est le plus seigneurial, le plus excellent et le plus efficace qu’on ait jamais vu.
    – Quel est-il ? dit Grandgousier.
    – C’est ce que je vais vous raconter à présent, dit Gargantua. Une fois, je me suis torché avec le cache-nez de velours d’une demoiselle, ce que je trouvai bon, vu que sa douceur soyeuse me procura une bien grande volupté au fondement ;
    une autre fois avec un chaperon de la même et le résultat fut identique ;
    une autre fois avec un cache-col ;
    une autre fois avec des cache-oreilles de satin de couleur vive, mais les dorures d’un tas de saloperies de perlettes qui l’ornaient m’écorchèrent tout le derrière. Que le feu Saint-Antoine brûle le trou du cul à l’orfèvre qui les a faites et à la demoiselle qui les portait.
    « Ce mal me passa lorsque je me torchai avec un bonnet de page, bien emplumé à la Suisse.
    « Puis, alors que je fientais derrière un buisson, je trouvai un chat de mars et m’en torchai, mais ses griffes m’ulcérèrent tout le périnée.
    « Ce dont je me guéris le lendemain en me torchant avec les gants de ma mère, bien parfumés de berga-motte.
    « Puis je me torchai avec de la sauge, du fenouil, de l’aneth, de la marjolaine, des roses, des feuilles de courges, de choux, de bettes, de vigne, de guimauve, de bouillon-blanc (c’est l’écarlate au cul), de laitue et des feuilles d’épinards (tout ça m’a fait une belle jambe !), avec de la mercuriale, de la persicaire, des orties, de la consoude, mais j’en caguai du sang comme un Lombard, ce dont je fus guéri en me torchant avec ma braguette.
    « Puis je me torchai avec les draps, les couvertures, les rideaux, avec un coussin, une carpette, un tapis de jeu, un torchon, une serviette, un mouchoir, un peignoir ; tout cela me procura plus de plaisir que n’en ont les galeux quand on les étrille.
    – C’est bien, dit Grandgousier, mais quel torche-cul trouvas-tu le meilleur ?
    – J’y arrivais, dit Gargantua ; vous en saurez bientôt le fin mot. Je me torchai avec du foin, de la paille, de la bauduffe, de la bourre, de la laine, du papier. Mais
    Toujours laisse aux couilles une amorce
    Qui son cul sale de papier torche.
    – Quoi ! dit Grandgousier, mon petit couillon, t’attaches-tu au pot, vu que tu fais déjà des vers ?
    – Oui-da, mon roi, répondit Gargantua, je rime tant et plus et en rimant souvent je m’enrhume. Écoutez ce que disent aux fienteurs les murs de nos cabinets :
    Chieur,
    Foireux
    Péteur,
    Breneux
    Ton lard fécal
    En cavale
    S’étale
    Sur nous.
    Répugnant,
    Emmerdant,
    Dégouttant,
    Le feu saint Antoine puisse te rôtir
    Si tous
    Tes trous
    Béants
    Tu ne torches avant ton départ.
    « En voulez-vous un peu plus ?
    – Oui-da, répondit Grandgousier.
    – Alors, dit Gargantua :
    RONDEAU
    En chiant l’autre jour j’ai flairé
    L’impôt que mon cul réclamait :
    J’espérais un autre bouquet.
    Je fus bel et bien empesté.
    Oh ! si l’on m’avait amené
    Cette fille que j’attendais
    En chiant,
    J’aurais su lui accommoder
    Son trou d’urine en bon goret ;
    Pendant ce temps ses doigts auraient
    Mon trou de merde équipé,
    En chiant.
    « Dites tout de suite que je n’y connais rien ! Par la mère Dieu, ce n’est pas moi qui les ai composés, mais les ayant entendu réciter à ma grand-mère que vous voyez ici, je les ai retenus en la gibecière de ma mémoire.
    – Revenons, dit Grandgousier, à notre propos.
    – Lequel, dit Gargantua, chier ?
    – Non, dit Grandgousier, mais se torcher le cul.
    – Mais, dit Gargantua, voulez-vous payer une barrique de vin breton si je vous dame le pion à ce propos ?
    – Oui, assurément, dit Grandgousier.
    – Il n’est, dit Gargantua, pas besoin de se torcher le cul s’il n’y a pas de saletés. De saletés, il ne peut y en avoir si l’on n’a pas chié. Il nous faut donc chier avant que de nous torcher le cul !
    – Oh ! dit Grandgousier, que tu es plein de bon sens, mon petit bonhomme ; un de ces jours prochains, je te ferai passer docteur en gai savoir, pardieu ! Car tu as de la raison plus que tu n’as d’années. Allez, je t’en prie, poursuis ce propos torcheculatif. Et par ma barbe, au lieu d’une barrique, c’est cinquante feuillettes que tu auras, je veux dire des feuillettes de ce bon vin breton qui ne vient d’ailleurs pas en Bretagne, mais dans ce bon pays de Véron.
    – Après, dit Gargantua, je me torchai avec un couvre-chef, un oreiller, une pantoufle, une gibecière, un panier (mais quel peu agréable torche-cul !), puis avec un chapeau. Remarquez que parmi les chapeaux, les uns sont de feutre rasé, d’autres à poil, d’autres de velours, d’autres de taffetas. Le meilleur d’entre tous, c’est celui à poil, car il absterge excellemment la matière fécale. Puis je me torchai avec une poule, un coq, un poulet, la peau d’un veau, un lièvre, un pigeon, un cormoran, un sac d’avocat, une cagoule, une coiffe, un leurre.
    « Mais pour conclure, je dis et je maintiens qu’il n’y a pas de meilleur torche-cul qu’un oison bien duveteux, pourvu qu’on lui tienne la tête entre les jambes. Croyez-m’en sur l’honneur, vous ressentez au trou du cul une volupté mirifique, tant à cause de la douceur de ce duvet qu’à cause de la bonne chaleur de l’oison qui se communique facilement du boyau du cul et des autres intestins jusqu’à se transmettre à la région du coeur et à celle du cerveau. Ne croyez pas que la béatitude des héros et des demi-dieux qui sont aux Champs Élysées tienne à leur asphodèle, à leur ambroisie ou à leur nectar comme disent les vieilles de par ici. Elle tient, selon mon opinion, à ce qu’ils se torchent le cul avec un oison ; c’est aussi l’opinion de Maître Jean d’Écosse. »

    François RABELAIS, Gargantua, chapitre 13
    Comment Grandgousier reconnut à l’invention d’un torche-cul la merveilleuse intelligence de Gargantua

20 gazouillis sur “Je mouille”  

  1. #1
     
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    zoumpapa a gazouillé  :

    Une question – importante – me vient à l’esprit par ce temps pluvieux (chez moi du moins):doit on dire « tous les chiottes, ou plutôt « toutes les chiottes »
    (ça me perturbe tiens).
    Excellent WE ceci dit Cher Cui!

  2. #2
     
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    columbine a gazouillé  :

    ça n’existe pas en France le papier de toilette humidifié?

  3. #3
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ zoumpapa » Le TLFI propose plutôt l’accord au féminin. J’ai mis au pluriel « un chiotte » que j’ai tendance à employer mais qui est douteux, puisque le TLFI, là encore, parle plutôt d’utilisation systématique au pluriel.
    En espérant mettre ainsi fin à ta perturbation ^^

    @ columbine » Ça existe sûrement (Google est notre ami) mais je n’ai pas souvenir d’en avoir vu dans les grandes surfaces que je fréquente.
    Vu aussi cet article qui les déconseille.

  4. #4
     
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    Kurland a gazouillé  :

    (OK pour Anne Archet. Et merci.)

  5. #5
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ Kurland » Bienvenu ici (et sans vous commander, si vous chercher mes textes cul, vous les trouverez plutôt en zone privée, je vous conseille donc de vous enregistrer).

  6. #6
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    J’y pense, amis lecteurs, amies lectrices, Kurland cherche des billets Q et il tombe sur un billet PQ. C’est pas de bol. Si vous pouviez être assez aimables pour lui conseiller un ou deux textes lus ici que vous aurez trouvé particulièrement bandant/mouillant, c’est le moment (et ça m’intéresse aussi de savoir quels sont vos préférés, par ailleurs !).

  7. #7
     
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    Kurland a gazouillé  :

    Sans contraindre personne non plus mes textes préférés sur un blog ne sont pas forcément ceux où on montre son cul. Ou un cul.

    Ce sont plutôt ceux où, en pensant montrer du cul, on montre en fait des tas d’autres choses qui me parlent infiniment plus.

    Je vous dirai celui que j’ai préféré dans votre service public.

  8. #8
     
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    Vagant a gazouillé  :

    @Kurland: La section privée n’est pas forcement la plus sexuellement explicite. C’est celle ou notre ami CUI publie ses notes plus personnelles. A mon avis, elles sont bien meilleures, car bien plus chargées en émotions.

  9. #9
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ Kurland » Soit ! Il faut considérer toutefois la possibilité que d’autres lecteurs apprécient certains textes pour des raisons semblables aux vôtres. C’est moi qui, un peu hâtivement, ai restreint le champ en parlant de textes excitants. Pour info, la série « Penses-tu encore à moi ? » entamée cette année a connu un certain succès critique !

    @ Vagant » Voilà qui me semble fort bien dit.

  10. #10
     
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    Kurland a gazouillé  :

    A raison, le succès critique.

  11. #11
     
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    MarieM a gazouillé  :

    Bizz à tous 2 de Mouillette ou mouillettes

    Bon un petit commentaire ludique , ss forme d’énigme , il est recyclé d’une note réçente du côté non pas obscur mais privé de votre burp
    ( quadruple utilité dont celle de répondre à la question « quel genre d’article préférez vous ici  »
    buzz pour les inscriptions , lol
    quintuple même , com de fainéante ;-)
    sexe-tu-ple-ment caché car c peut être certains petits bijoux pragmatiques , chauds , sensibles , humouristiques et doux que je kiffe ici )

    quote :
    Moi je la trouve pragmatique cette lettre d’Adeline
    que tu avais sans doute surprise, voire blessée par ton organigramme ;
    qu’elle veuille rompre , ça devait être de votre âge mdr , amourette brèves et intenses.

    aaaaatends : je m’explique
    A votre époque( ou alors je prends comme référence la mienne et j’ai un demi train de retard ) ce ne devait pas être très courant comme format de lettre .

    Alors même en y metant des gentillesses ….bonjour la tendresse (enfin , pour elle peut être)
    donc elle a répondu brièvement et le plus honnêtement possible il ce me semblerait
    et le face à face était sans doute pour avoir un contact non ornigrammé plus compréhenssible pour elle
    Perso je le trouve trop mimi ton orga
    à la fois romantique
    pudique
    et explicatif
    mais je te connais (;-) si si un peu par ce blog et une photo partielle que j’avais reçue lol)

    @vagant
    je plussoie vos références extraterrestres
    et j’en connais un rayon dans l’intersidérant
    mon blog se nomme o v n i ;-)
    j’en profite pour vous dire que je goute particulièrement votre blog même si j’ose rarement commenter (hé oui, même les trolls sont délicats qq fois)

    unquote

  12. #12
     
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    dandyjoueur a gazouillé  :

    @kurland : comme je l’ai dis dernièrement, ce sont souvent les commentaires qui provoquent ici plus d’émoi que les photographies… Je ne peux que vous encourager à continuer votre lecture.

  13. #13
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ Kurland » Vous avez pu la lire ?

    @ MarieM » Je ne saisis pas trop l’énigme mais elle doit être adressée à Kurland, non ?

    @ dandyjoueur » Oh, les photos sont souvent là pour illustrer par « association d’idée » (c’est à dire, moins pour illustrer de façon littérale, mais en mode clin d’œil).
    Et c’est vrai que de nombreuses notes sont enrichies par les excellents débats qu’elles suscitent (y compris des notes de feignasses, j’ai un commentorat formidable !)

  14. #14
     
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    Judie K a gazouillé  :

    Vos notes de bas de page sont plus longues que votre articles, mais la police les rendent la lecture fastidieuse. Du coup je n’ai pas saisi le rapport entre votre article et Gargantua.

  15. #15
     
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    MarieM a gazouillé  :

    Pfffff

    je la trouvais simple pourtant : juste faire un ptit effort pafin de découvrir le billet nostalgique .
    Ben , ne vouliez pas savoir quels billets nous kiffions le plus ….snif

    Cela cesse d’être amusant de troller si vous réagissez si short , pfff
    kurland , il a l’air interessant à 1ère vue ,
    mais à la millième et plus comme vous ici …vous avez encore ma carte d’anniv de Courbet ? (Julien , bien sur …celui de l’origine des hypermarchés)
    Mon petit Luke Sw , si je viens de temps en temps ici malgré vos rebuffades polies c que je kiffe tjs votre style lol et que j’aime qd vous oubliez l’aspirine aussi ;-)

  16. #16
     
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    MarieM a gazouillé  :

    bon j’avais édit mais time to edit close , pfff la Jtechnique
    c’était l’aspirine ou autre chose mais c’était vos balbutiements de vies parallèles et vous expliquiez sans hypochrite dédouanage usuel que vous ne vouliez pas blesser Mme ou boulverser les loupiots…
    et puis je kiffais aussi ttes les utilisations de votre tuture
    les argumentations militantes sur votre socialisme
    et encore une chtite dernière vos zones de balades dans Paris qd z’étiez jeune …

    bon réponse en 2 mots pas plus ou vs me décevriez

  17. #17
     
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    Kurland a gazouillé  :

    @cui: Avez vous une réponse pour le billet 842? la question était intéressante.

    Marie M parle de la note penses-tu encore à moi n°10. Son message ne s’adressait pas à moi.

  18. #18
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ JudieK » Il y a de nombreuses façons d’agrandir une police affichée, vous pouvez par exemple désactiver le style ou simplement augmenter l’échelle, ou encore aller lire ailleurs ce texte de Rabelais, et vous comprendrez ensuite le lien avec cet article.

    @ MarieM » Ta folie est toujours bienvenue ici (j’ai fait court mais j’ai dépassé deux mots).

    @ Kurland » Ça n’est pas très simple de retrouver une note par son numéro d’ordre, mais j’ai réussi (elle est ici) et la réponse est : non. Vous l’avez ?

  19. #19
     
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    Judie K a gazouillé  :

    Vous demandez vous demandez un effort à votre lectorat… suis une feignasse. Tant pis pour moi.

  20. #20
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ Judie K » Pas si feignasse puisque vous revenez commenter, mais que puis-je dire sinon « tant pis pour vous » ! Ce texte de Rabelais est truculent !

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