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Les contes de Bitteur-le-Hard

(oui oui oui c’est un hommage à Celle-Dont-Il-Ne-Faut-Plus-Dire-Le-Nom)

Introduction

L’homme était assis devant le clavier de son ordinateur et s’apprêtait à rédiger. Il soupira, cliqua sur trois onglets – Twitter, Whatsapp, Telegram – pour aller voir ailleurs s’il y était – c’était effectivement le cas – puis revint devant sa page blanche et réfléchit.

Déjà, il s’était demandé « faut-il écrire “l’homme” ou “le vieil homme” ? », hésitant sur la posture, se demandant s’il n’y avait pas là quelque orgueil poseur du scribouillard faisant l’âne pour avoir du son. Il se souvenait de ses mains qu’il avait contemplées la veille, de la peau plissée du dos de ses mains, pas encore parsemée de taches sombres, mais plissée. Il se souvenait aussi de son propre reflet, dans le miroir, où il se trouvait séduisant. Enfin, il s’inquiétait de cette masse sensible qu’il avait détecté sur son testicule droit, il s’était demandé si c’était le début de la fin, imaginant le pire puis, cinq minutes après, s’amusait à penser que c’était sans doute une réaction aux épilations à la cire répétées, les cinq minutes suivantes que, finalement, même s’il était castré et destiné à ne plus jamais prendre le cul de son amante, il pourrait toujours persévérer dans son exploration de l’orgasme prostatique – jusqu’au cancer de la prostate, bien sûr.

Ensuite, il s’était interrogé sur ce qu’il allait bien pouvoir écrire – il avait alors déjà refermé l’écran de son ordinateur portable sur le clavier depuis longtemps, avait fait dix longueurs dans la (petite) piscine de son gîte de vacances et deux fois les courses – et pourquoi, aussi, il écrivait si peu dernièrement. Avait-il tout dit ? tout raconté ? Certes non ! Son histoire avec Pascualina se poursuivait avec bonheur, il avait vécu plein de nouvelles aventures inédites et excitantes – ne serait-ce que cette récente orgie organisée par ses soins il y a peu, qui s’était révélée délicieuse – dont il pourrait faire le récit. Les sources d’inspiration n’étaient pas taries. Le temps manquait, certainement, mais si c’était juste une question de temps, il pouvait certainement trouver moins urgent de faire, sur son téléphone, une énième partie de belote coinchée ou de Duel Quiz.
Mais depuis quelque temps, il sentait cette démangeaison – il la reconnaissait, et s’était même exclamé sur Twitter « l’écriture érotique me manque » – d’échanger plus que des micro-messages sur les réseaux sociaux, l’envie de jongler avec les mots, les soupeser, de rester en arrêt quelques minutes pour trouver le suivant, celui qui transmettrait avec précision l’idée qu’il modelait dans son cerveau jovial et jouisseur.

Ce ne serait pas un récit de ses dernières frasques, ça non. Pas une fiction non plus, il n’en avait pas l’inspiration, aucune trame ne se dessinait – il ne cherchait même pas.

Il s’était dit ensuite qu’il avait fait de son burp un endroit de sincérité, un journal extime, selon l’expression consacrée mais tellement précise, où la fiction était rare – et annoncée1 et qu’il pouvait être temps de jouer à un nouveau jeu, pour l’expérience, celui de l’autofiction – un mot qu’il n’aimait pas beaucoup parce qu’il évoquait pour lui des écrivains de peu de talent, non qu’il se considère comme écrivain, mais que, dans son immodestie, il estimait que sa production était valeureuse et pourrait se déprécier avec ladite étiquette. Ou, s’il fallait se départir de l’étiquette, pourquoi ne pas dire plus simplement qu’il voulait s’amuser, dans ses prochains récits, à mélanger le réel et l’imaginaire, le con rêvé et le vécu, le convoité et le vrai cul, et qu’il serait amusant de leur donner la forme de quelques contes – il espérait en faire au moins trois, sans être bien certain d’aller au-delà du premier.

Assez babillé, écrit alors l’homme sur le clavier de son ordinateur qui, posé sur ses genoux, commençait à les lui cuire au-delà de ce que la moiteur estivale rendait supportable. Il est temps de lever le voile sur le premier de ces contes.


  1. On pourra retrouver sur certaines pages, que je n’ai pas le courage d’aller rechercher maintenant, diverses considérations sur la part de fiction qui teinte mes récits biographiques. Bien sûr que le récit du réel est récit, où le réel est donc brouillé par les inévitables omissions, déformations de ce qui fut ; de même que les fictions sont le fruit bien réel d’un cerveau modelé par tout ce qui a précédé et fut vécu, quand bien même ce fut en rêve…
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