J’ai appris ce jour une triste nouvelle, la disparition de celui qui fut d’abord un compagnon d’arme, à savoir un autre burpeur de l’éroburposphère des temps anciens (celle de l’époque dorée à laquelle Twitter a mis fin : le commun des mortels jugeant qu’il était bien suffisant de s’exprimer sur 140 caractères plutôt que de se fatiguer à rédiger), avant de devenir un ami, fut-il lointain, croisé quelques fois lors de ses passages à Paris, avec qui je partageais, sinon un goût commun pour les bonnes choses de la vie (en particulier celles que l’on déguste les oreilles coincées entre deux cuisses), au moins quelques amantes !
Ainsi donc, Zorg (nous garderons ici son pseudonyme) s’est carapaté, foudroyé en quelques mois par un cancer. À quelques années près, il devait avoir mon âge, me rappelant assez brutalement – je vais y revenir – combien nos vies sont fragiles.
Pour ceux qui l’ont connu, nul besoin de redire ici l’évidence, mais pour les autres, quelques mots. Si vous allez visiter son blog (n’hésitez pas à aller creuser dans ses archives), vous y verrez l’empreinte d’un jouisseur, d’un homme de caractère avec son envie dévorante de sucer la vie jusqu’à ce qu’elle hurle de plaisir, un homme avec ses doutes et ses peurs, parfois ; un des nôtres, tout simplement.
Zorg a été cueilli par la faucheuse « dans la force de l’âge », comme on dit, dans cette période pas simple où l’on sent la vieillesse s’approcher doucement – c’est quoi cette tache sur ma peau qui ne veut plus partir ? cette douleur au genou qui ne se résorbe pas ? – mais où la queue se dresse toujours dès qu’une jolie poupée la siffle, sans avoir besoin d’avaler une pilule bleue. Un âge où l’on commence à appréhender concrètement (pardon de généraliser sur mon propre ressenti) notre nature mortelle, mais en imaginant que l’échéance est encore assez éloignée pour garder un peu d’insouciance.
Il n’y a pas que des amantes que nous avons en commun, Zorg et moi. Je voulais crever tôt1 mais Zorg m’a piqué l’idée.
Toi qui ne connaissais pas Zorg, je n’attends pas de ta part de compassion. Mourir est notre lot à tous, et je me réjouis au moins qu’il ait eu une mort douce, entouré des siens. Il y a mille destins bien pire que le siens. (Je pense à toi, mon pote, mort à 45 ans après une vie pourrie par la mucoviscidose. Et je pense à toi, mon copain d’enfance, mort à 18 ans, lâché par un cœur trop fragile, qu’auras-tu pu vivre de ce quignon de vie ? Et il y en a mille pires encore que ceux-là. Et mille autres encore pires que ces pires…)
Toi qui ne connaissais pas Zorg, ne retiens qu’une seule chose : profite de cette vie ! bouffe-là tous les jours avec l’enthousiasme que tu pourras ! La vie, cette chienne, n’est pas toujours un open bar où tous tes désirs sont exaucés, mais quand elle t’attend en frétillant du cul pour une bonne levrette, profites-en à corps perdu en mode doggy style !
Après-demain, je passe sur la table d’opération pour voir à quoi ressemblent mes boyaux.
Je serai peut-être le prochain burpeur sur la liste de la Camarde, ou peut-être que malgré mon hérédité et mes trajets quotidiens en scooter, je ferai des veillées autour d’un feu de bois avec mes petits enfants pour leur raconter encore une fois l’époque où les téléphones portables n’existaient pas et que je faisais des rencontres chaudes dans ma région grâce au Minitel.
- Ami lecteur, il te faudra être inscrit pour accéder à cette note, mais tu y liras ironiquement que je parlais de mourir à 47 ans, l’âge que j’ai ajourd’hui↩