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(Ah) ça ira (ça ira)

Un coup de massue fait-il moins mal quand on a été prévenu à l’avance qu’on allait le recevoir ?

Dimanche soir, quand les estimations consultées sur un site suisse ont confirmé que la gauche était laminée (forte participation + fort écart = branlée, non ?), j’ai voulu tout de même chanter avec mes « camarades » ma foi en un avenir meilleur. Après avoir farfouillé un peu sur Internet (en vain) pour savoir où me rendre, mon indic m’envoie l’info : c’est à Bastille que ça se passe.

La défaite en chantant.

Je me dis que ça aura de toute façon plus de gueule que la brochette de ringards que propose l’UMP pour fêter la victoire à Concorde : Gilbert Montagné, Mireille Mathieu, Jane Manson, Faudel (le seul qui à mes yeux dispose d’un certain crédit musical bien que je ne sache absolument pas à quoi ressemble sa production du moment), Barbelivien. Je ne cite pas Johnny Halliday qui n’aura pas chanté.

Dans le métro ligne 14 qui me conduit vers Gare de Lyon, je croise une bande de jeunes UMPettes qui exprimaient leur joie (que je conçois). L’une d’elles : « Ce que j’espère, c’est qu’il ne mettra pas en place le service civil obligatoire ». Cet élan de solidarité nationale, ce cri du cœur pour la mixité m’a touché au plus profond de mon être. Une ère de partage et de fraternité s’ouvre devant nous.

Arrivé à Gare de Lyon, je décide de rejoindre à pied la place de la Bastille, supposant d’une part que la station Bastille serait probablement fermée au public, voulant d’autre part sentir « l’air » de la rue avec les autres personnes que j’imaginais converger vers la place. Le moins que l’on puisse dire, c’était que l’air était frais. J’arrive donc à Bastille vers 22 heures après avoir dépassé quelques haies de forces de l’ordre. J’arrive sur la place déjà bouclée par les CRS et peu remplie. Alors évidemment je suis un peu déçu 1/ par la faible affluence 2/ par l’ambiance pas du tout bon enfant. Ça gueule à l’autre de bout de la place, du côté Richard Lenoir. Selon mon informatrice É***, c’est là que sont les extrême-gauchistes qui veulent se frotter aux CRS. Des graffiti sur la colonne du génie de la Bastille font un fort douteux parallèle entre Sarkozy 2007 et H*** 1933 (désolé pour les *** mais je voudrais au moins éviter ce mot clé sur mon burp). Quelques lacrymos sont tirées de temps à autre (je ne sais pas dire si elles viennent des CRS ou des agités). Je me frite avec un « indigène de la patrie » qui distribue un appel à manifester où il est stipulé que N.S. et S.R. ont caressé l’électorat FN dans le sens du poil. De temps à autre, les gens se mettent à courir d’un côté puis de l’autre. Je resterai, moi, toujours plutôt en retrait. Les kleenex que j’ai dans mon sac (dans mon sac j’avais aussi mis une bière mais celle-ci a été rapidement éclusée) permettent à ceux qui m’en demandent de se protéger contre les gaz. Au bout d’un moment, la densité de la fumée irritante commence à se faire un peu trop dense, de l’autre côté et on finit par mettre les bouts. Je rentre chez moi, un peu plus abattu par le moment morose que je viens de vivre, mais me sentant également vivant, animé par une énergie qui me fera avancer, qui me glisse à l’oreille que si tout est politique, ma vie ne se résume pas non plus à une élection gagnée ou perdue.

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