(Ami lecteur, pour que ce soit encore plus drôle, je te laisse chercher toi-même à qu[o]i je réponds.)
Chère …,
(J’ai du mal à organiser cette lettre ; les arguments me viennent en vrac, il y a des connexions qui se créent dans tous les sens entre tel fait, telle parole, et je dois transformer ce réseau bordélique – ça s’appelle la pensée, je crois – en un flux linéaire, forcément en deçà.)
Ce qui me fait halluciner, moi, c’est que ce soit si compliqué, apparemment, pour toi, qu’on se rencontre, alors qu’une virée avec des copines du net que tu ne connaissais, avant, pas plus (sinon moins) que moi ne semble pas te poser de questions existentielles (et c’est tant mieux). Le fait que j’ai une bite (parfois en érection, certes) a l’air d’être soudain un problème insurmontable pour toi qui as une chatte (certes parfois brûlante – cf. une récente carte postale).
Je m’amuse à mettre nos sexes en exergue parce que, certes, cela fait une différence, mais ni toi ni moi ne nous résumons à nos pulsions sexuelles. Depuis que tu as rencontré (…), ton « OK » pour me rencontrer s’est transformé en « non » et voilà ce qui me chagrine. Nous en avons déjà parlé dans l’échange musclé qui avait suivi cette rencontre, je t’avais dit notamment que je n’acceptai pas d’être jugé sans avoir la possibilité de me défendre. Alors voilà, une des raisons supplémentaires pour lesquelles je veux te rencontrer, maintenant (ben ouais, une de plus, on est bien barré !) c’est que je veux que tu m’entendes. « Dans tous les sens (du terme) », ouais !
Évidemment, tu avais rencontré X, avec qui j’ai couché.
Évidemment, tu avais rencontré Y, avec qui j’ai couché. (Elle, tiens !, elle aussi elle va avoir les oreilles qui vont siffler si jamais on se rencontre, parce que je pense qu’elle joue un rôle pas négligeable dans notre ping-pong du moment, comme mon grand copain. Oui, j’ai bien conscience que ce qui sonne ici comme une menace de règlement de compte ne joue pas en ma faveur pour la cause que je plaide, mais ça n’est pas une menace, c’est juste – puisqu’on la joue ouverture et transparence – une information, un « la parole est à la défense » parce que je crois que tu te feras une idée plus juste de la réalité [de ce qui s’est passé entre elle et moi et des effets de bords qui commencent avec mon grand copain et qui finissent avec toi] quand tu auras ma version, pas plus vraie ni pas plus fausse que la sienne, juste un angle de vue différent.)
Je comprends que ça puisse laisser imaginer que je couche avec ce que je peux mais…
Tu as rencontré Z avec qui je n’ai pas couché. Et puis W avec qui je n’ai pas couché, et puis …
Tu me demandes ce que j’attends de notre rencontre et c’est une bonne question (et d’ailleurs je ne sais pas si tu t’es posée la même question pour toi même, à l’époque où tu étais d’accord pour qu’on se voit). Tu te demandes (la fameuse question !) si on pourrait être amis sans ambiguïté.
Tu me balances ton gros cul et tes petits seins comme si c’était un repoussoir mais que sais-tu de mes goûts en matière de femme ? (Tu dis connaître la moitié de mes secrets mais il t’en manque un peu plus – dont celui-ci qui n’en est pas un : j’adore les petits seins.) Est-ce que j’ai jamais demandé ta photo ? Et est-ce que tu m’imagines moi-même si séduisant que face à moi, tu ne pourrais que te tordre de désir ?! Autrement dit, que seule ma volonté compterait ? Quand tu envisageais encore de me rencontrer, m’as-tu demandé une photo ou une description physique ?
Nous sommes adultes, tous les deux, et nous avons fait suffisamment de rencontre pour savoir qu’une rencontre entre un homme et une femme, ça n’est jamais sans ambiguïté.
Je ne peux pas te garantir, comme ça, juré craché, signé en trois exemplaires devant huissier, qu’en te rencontrant, je n’éprouverai pas de désir pour toi, pas plus que je ne peux te garantir le contraire. Mais je te demande de croire, en revanche, que ma première motivation, c’est l’envie de te connaître plus entièrement (parce que je suis la même et unique personne derrière mon écran ou devant un verre et je suppose que toi aussi) et que cette envie est analogue à celle qui t’a poussée à rencontrer X ou Y ou Z. Ben oui ! Tout simplement. Pour chacune de mes rencontres, que ce soit avec une femme ou un homme, la putain de première motivation, c’est de rencontrer un être humain, de faire sa connaissance. Et l’espoir que cette connaissance soit biblique, ça n’est qu’un paramètre, une valeur réglée sur le potentiomètre qui va de de 0 à 100 %.
Je pourrais faire défiler les témoins de la défense : I*** ou C*** que j’ai rencontrées avec ambiguïté et avec qui, d’une part, je n’ai pas couché et, d’autre part, j’entretiens désormais une relation amicale durable. Je pourrais appeler à la barre M*** ou M-A*** que j’ai rencontrées pour coucher on jouait cartes sur tables, elles et moi (et ce qui s’ensuivit n’était prévisible par personne). Celles-là, juste pour que tu vois la différence avec notre « relation » à nous deux.
Allez, puisqu’on est dans l’ouverture, on va la jouer transparent.
Le potar, je le règle autour de 20%.
Mais l’espoir qu’on passe une soirée vraiment sympa, je le place sur 95 %. C’est quasiment une certitude. Et c’est pour ça que j’insiste !
Bien cordialement,
Jérôme
— Bon, alors, c’est quand qu’on se boit un verre toi et moi ?
En bande son : Two sides of every story – A reminiscent drive
Illustration : Service en porcelaine réalisé par Yvonne Lee Schultz.