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Crever tôt

Crever tôt,
Pour vite me faire bouffer par les asticots.
Me faire sauter le ciboulot ? Éclater ma 106 contre un poteau ? Patienter jusqu’à ce qu’un cancer ait ma peau ?
Ne pas attendre de n’avoir plus que des chicots. Partir avant d’être en lambeaux.

Je me suis toujours dit que je ne voulais pas mourir vieux. J’étais persuadé, il y a 10-15 ans (ce n’est pas une idée récente, te dis-je, ami lecteur), que je mourrai d’une mort violente. Probablement un accident de voiture. C’est tellement facile de se faire écrabouiller par deux camions, ou de s’endormir et de perdre le contrôle de son véhicule. Finir en mille-feuilles dans un amas de tôle froisée. J’ai lu Crash de Balard (et puis j’ai vu le film assez fidèle qu’en a fait Cronenberg) et ça ne fait pas du tout partie de mon univers fantasmatique. Je ne me réjouis pas d’une mort de ce genre (probablement assez douloureuse, d’ailleurs). Je préfèrerais une mort rapide, couic, un vaisseau qui pète pendant mon sommeil. Je m’endors heureux. Je pars en plein rêve.

Crever tôt.
Comme Fabián Bielinsky, le réalisateur argentin de Neuf Reines et d’El Aura ?
Paf ! En pleine gloire montante, fauché à 47 ans par un infarctus.
47 ans, ça m’aurait paru bien il y a quelques années, comme âge, pour mourir.
Maintenant que je m’approche lentement mais sûrement de la quarantaine, je me dis que ça peut attendre encore un peu. 

Crever tôt, c’est bien beau…
Mais c’est pas sympa pour ceux qui regardent partir le bateau. Pour mes filles qui espèrent encore quelques années me sauter au paletot.
Pour ma femme pour qui je ne suis pas encore un fardeau.
Pour mes amis qui tiennent encore à leur poteau.
Et pour moi qui m’amuse encore pas mal dans le marigot.

 

Crever tôt, moi je dis Go ! mais tout de même : pas trop tôt. 

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