Site icon Comme une image

Suzie dans le vice versa

Longtemps que je ne vous avais pas fait part de mes émotions cinématographiques, alors voici, au lance-pierre, une mini-revue des derniers films vus dans les salles obscures. Triptyque :

Comme un avion

Bruno Podalylès joue le rôle principal de son film, où il incarne un quinqua passionné d’aéropostale – dans sa dimension héroïque et aventureuse – qui, par un coup du sort, déplace sa passion sur le kayak. Il se renseigne, s’équipe (le tout à l’insu de sa femme, pourtant compréhensive). Il finit par partir à l’aventure pour une semaine … qui ne ressemblera pas du tout à son projet initial.

Voilà un film gentil, se déroulant dans un monde un peu idéal où les patrons font fi des deadlines, les vigiles sont plein de compréhension et les femmes jolies et sensuelles.

C’est souvent amusant, plaisant comme un bonbon, et ça glisse comme un coup de pagaie sur la rivière ; j’ai bien peur qu’il ne me reste plus grand chose de ce film dans quelques mois, de même qu’il ne me reste quasiment rien du lointain Liberté Oléron du même auteur dont je me souviens juste qu’il m’avait ennuyé (ce qui n’est pas le cas de ce film, il y a donc un progrès).

Mention spéciale à la très charmante Vimala Pons, revue dans le 3e film de ce billet, qui ne dément pas mon tropisme de la brune typée. (Agnès Jaoui, elle, hélas, a pris chair.)

 

Vice-Versa

La dernière sortie des studios Pixar (aux commandes de réalisateur : Peter Docter, dont j’ai trouvé le nom fort à propos) était précédée d’une rumeur persistante sur sa qualité, sur le mode « Pixar au sommet de sa forme ». Je me méfie toujours des critiques dithyrambiques, j’ai donc évité toute lecture de critique avant d’aller voir en famille (puisque même la grande ado était disposée à faire ce truc avec nous, ô miracle !), en V.O. et en 3D ce long métrage d’animation. J’avais même évité de voir la bande annonce, c’est pour dire. J’étais donc presque déçu d’apprendre le sujet même du film que j’aurais voulu voir encore plus vierge.

Bref.

Je ne vous raconterai donc pas l’histoire non plus, mais je peux vous dire que, certes, si c’est un Pixar créatif qui fait oublier les nasetés précédentes où l’on sentait bien trop fort toute la niaiserie putassière des productions Disney (genre Cars 2 ou Monstres Academy), on n’atteint pas ici, selon moi, la virtuosité d’un Là haut (donc la séquence introductive me fait systématiquement pleurer à chaque visionnage) ou d’un Wall-E dont la première partie, quasiment muette, est d’une audace à ce jour inégalée dans une production américaine grand public de ce calibre.

Donc, un film très sympathique, mais auquel il manque une petite touche de génie.

À noter que Pixar, dans la lignée des studios Ghibli, donne la part belle aux rôles féminins de premier plan, mais d’une manière que je trouve ici ambigüe. Une partie du caractère de l’héroïne (je veux parler de Riley, mais on pourrait arguer que la véritable héroïne du film est plutôt Joie) vient de sa dimension virile (masculine). D’ailleurs, Riley est le seul personnage dont les émotions sont mixtes (deux mâles, deux femelles) alors que quand on plonge dans le cerveau des autres – y compris dans l’amusante séquence du générique de fin – les émotions y sont unisexes. Dommage !

Puisque j’évoquais les japonais de Ghibli, savez-vous que les Japonais, pour le mot « émotion », utilisent le mot kidoairaku, qui est un composé de 4 kanji (喜怒哀楽) qui exprime les émotions humaines : joie (ki), colère (do), amour (ai) et confort (raku). J’ouvre ici le débat. La décomposition japonaise est-elle plus pertinente que la décomposition Pixar : joie, colère (so far, so good), peur (qu’on peut voir comme le principe inverse, donc quasi équivalent, du confort) et tristesse ?

L’ombre des femmes

Encore un film précédé par une rumeur élogieuse. Visible à la quinzaine des réalisateurs à Cannes, le dernier film de Philippe Garrel arrivait sur les écrans auréolés de critiques laudatives. « Bijou », « pureté d’un diamant », « un de ses plus beaux films », « terriblement sensible » et j’en passe.

Le sujet étant l’adultère (NB : quand on est « sensibilisé » à ce sujet pour des raisons de couple, c’est dingue comme l’adultère paraît un composant quasiment incontournable de toute histoire, puisqu’il en est question de près ou de loin dans chacun des trois films chroniqués ici – même si, pour Vice versa, c’est juste un fantasme incarné furtivement par un macho brésilien – et dans d’autres encore), ça n’était pas forcément un film simple à voir avec ma compagne.

En tout cas, nous sommes sortis du cinéma unis dans notre appréciation du film : il est juste raté. L’histoire est d’une banalité à crever (c’est sans doute fait exprès, mais on a quand même du mal à comprendre qu’ils se soient mis à quatre – Jean-Claude Carrière, Caroline Deruas, Arlette Langmann et Philippe Garrel – sur l’écriture du scénario), l’interprétation de Stanislas Merhar est plate et sans relief (c’est sans doute fait exprès, mais je ne pouvais réprimer un bâillement à chacune de ses apparitions, et on se demande bien ce que peuvent lui trouver et sa femme, et son amante), seule l’interprétation de Clotilde Coureau crève l’écran (elle est vraiment formidable). Il est possible que, dans sa volonté de transmettre un message « moderne » sur la sexualité des femmes (qui ont le droit à l’adultère comme les hommes, pourrait-on résumer), le réalisateur ait souhaité qu’aucun autre interprète ne fasse de l’ombre à Manon / Clotilde. Mais, hélas, ça ne sert guère les intérêts du film. Alors, outre l’interprétation de Clotilde Coureau, quelque chose à sauver ? Oui : l’image, effectivement sublime, un noir et blanc dense magnifiquement sculpté, et la mise en scène, très bonne aussi. Bref, c’est vraiment très bien filmé, mais pour nous présenter une pauvre histoire d’adultère. Restez ici, amis lecteurs ! (dit-il, dans un élan de modestie).

♦ ♦ ♦

Oh ! J’étais parti pour vous parler de trois films et j’allais omettre un vrai petit bijou :

Mustang

Une sorte de Virgin Suicides transposé dans la Turquie traditionaliste. Quand je dis « transposé », ce n’est pas rendre hommage au film qui n’a rien d’un remake, pas même d’un hommage (même si on ne peut totalement exclure que la jeune réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven ait pensé à ce film en tournant le sien). Là où Sofia Coppola avait fait un film vaporeux et un peu mystérieux (je l’ai revu récemment), Deniz Gamze Ergüven fait, elle, un film dynamique et empathique, avec par ailleurs une dimension « éducative » (ou, disons, une réaction à l’obscurantisme), politique, que n’avait pas le film de la jeune prodigue fille de.

Je cite un extrait d’Allociné tout à fait pertinent :

Mustang est un récit initiatique d’émancipation. Il est né d’une volonté de raconter ce que signifie être une fille, une femme dans la Turquie contemporaine puisqu’il s’agit d’une société où leur place fait débat. De par son point de vue à la fois extérieur et intérieur, Deniz Gamze Ergüven a voulu redéfinir l’identité de la femme, son rapport à la sexualité et dénoncer l’absurdité du conservatisme qui pense que tout est sexuel. Elle met en exergue le fait que son pays est l’un des premiers à avoir légalisé le droit de vote des femmes dans les années 30 (contre 1944 pour la France) mais que, paradoxalement, il fait machine arrière sur des choses aussi élémentaires que le droit de disposer de son propre corps.

Ce qui ne gâche rien, c’est que l’interprétation des cinq jeunes filles est totalement convaincante, jusqu’à la plus jeune des cinq sœurs qui doit avoir une douzaine d’années, épatante.

Bref, s’il ne vous fallait voir qu’un seul des trois films chroniqués ici, allez voir ce quatrième !

Quitter la version mobile