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Je savais depuis longtemps combien l’addiction à la « virtualité » (appelons les comme ça, faute de mieux) des relations électroniques était consommatrice de temps. Que ce soit sur Minitel ou sur un site de rencontre internet, dès que l’on met un doigt dans l’engrenage, pour peu qu’on y croit et qu’on aime ça, on se retrouve rapidement à penser « il faut que je me connecte, il faut que je vois si X a répondu à mon message, ou si on ne m’en aurait pas laissé, ou si Y ne serait pas par hasard connecté en ce moment, j’ai justement des choses à lui dire, etc. »
Je savais aussi, pour l’avoir également vécu, qu’il existe (chez moi en tout cas) des périodes où ce besoin est exacerbé, d’autres où il se met en veilleuse.
Ce que je ne savais pas, c’est que mon incursion dans la burposphère allait me faire franchir un cran supérieur dans la dépendance.
Dépendance qui ne tient pas seulement au besoin de cracher ses émotions pour les partager, à l’attente fébrile des commentaires et à la surveillance des courbes d’audience ; dépendance surtout à la communauté qu’on a rejoint. Petit à petit, on accroche aux wagons de nouveaux liens, on noue quelques complicités puis les connexions se font, les burpeurs de mes burpeurs sont mes burpeurs, le réseau se densifie, et de quelques burps que l’on fréquente quotidiennement, on passe à la dizaine, et de la dizaine aux dizaines. Soixante treize, c’est énorme, soixante treize flux d’informations auxquels je suis abonné, soixante treize canaux me diffusant de l’information de différentes natures (cela va des sites à caractère professionnel aux sites hédonistes en passant par les informations politiques, les productions photographiques, les carnets de vie touchants…) à différents débits (de plusieurs dizaines de notes par jour à quelques unes par mois).
La différence, par rapport à ma dépendance « d’avant », c’est que si je ne me connecte pas pendant un jour, le lendemain, j’ai environ deux fois plus d’informations à lire et si j’attends deux jours je suis bon pour une triple dose de lecture.
Je ne veux pas (plus ?) perdre une miette des états d’âme de ***, des élucubrations de *** ou des envies érotiques si finement mises en scène par ***.
L’abondance a quelque chose de vertigineux. Il arrive fréquemment qu’arrivé sur un burp qui me plaît, je clique sur les liens qui y sont proposés à la découverte et ils sont souvent eux-mêmes intéressants. Il m’arrive aussi de ne pas cliquer malgré la tentation, malgré le « il y a sûrement des textes bien écrits là-bas » qui me titille, parce que je me dis que la corne d’abondance n’a pas de limite et que je pourrais me noyer plus encore sous cet océan de mots. Face à cette offre pléthorique, semblable à l’avalanche de romans à la rentrée littéraire, on ne peut que faire le constat – un peu amer – que l’on ne peut pas tout lire et que l’on rate forcément des choses plus enrichissantes que celles dont on s’abreuve déjà.
Subitement débordé ces dernières semaines par le boulot que j’avais auparavant un peu délaissé, m’étant laissé porter par l’oisive promenade sur la toile qui grignotait mes journées de travail, je subis comme une crise de manque. Je me sens morose et aboulique. Je sais que raisonnablement la seule solution est de réduire ma dose quotidienne, de réussir à rendre moins impérieuse l’envie de découvrir l’actualité de mes burps préférés, de réaménager (rééquilibrer conviendrait mieux) dans mon emploi du temps la part que je réserve à mon travail, à ma famille, à mes amis, à mes loisirs et à Internet.
…
Cesser la fuite en avant et faire naître cette envie.
Illustration sonore : Like spinning plates, un morceau de Radiohead réinterprété au piano par Christopher O’Riley (extrait de son album True Love Waits, consacré uniquement à des reprises de Radiohead, un très bel album que je vous recommande chaudement).