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L’important c’est la consigne

Petit billet désespéré et probablement inutile, s’adressant à l’étroite frange de mon électorat qui ne saurait pas encore comment voter ou ayant l’idée étrange de vouloir voter pour celui qui me paraît l’un des pires candidats éligibles (et j’expliquerai brièvement pourquoi) à une élection présidentielle depuis bien longtemps.

On se souvient que 2002 fut l’année de l’élection qui apporta à la gauche un choc majeur que peu avaient senti venir : l’absence d’un de leurs représentants au second tour. 2007 se présente différemment : ce choc de 2002 est dans tous les esprits, d’une part, la gauche s’est un peu moins dispersée dans ses candidatures (même si la multiplication des candidatures d’extrême-gauche reste un phénomène étrange et pénible), d’autre part, le « vote utile » est assez ancré dans les esprits (à cet égard le très faible score que les sondages donnent actuellement aux Verts – pour autant que ces sondages soient crédibles – me semble assez symptomatique) et, en ce qui me concerne, je ne pense pas que Ségolène Royal soit absente du deuxième tour. Évidemment, rien n’est acquis d’avance, et il convient à tous, quel que soit ses intentions de vote, d’accomplir son devoir civique et d’aller bourrer légalement les urnes (je mets « bourrer » qui peut avoir une légère connotation sexuelle mais je ne crois pas que cela suffise à décider Anne Archet de se déplacer – ah mais on me signale dans l’oreillette qu’elle est Canadienne, au temps pour moi).

La différence, c’est que 2007 arrive avec un danger qui me paraît singulièrement plus élevé et grave dans ses conséquences : c’est Nicolas Sarkozy. Rarement candidat éligible aura suscité une telle haine dans le camp d’en face. J’ai lu je-ne-sais-plus-qui qui disait que c’était une grosse connerie de dire que Sarkozy était dangereux, mais je la fais mienne, cette grosse connerie, j’assume d’être con et d’avoir peur de ce type dont je considère, sans exagération aucune, que c’est de la graine de despote. À titre d’illustration, on peut voir comment cet homme verrouille les médias et ne cesse de vouloir augmenter sa mainmise dessus : copain de Martin Bouygues, copain de Lagardère, copain de Rotschield (Libération !). Vous l’avez déjà vu à l’œuvre : censure d’un bouquin concernant sa vie privée, licenciement du patron de Paris-Match. Vous avez entendu parler sous cape de ses colères envers des journalistes « irrévérencieux » (sur France 3, dans Libération…). Il ne faut pas être dans le secret des dieux pour comprendre que ce n’est que la partie immergée de l’iceberg et que s’il accède « aux plus hautes fonctions », ça sera malheureusement pire.

Que risque-t-on ? Une dictature ? Probablement pas (à propos, avez-vous vu cette petite vidéo à la fois hilarante et inquiétante ?). Mais un noyautage des médias, oui, la mise en place de lois iniques (du genre de celles que Berlusconi, un machin comparable à N.S., a pu mettre en place en Italie, pour auto-amnistier ses manipulations économiques frauduleuses). Une politique toute entière tournée vers les entrepreneurs (cassage du CDI, annoncé dans le programme – le foirage du CPE n’a pas servi de leçon). J’ai ri jaune en lisant dans la profession de foi de Sarkozy qu’il voulait augmenter la rémunération des heures supplémentaires (le fameux mensonge « travailler plus pour gagner plus ») alors qu’il appartient au gouvernement qui les a abaissé de 20%. Oui, Sarkozy me fait peur parce qu’il annonce une droite « sans tabou », et que les tabous, il en faut pour conserver l’équilibre de la société. C’est même à ça qu’ils servent.

Alors, pas de chance, ami lecteur de droite (oui, c’est à toi que je parle, Roumi. Y’en a un autre ?), cette année pour voter à droite sans voter raciste, il n’y a pas un choix génial, et c’est donc Bayrou qu’il faut voter.

Ami lecteur de gauche, tu n’es pas non plus forcément très enthousiasmé par l’offre qui t’est faite cette année, mais l’heure n’est plus au cas de conscience. Si tu penses que la couche d’écologie pas encore sèche dont tous les candidats ont enduit leur programme risque de vite partir au lavage, ma foi, vote « Verts ». Si, contrairement à moi, tu n’es pas convaincu qu’un programme « à gauche toute » n’est pas totalement irréaliste compte tenu de l’environnement européen et mondial dans lequel nous baignons, alors je ne sais pas trop quoi te conseiller entre Buffet, Bové et Besancenot. Buffet incarne un PCF qui refuse jusqu’à en crever la rénovation, peut être faut-il lui apporter le coup de grâce pour en finir, et cela fera probablement aussi voler en éclat la ligne d’union politique PS-PC-Verts. Bové, pour moi, c’est une candidature de guignol (Bové m’énerve depuis un moment, faut dire), mais il incarne une ligne à gauche (légèrement) moins n’importe quoi que la Ligue Communiste Révolutionnaire (ah oui ! quand même) de Besancenot qui hérite du capital (sic) sympathie dont bénéficiait préalablement Arlette Laguiller, la marionnette de Lutte Ouvrière. Pour le reste, si tu te reconnais dans les valeurs portées par le Parti Socialiste, que tu ne veux pas d’une droite dure, que tu trouves Royal bandante ou pas, il n’y a pas vraiment de questions à se poser, de jeu de billard à 3 bandes à tenter (la tentation Bayrou me paraît, à cet égard, on ne peut plus tordue), il faut voter pour Ségolène Royal. À l’époque du vote interne au Parti Socialiste pour désigner leur candidat, je n’étais pas de ceux qui croyait « qu’elle seule [pouvait] battre Sarkozy ». Maintenant que c’est elle la candidat, alors oui, elle seule peut battre Sarkozy. Certes, il est évident que si le second tour opposait Bayrou à Sarkozy, ce serait le premier qui l’emporterait, mais ce cas de figure ne se présentera pas (mon pronostic pour le premier tour, c’est : 1-Royal, 2-Sarkozy, 3-Le Pen, 4-Bayrou : évidemment ce n’est qu’un pari, sinon à quoi servirait d’écrire ce billet si j’étais convaincu que tout été plié d’avance).

Personnellement, j’appelle de mes vœux, si mon pronostic est juste quant aux deux premiers (dans l’ordre ou dans le désordre), à un recentrage PS-UDF au second tour. Évidemment, ça n’a pas de sens au premier tour, parce qu’il faut que le PS montre ne joue pas les accessits. Évidemment ça ne fait pas plaisir à mes camarades préférant conserver la ligne de démarcation gauche-droite, et j’en ai entendu dire « quand même, l’UDF… » (bon, évidemment, UDF ça fait un peu penser à Giscard, mais n’oublions pas que ce rogaton appelle à voter Sarko). Mais je reste convaincu que le PS ne s’installera pas solidement au pouvoir en continuant à s’asseoir sur une base de majorité composée de partis plus à gauche, qui ne font que cracher sur lui puisque le programme mis en action n’est pas aussi à gauche qu’ils le souhaiterait, par pragmatisme. Comme Daniel Cohn-Bendit, comme Michel Rocard, comme François Bayrou (ahum), je crois à une alliance PS-Verts-UDF qui pourra s’installer durablement au pouvoir et gouverner solidement la France, entre pragmatisme économique et humanisme social.

C’est vrai que Jospin n’a pas mené une politique assez à gauche au goût de ses partenaires de la gauche pluriel. M’enfin, au bout du compte, après 5 ans de gouvernement, Jospin avait quand même un bilan nettement plus honorable à défendre en 2002 (dommage qu’il s’y soit si mal pris) que Sarkozy qui, bien qu’il ait beau parler de rupture, n’incarne pas moins le pouvoir sortant.

Haut les cœurs ! Et, en tout état de cause, votez ! Qu’une forte abstention ne soit pas à nouveau une triste composante de cette élection.

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