[1505] Certificat de queeritude

Dès l’adolescence (et peut-être même un peu avant), je portais en moi cette ambivalence : le bon élève, propre sur lui, mais qui rêve d’intégrer le groupe des bad boys and girls, de ceux qui se prennent des torgnoles en maths mais qui fument dans leur soirée (pas que du tabac) en écoutant de la musique branchée, de ceux qui font des conneries quand les adultes ont le dos tourné.

Des conneries, j’en ai fait. J’ai escaladé à main nue les murs de ma résidence, premier, deuxième, troisième étage et le vide en dessous, j’ai piqué de l’argent aux parents de voisins et des trucs idiots au Monoprix du coin, j’ai pris le bus tout seul pour aller explorer Paris, d’autres trucs encore. Mais c’était facile à faire puisque je le faisais seul. Alors que pour rejoindre une bande, il faut que la bande t’accepte, toi, avec ton allure de premier de classe qui ne colle pas avec la nôtre.

ornement séparateur

Je suis un mâle blanc cis quinqua CSP+, en couple hétéro depuis trente ans, avec ses enfants, son pavillon de banlieue, je n’ai ni tatouage, ni piercing, je laisse mes cheveux se teindre progressivement en gris, je porte des jeans et, de dos, on me reconnaît : je suis monsieur-tout-le-monde.

Je dois attendre la nuit, la clandestinité, pour offrir, l’espace de quelques toujours trop courtes heures, à cette autre facette la possibilité d’émettre son faible éclat.
Je viens ici quémander, ô peuple queer, mon inclusion dans ton groupe bigarré. Oublie la photo que je viens d’esquisser, regarde plutôt…

Déjà, je ne suis pas le mâl·e absolu, tu as vu, j’ai dit cis et pas l’infamant cishet qui te classe direct dans la catégorie des sur-privilégiés qu’on entend trop. Je suis bi.
Ptête même pan, tiens, mais je n’ai pas encore eu l’occasion d’éprouver dans le concret mes attirances vers des trans (il y avait quand même cette jolie brune en transition que j’aurais bien coincée mais qui n’était pas intéressée par les garçons).
Mais franchement (je ne devrais pas dire ça ici, alors que je mendie ta reconnaissance), être bi ne m’a jamais exposé à la moindre oppression, car je ne nommerai pas oppression le fait que quelques nanas mal câblées m’envoient balader parce qu’elles trouvent dégueulasses que des mecs puissent sucer des queues en plus de baiser des chattes.

Bon, quoi d’autre ?

Euh…

Je porte des combinaisons résille, j’aime bien mettre du mascara, je vote à gauche, j’adore me faire cheviller (mais ça reste une pratique hétéro, vu de mon point de cul), j’ai une chemise à fleur et un kilt en cuir, j’écoute des podcasts féministes.

(J’espère que ça va suffire.)

Un oiseau bite en cage : va-t-il être libéré ? Ex libris

Notre illustration : CUI (CUI) est énervé et ne sait parler qu’avec sa bite.

[1504] Au débotté

Comme une image
vous propose
en association avec DJ-Séroto9
une
6ème orgie
électro-nique
vendredi 16 août 2024
Sex & drugs & love music entre adultes consentants

Évidemment, au cœur de l’été, quasiment la veille pour le lendemain, alors que tous·tes les parisien·nes viennent de quitter Paris qui n’est plus ville olympique (jusqu’aux jeux para, of course), c’est assez audacieux d’organiser cette fête, mais je n’avais aucune ouverture cet été pour organiser ma fête annuelle (?) avant que celle-ci ne s’ouvre subrepticement hier.

Donc voilà.

Faites-moi vite signe si vous voulez venir, sinon, ça ressemble à la blague :

— Tu viens chez moi samedi, j’organise une partouze !
— Cool ! On sera combien ?
— Ben avec toi et ta femme, on sera trois !

[1502] Le fil du souvenir

Hier fut, irrémédiablement.
Je m’accroche au fil de ce souvenir pour inventer un demain qui, bien sûr, ne sera pas. En tout cas, pas comme je le projette. Je ne suis pas une Parque filant le destin.

Lis-moi, non pour qu’advienne ce que je projette, mais pour t’emplir de mon présent, de ce rêve qui m’habite (oui, lol). Je rêve que cette envie, qui vibre et résonne en moi, se propage par tes yeux au fond de ton ventre. Je me rêve, avec mes mots, faiseur de prophéties autoréalisatrices.

Peut-être faudrait-il que j’égorge un coq noir, que je psalmodie une incantation au centre d’un pentagramme tracé à la craie sur lequel, à la pointe de chaque branche, vacille une bougie, que je trouve chez quelque sorcière un philtre dont, minutieusement, j’injecterais quelques gouttes dans chaque chocolat de ce grand faiseur avant de te les offrir.
Mais je ne crois qu’à mes mots, et à leur pouvoir érodé.

(suite…)

[1501] Dix ans après

Je caresse le projet de raconter à nouveau, ici, mon « anniversaire » dix ans après les faits.

Juste pour voir ce que ma mémoire a gardé de ces quarante-huit heures d’anthologie, en tout cas d’anthologie pour ma petite histoire érotique personnelle.

Qu’est-ce que t’en penses, ami·e lecteur·trice ? (déjà, faut que tu fasses partie des meubles pour savoir à quoi je fais référence, quand je parle d’anniversaire !)

puzzle de la mémoire

[1500] Passer nos amours à la machine

Il y a quelques jours, je remplaçais notre ancien lave-linge, mort en plein exercice à l’âge vénérable de 17 ans (et ce, sans la moindre hospitalisation préalable, chapeau !) par un nouveau modèle acheté sur un site d’électroménager reconditionné. J’ai eu l’impression de sauver le monde par ce geste atteignant des sommets d’engagement écologique.

ornement séparateur

Pour mes amours, je crois aussi à une certaine écologie érotique : je m’engage pour la durée, je consomme local, quand il y a une panne, je préfère essayer de réparer que de jeter et remplacer. Et je préfère souvent les modèles qui ont déjà servi aux modèles tout neufs qu’il va falloir débrider.
Peut-être parce que je vieillis et que je prends de plus en plus conscience de l’importance de ne pas gaspiller les belles ressources de notre planète, je regarde avec tendresse (et quelques bonnes louches de concupiscence, avouons-le) ces amours éloignées, mais que j’imagine pouvoir encore toucher, simplement en tendant le bras (et, peut-être aussi, ma queue, parce que je n’ai pas le monopole de la concupiscence).

Un sac en papier kraft, sur lequel est inscrite la mention « reuse until I break. Then recycle me. » accompagné d'un logo de recyclage en forme de cœur

(Je me demande si ce billet n’est pas lui-même un recyclage de celui-ci…)