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En avoir ou pas (acte 2)

Se jeter à l’eau

Je suis un petit cachotier. Quand j’ai publié cette note sur les sexes épilés ou non, je m’étais déjà résolu à refaire, pour ma part, un test. Par curiosité. Pour voir si c’était un plus ou un moins, à la fois sur des critères esthétiques, pratiques, érotiques, sensitifs… Une amie m’avait parlé des salons estetika, spécialisés dans l’épilation intime. Je me suis dis que, pour une première fois, autant s’adresser à des spécialistes, en particulier habitués à une clientèle masculine (ce qui, je suppose, ne doit pas être le cas de tous les salons1). Une première fois, il y a quelques années, j’avais voulu tenter l’expérience, pour faire plaisir à une amante, mais je n’avais pas osé (je crois même tout simplement que je n’avais même pas pensé à) aller dans un salon et je m’étais fait ça à la mano, avec rasoir et crème dépilatoire choisie en magasin après force tergiversations (je crois me souvenir d’avoir opté pour une crème Veet spéciale peaux sensibles). Je dois vous dire que le résultat était loin d’être nickel. Certes, j’étais confronté au choc (!) visuel de mon pubis nu, mais pour la douceur et la netteté, c’était pas ça. Bref, plus de six ans après cette expérience en demi-teinte (puisque j’avais tout laissé repousser en me disant que ce n’était pas mon truc), je décide de revoir ce que ça donne, notamment inspiré par Mademoiselle Six qui, avec insistance, vantait les bienfaits de l’épilation totale en terme de sensations (même si, probablement, son argument visait surtout les femmes), bien que j’eusse moi maintes fois soutenu que je me préférais poilu, tel que Dieu m’avait fait. Après tout, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, et vu la girouette que je suis, je suis loin d’être un imbécile.

Après une rude négociation pour l’horaire du rendez-vous, je réussis donc à obtenir un rendez-vous qui ne soit pas à l’heure de mon comité de pilotage, mais après. Entre copil et coupe-poil, je décide de me prendre une bonne pinte de bière dans un bar voisin, me disant que ça pourrait sans doute avoir quelques vertus anesthésiques. Les quelques femmes au courant de mes intentions m’avaient en effet invité, rigolardes, à m’apprêter à souffrir (comme une revanche sur leur écot périodique aux exigences esthétiques de notre société 2). N’étant pas arrivé à finir ma deuxième pinte, je me rends au salon avec un quart d’heure d’avance. À côté de moi patiente déjà un autre homme, lui aussi en costard-cravate, et qui prendra quelques minutes après son départ, la place d’un troisième homme au look de cadre dynamique. J’en déduis hâtivement une étude sociologique sur le profil des hommes épilés qui sera par la suite démenti par mon esthéticienne officiant en cabine lors de notre conversation « comme chez le coiffeur ». En outre, de ma (future) cabine, c’est une charmante trentenaire qui sort et je m’amuse à imaginer sa sensation à elle, avec son sexe à nouveau tout nu et tout lisse plaqué contre son jean moulant ou une culotte soyeuse3.

Les choses sérieuses

Quelques minutes après, on m’enlève à mes rêveries pour m’inviter à m’installer dans la cabine. Heureusement, on me précise ce que l’on entend par là : enlever le bas. J’ôte donc ma veste, pour rester en chemise (il faisait plutôt chaud dans cette petite pièce) et tout le bas, y compris les chaussettes, ce qui est évidemment inutile compte tenu du but poursuivi, mais indispensable quand un gentleman ôte son pantalon devant une femme. Je commence à entrer dans le dur, comme on dit dans le bizness, et j’écarte rapidement la question qui m’inquiétait au préalable : ne risqué-je pas d’être en prise à une érection incontrôlée en pareilles circonstances ? Je me dis que je vais faire comme si c’était le médecin et que la situation était exempte de tout contexte sexuel. Ce qui est en fait faux, non pas en raison de la manipulation elle-même, autour du sexe, mais de sa finalité, totalement liée à la sexualité (les arguments concernant l’hygiène sont à écarter, ils sont fallacieux : les poils sont au contraire connus pour évacuer la transpiration).

Bref ! un peu comme sur une plage nudiste, j’essaye de débrancher le moteur libidinal pour rester un client exemplaire. J’explique à la demoiselle4 mon passif et mon attente, et après avoir évidemment dit du mal de la crème dépilatoire, elle s’attaque au buisson fourni de mon pubis. Le moment de vérité approche… Elle applique une première bandelette de cire tiède (un mélange vert sombre, qui ne sent pas le miel ni la cire qu’utilisait ma mère jadis), puis une deuxième, ailleurs, le temps que la première sèche et puis – Scraaaatch ! premier arrachage. Ouille. Je serre les dents et ne crie pas. Je commence à voir à quelle sauce je vais être mangé et me dis que ça devrait donc être supportable. Les scratchs se suivent et se ressemblent, et j’en profite pour faire un peu causette. C’est ainsi que j’apprendrai qu’il n’y a pas que des cad’sup’ dans cette tôle, mais aussi des chauffeurs de taxi et des gens du cinéma.
– Scraaaatch !
— Mais aïe !!!
Je relève mon torse allongé pour accompagner ce cri retenu. Ah, oui, cette zone-là (le creux de l’aine) est un peu plus sensible, et ce sera le moment le plus pénible de la séance. Il y aura une petite poignée de ces moments sensibles, mais en fait, la douleur, si elle est vive, reste très brève et je n’ai pas versé de larme ! Ouais, parfaitement les filles, j’ai été un homme !

À un moment, elle m’a demandé de tenir mon sexe (sans prononcer ce mot) en l’étirant et le maintenant latéralement pour y épiler les rares poils qui s’y trouvent. Paradoxalement, ni cette zone, ni celle des testicules, pourtant si propices aux sensations fortes sous les feux de l’amour, ne se révèlent très sensibles pour l’épilation. Par la suite, mon esthéticienne a manipulé mon zizi toute seule. Selon une de mes interlocutrices lors du débrief, il se pourrait qu’elles demandent aux hommes de tenir leur sexe pour éviter les érections intempestives, et que, rassurée sur ma totale inertie, elle se soit affranchie de cette précaution.

Pendant la quasi intégralité de la séance, j’étais un peu comme chez le docteur pour me faire vacciner : je ne regardais pas ce qu’on me faisait. Je l’ai interrogée sur le cliquetis rapide que j’entendais par intermittence, c’était elle qui, à la pince à épiler, ôtait certains poils à la main avec une dextérité et une rapidité impressionnantes. L’occasion de discuter sur les qualités d’une bonne pince à épiler (de fait, je ne l’ai pas attendue pour faire la différence entre les pinces de merde et celles qui font leur job).

Vient le moment de s’occuper de mes fesses, pardon !, de mon sillon inter-fessier (SIF pour les intimes). Moment que je redoutais, parce que, quand on s’arrache un poil du cul, ça fait mal (à ce sujet, ami lecteur, quand vous me croiserez en live, pensez à me demander de vous raconter ma blague sur le poil de cul, c’est d’une finesse rare). Et ben pas du tout, qu’elle me dit, vous verrez que ce n’est pas sensible. Et, de fait, c’est passé comme une lettre à la poste et, croyez-moi, je crois que c’était l’endroit dont j’avais le plus envie qu’il soit débarrassé de ses poils, et si j’avais su que c’était aussi fastoche, j’y serais allé plus tôt !

NB : Pour ceux que ça intéresse, vous pouvez aller jeter un œil sur la page Wikipedia fléchée par niki qui contient même une vidéo d’épilation pour-de-vrai.

Pour conclure la séance, un peu de talc et des conseils d’entretien et « rendez-vous dans quatre semaines ». Je décide de mettre à profit ce temps pour réfléchir à la « coupe » que je demanderai à mon prochain passage, car, dès ce moment, je sais qu’il y aura une suite, mais je ne sais pas encore dire laquelle : vais-je apprécier la vision de ce sexe déplumé sans sa toison virile ? Et quid des autres zones, qu’en penseront mes partenaires, et au premier rang d’entre elles5 ma femme que j’avais préalablement informée de mes intentions, faut pas déconner, et puis elle sera la première après moi à découvrir mon sexe neuf. Après quoi – ahum – une semaine chargée se profile (ben oui, c’était un peu calculé pour).

Vite, vite ! L’épreuve du feu !

J’avertis en journée, par SMS, ma femme que je lui réserve une surprise pour ce soir. C’est quoi ? c’est quoi ? qu’elle me demande. Alors je me faufile félinement auprès d’elle, ne portant plus que mon boxer et je l’invite à venir voir par elle-même. Je suis agréablement surpris par sa réaction, plus positive que je ne l’espérais. Je ne sais pas si elle trouve ça beau6 mais, en tout cas, elle trouve ça doux à caresser (et ne s’en prive pas). J’ai même un moment l’impression qu’elle serait prête à tester pour elle-même. Mais, sur ce sujet, point de pression je ne mettrai.

Pour la deuxième femme qui a pu tester, ce n’était pas une surprise7 car je l’avais avertie de mes intentions et elle avait même souhaité « être une petite souris » dans la cabine de l’épilatrice. J’aurais bien aimé aussi qu’elle soit là pour me tenir la main (et plus si affinités) mais chou n’aurait peut-être pas été d’accord et puis, de toute façon, c’était une promesse intenable. Je vous transmets sa réaction face à la queue de CUI déplumée : « Ce n’est pas tant la vue qui m’a frappée, que le toucher … pouvoir caresser sans craindre de tirer sur les poils, et puis la douceur de la peau, qu’on a envie de lécher encore et encore tellement c’est agréable, et puis aussi le fait de pouvoir lécher vraiment partout sans aucun obstacle. Définitivement hummmm… » (Ce sont les femmes qui en parlent le mieux.)

Les autres réactions qui suivirent furent à l’unisson. Globalement, pour l’aspect esthétique, j’ai mes réserves, mes partenaires non. Concernant l’aspect pratique, en revanche, il y a des choses à dire. Déjà, les vêtements ne frottent pas de la même façon. Je ne dirais pas que c’est un plus ou un moins, c’est juste différent et nouveau, donc un peu déconcertant. Mais c’est surtout pour la chose sexuelle que l’absence de poil change la donne (vous vous en seriez douté). Déjà, pour ce qui est des caresses, indéniablement, les sensations pour moi sont plus agréables, plus intenses, notamment pour toute la zone située sous la verge (le scrotum, le pli de l’aine, le périnée). Aucun effet sensitif sur le pubis en revanche mais (il y a un mais) le pubis lisse engendre un effet que je n’avais pas anticipé. Lors du coït, mon pubis nu se retrouve au contact de la peau, elle aussi nue, de ma partenaire et pour peu que nos peaux respectives soient humides (sous l’effet de la transpiration, à cause de cyprine ou de gel, autrement dit : systématiquement !), ça adhère et cela fait un effet ventouse, léger, mais très sonore. Au début, c’est assez déconcertant, et puis avec le temps on s’habitue. Dans certaines circonstances, même, cela peut être un plus qui ajoute à l’intensité du moment. Dans d’autres où la discrétion devrait être de rigueur, on pourra considérer que c’est un inconvénient.

Le détail glamour que vous auriez préféré ne pas lire

Bien que ce soit une zone très éloignée de mon œil, j’attendais beaucoup de l’épilation de mon S.I.F. Plutôt friand d’anulingus pas horibilis du tout, il me semble que pour le ou la partenaire qui s’y collerait (sic), une zone glabre serait du meilleur effet. En outre, j’avais l’impression que mes poils, sous le périnée, étaient particulièrement longs (je mettais ça sur le compte de l’épilation à la crème mais peut-être que je n’y avais simplement par porté attention avant). Bref. Ce que je n’avais évidemment pas anticipé, c’est que, pour strictement les mêmes raisons que celles décrites ci-dessus concernant le pubis qui se révèle plus sonore, l’absence de poils entre les fesses rend beaucoup plus délicate l’émission d’un pet en toute discrétion. X-Addict pourrait certainement nous démontrer avec moult schémas et vortex pourquoi, en mécanique des fluides, le poil salvateur évite ou limite dans de nombreuses circonstances la production sonore (si le pet est inodore, votre statut social reste préservé). Or, là, si je n’écarte pas délicatement de la main l’une des fesses de l’autre, l’effet coussin péteur est radical, et vous comprendrez que pour garder ma stature en comité de pilotage, le choix est délicat entre se mettre la main au cul et émettre des sons douteux. Faut-il talquer abondamment ? Installer une soupape de sécurité ? Proscrire définitivement haricots et pois chiches de mon alimentation ? Toutes vos suggestions sont les bienvenues !

La suite

Désormais que j’ai mis un doigt dans cet engrenage de l’épilation, pourrais-je m’en sortir ? Car après avoir cédé aux sirènes du lobby épilatoire, et subi dans la foulée le chœur des amantes vantant les mérites de ma queue dékératinée, se pose la question de la repousse. Bon, d’abord, ce machin-là demande un entretien soigneux. Et vas-y que je mets du talc après la douche. Et vas-y que je gratte au gant de crin et que j’exfolie pour éviter les poils incarnés (un rude combat, dont l’issue est cruciale pour la préservation de l’esthétique locale). Et vas-y que je mets de la crème hydratante. Un vrai métrosexuel !

Je me suis déjà dit qu’il fallait prendre le temps de la réflexion et ne pas décider de suite de renoncer ou pas. Donc, au prochain passage (et c’est bientôt : toutes les 3 à 5 semaines, dziiiing, faut repasser sur le billard) chez l’esthéticienne, je demanderai à nouveau la totale. Ensuite, je ferai sans doute d’autres expérimentations. Pour l’instant, mon penchant spontané serait à la repousse des poils du pubis, et lissage en dessous, mais comme je vous le disais plus haut, je suis plutôt du genre girouette-anémomètre.

Nothing’s foverer – Edoardo Pasero

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Bon, et pour ceux qui ont envie d’approfondir le débat, je vous renvoie sur le Mouvement Internationale pour une Écologie Libidinale (M.I.E.L.) qui développe une virulente campagne contre le dogme anti-poil. Alors, vive le naturel, ou l’homme, animal social ? Ma réponse est toujours la même : faites comme vous le sentez, mes petits canards, et soyez heureux !


  1. De plus, j’ai ouï dire, depuis, que certains salons ne pratiquaient pas tous l’épilation intégrale, même chez la femme
  2. Voir à ce sujet le lien en fin de note
  3. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour se glisser dans la peau de Gicerilla : «Se sentir nue en dépit de la dentelle qui me couvre est si excitant. Et quel effet me serait-ce sans dentelle du tout ? » La suite se trouve dans son petit théâtre.
  4. On s’est enquit de son prénom, mais je ne crois pas l’avoir entendu. Les deux esthéticiennes présentes dans le salon s’appelaient mutuellement « chou » ou « mon chou » et quand j’ai pris le rendez-vous, c’était avec « ma collègue ».
  5. La grammaire exigerait un d’entre eux.
  6. Plus tard, toutefois, elle me dira, dans l’obscurité de la chambre, que ça me donne l’aspect d’une statue grecque. Pardonnez-là, elle est myope, n’a pas vu de près d’abdominaux musclés depuis des années et elle doit être encore un peu amoureuse !
  7. Côté surprise, je lui en avais réservé une plus gratinée, mais ce n’est pas le moment d’en parler.
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