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Ça me soûle

Non, le titre n’est pas un crypto-hommage à la perte récente du Parrain de la soul comme je l’ai lu nommé je-ne-sais où, par ailleurs déjà évoquée dans ces colonnes (ceci est une métaphore, puisque les notes de mon burp ne sont que sur une seule colonne, le pluriel ne devrait donc pas être indiqué).

Non, le titre est juste une médiocre allusion au sujet que je vais aborder dans cette note, catégorie Kom 1 imaj c’est-à-dire celle dédiée au bon maniement de la langue française. Catégorie que bonne partie de mon lectorat doit entrevoir en pensant immédiatement : ça me soûle (et déjà, la pertinence de mon titre paraît un peu plus établie). Catégorie pour laquelle je dois faire ‘achement gaffe à chaque mot tapé, chaque tournure employée, en espérant ne pas faire LA faute qui sera immédiatement (et à juste titre) pointée du doigt par les lecteurs attentifs pas assez soûlés pour renoncer à la lecture, et ça, ben ça, ça me soûle (et désormais, on s’aperçoit que mon titre a été choisi avec soin, il est trop fort ce CUI).

Tu as pu remarquer, ami lecteur, que je ne renâclais pas devant l’utilisation d’un vocabulaire choisi, avec des mots qu’on ne trouve pas dans le Larousse des débutants, sans éviter parfois une certaine cuistrerie (utiliser ce mot, c’est déjà en faire preuve). Même si j’ai renoncé depuis un moment à utiliser la forme clef pour lui préférer la moderne clé (encore que, justement pour m’en amuser, je prépare une note à clefs), ou que je ne parle plus de mes phantasmes mais de mes fantasmes (qui ne sont pourtant pas plus nombreux), je continue de m’acharner sur événement même si la graphie évènement est désormais autorisée par l’Académie (bordel, je ne me suis pas fait chier à le recopier cinquante fois en seconde pour renoncer ; c’est que j’ai bien été dressé !).

J’ai donc une certaine tendance à utiliser la vieille forme du mot « soûl », celle avec un a. (Oui, parce que voilà, en ces temps d’agapes, j’ai décidé de parler de ce mot — punaise qu’est-ce que j’ai drôlement bien choisi mon titre.)

« soûl » + « a » = « saoûl », que je pensais.

Eh bien, pas du tout. Avec le a, y’a pas de circonflexe. Saloperie de langue française. J’ai appris ça assez récemment grâce au correcteur orthographique de Word™ (celui dont je dis tant de mal). J’ai évidemment immédiatement vérifié dans des dictionnaires plus sérieux, mais le bougre avait raison : saoul, saouler, etc., tout ça ne se circonflexe pas. Quand on ajoute des accents à tort et à travers, en particulier des circonflexes qui font sérieux, on appelle ça de l’hypercorrection (oui, l’Amazône, moi aussi je t’aîme fôrt). On fait des fautes en voulant bien faire.

Je faisais part de cette récente découverte à mon amie C*** qui venait de faire la faute en question, quand nous nous demandâmes de concert : mais fichtre, diantre, quand donc ce circonflexe disparut dans cette deuxième forme ? Le TLFI ne nous donnant pas la réponse, je compulsai ce soir le Dictionnaire Historique de la Langue Française de chez Robert et je vous livre tout de go l’information :

SOÛL, SOÛLE adj. et n. est une réfection de saule n.f. (fin XIe s.), saul (v. 1119), saol (v. 1175) ; l’accent circonflexe est introduit au XVe s. et la graphie soûl, concurrente de saoul (XIIIe s.), est retenue par le dictionnaire de l’Académie en 1694 ; la forme saoul est aujourd’hui vieillie.

Voilà.

À la vôtre ! (on n’oubliera pas le circonflexe quand la forme est substantif, et non adjectif possessif)

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