Moi, non fumeur depuis toujours (enfin, non, j’ai un peu clopé sous l’influence de ma grande sœur vers 11 ans, puis vers 15 ans j’ai retenté ma chance : j’ai dû crapoter 4 ou 5 clopes du paquet de Menthol — oui, je sais, tout vrai fumeur me dira que les cigarettes Menthol sont abjectes, mais ça me paraissait, à moi, plus agréable que les cigarettes normales — que j’avais acheté par mimétisme avec mes copains fumeurs avant de le refiler pour incompatibilité définitive), je me suis toujours retrouvé dans les bras de fumeuses. La toute première femme avec qui j’ai eu une petite histoire d’amour était une grande fumeuse. Elle avait un produit à base de menthe forte, une sorte de potion concentrée fabriquée en Suisse, dont elle avalait une goutte pour se rafraîchir l’haleine avant de me rouler des galoches. C’était une délicate attention.
On comprendra que cette longue expérience ait fait du non-fumeur que je suis un non-fumeur tolérant. Je m’acclimate sans trop rechigner à la fumée des autres sauf dans deux circonstances : quand je mange, car la fumée dénature voire annihile mon plaisir gustatif, et quand je suis enrhumé, car la fumée me donne l’impression de manquer d’air. Je ne prétendrai pas que j’ai plaisir à me retrouver dans une atmosphère enfumée : les pubs ou les brasseries, les boîtes de nuit, les salles de concert sont des environnements que je préfèrerai plus aérés !
Non, ami lecteur à l’esprit salace, je n’oserai aucune comparaison, je ne tisserai aucune correspondance entre la qualité des fellations pratiquées et la quantité de cigarettes inhalées chez les sujets d’études.
Ce que je voulais, ami lecteur, c’était te narrer une réflexion qui m’a dernièrement traversé l’esprit.
Dressons le tableau :
Je suis chez É***, une heure du matin s’approche et le sommeil m’a déjà mordu depuis un moment. Il est temps que je rentre chez moi. Je prends une douche dans une salle de bain laissée sombre à dessein. L’eau coule sur mon corps et je me laisse, fatigue aidant, aller à des rêveries mélancoliques. L’eau coule longuement mais je ne me savonne pas pour ne pas sentir la vanille ou la colchique-dans-les-prés au moment où je me glisserai dans le lit conjugal.
Avec J***, nous avions mis au point une technique assez efficace, lors de ses nombreuses pauses clope : j’entrouvrais ma chemise et elle y soufflait la fumée exhalée ; je sentais le souffle chaud de mon amante sur ma peau, je sentais cette odeur que je ne suis pas censé aimer, mais qui, dans ce contexte érotisé, en devenait agréable. C’était un de nos rituels, un des nombreux rituels qui font que longtemps encore, dans les bras d’une autre, je continuerai à penser à elle.
L’eau coule sur mon corps et je pense à J***. Je sais qu’avec É*** (et elle même le sait) je ne recréerai pas la complicité que je vivais avec J***. J’ai cette pensée cruelle que pour parfumer au tabac ma chemise aussi, J*** était plus douée. J’ai pensé que des larmes allaient couler de mes yeux, mais ils sont restés secs.
Je jouis au présent.