Parler vélo est un sujet très légèrement douloureux au lendemain (ou quasi) du vol de mon deuxième vélo dans ma chère ville de banlieue. Le premier m’avait été volé directement dans ma cour au bout de trois mois, et j’avoue que cette intrusion quasi dans mon domicile m’avait douché. Le deuxième a été piqué âgé de six mois juste devant le cinéma du centre ville, lieu passant, où j’étais allé voir, un dimanche après-midi, le film de Julie Delpy Two days in Paris (que je vous recommande en passant, c’est un sympathique divertissement). Le prochain devrait me durer douze mois, donc, mais il faut dire que je vais multiplier les mesures de protection : tatouage et peinturlurage seront les deux mamelles de mon conservatisme patrimonial. La propriété, c’est le vol, à ce qu’il paraît, mais ça m’agace un peu de savoir que je peux garer ma voiture n’importe où sans rien craindre alors qu’un vélo qui a nettement moins de valeur (bon, vu de loin, quand on compare un vélo neuf avec ma 106, ça n’est pas si évident) risque de se faire voler entièrement ou en pièces détachées (cas de figure qui ne m’est jamais encore arrivé).
Privé de mon vélo 21 vitesses, j’ai voulu tester le fameux Vélib parisien à 3 vitesses et ses 22 kilos. Pour commencer, je voulais déjà noter que depuis à peine dix jours que le dispositif a été inauguré, le nombre de vélib que l’on croise dans Paris est assez stupéfiant. Certes, les beaux jours (fortiche, Delanoë, d’avoir attendu le vrai début de l’été parisien) sont un facteur favorisant mais n’empêche, ça marche. Ça roule.
Je craignais le pire. Les bornes vides sans vélo, où tous indisponibles. Les problèmes informatiques. Etc.
En fait, tout s’est très bien passé. La seule difficulté, c’est de trouver les points d’accès, en fait. J’ai par exemple débarqué à Saint-Lazare et n’ai pas vu de point immédiatement à proximité. J’ai croisé un homme en vélib (ça pullule, vous dis-je), mais lui n’a su que m’indiquer un point à 10 mn à pied. J’étais à la bourre, j’ai fini par prendre le métro. Mais dès le lendemain, je consultais sur Internet et constatait que 3 points étaient à proximité de la gare dont un juste à côté de l’endroit où j’en recherchais un, planqué derrière une rue ; il suffisait de marcher 30 mètres.
Journée de RTT vélibienne dans Paris : je me fais un shoot de parisianisme, moi le parisien exilé en banlieue.
Trajet 1
Départ Dugommier : j’achète mon premier abonnement que j’associe avec le pass Navigo de ma carte intégrale. Le plus long, ce sera de faire défiler les conditions générales que je survole avant de pouvoir valider. Mon pass Navigo me sert ensuite pour prendre un vélo à une borne. Il y a des vélos, tout fonctionne bien.
Arrivée Les Halles. Je m’arrête dans un café prendre mon petit déjeuner. Ils ne servent pas de croissant, j’en achète ma viennoiserie dans la boulangerie la plus proche, l’air est agréable, la ruelle calme, le chocolat pas assez lacté à mon goût. Mon café jouxte la borne Vélib. Pendant mon séjour, je vois arriver une camionnette Décaux : deux employés viennent pour l’entretien, regardent les vélos indisponibles (lumière rouge).
Trajet 2
Départ Les Halles : le premier vélo que j’essaye de prendre ne se déverrouille pas. L’employé Décaux regarde vaguement mais je n’attends pas son diagnostic. J’essaye un autre vélo et ça fonctionne. Je note l’heure de départ : il faut éviter de dépasser une demi-heure pour éviter de payer un euro supplémentaire. Je choisis à chaque fois un vélo à la selle élevée pour n’avoir même pas besoin de la réajuster.
Arrivée : Saint-Lazare, point Vélib repéré au matin. Rien à signaler. Je repars vers ma banlieue pour deux-trois trucs à gérer (me vider les couilles, faire quelques courses pour la soirée de vendredi). Puis, retour sur Paris.
Trajet 3
Départ : Saint-Lazare. Ma borne habituelle. J’essaye depuis l’écran de consulter la localisation des stations dans ma zone de destination. La navigation sur l’écran se fait en se déplaçant depuis le point de départ (pas d’accès directement à un lieu ou à un arrondissement) : c’est fluide mais (il y a un gros mais) si j’arrive à atteindre en quelques clics ma destination, je ne vois pas apparaître sur le plan les stations !! Ce sera donc de l’impro.
Arrivée : Près de la rue de l’Amiral Coligny. Nouveau sport du vélibien : chercher les stations d’accueil. On commence à ouvrir l’œil quand on approche de sa destination (on scrute les rues perpendiculaires, on guette les flux de vélibs en imaginant qu’ils viennent à peine de quitter leur borne). Je la trouverai assez facilement, une rue plus loin. J’arrive à mon point de rendez-vous à l’heure pile annoncée et transpirant à peine. C’est Alexa. Nous avons un projet ensemble (on en reparle ici très bientôt).
Quand l’heure vient de nous séparer, je me dis que je vais profiter du temps que j’ai devant moi (il est 17h, j’ai 2h30 devant moi) et de ma présence près des quais pour faire un tour sur Paris-Plage (un shoot, je vous dis – méga dose). Je descends donc à la plage et fais (à pied) le tour des installations. Je pars du podium où des couples apprennent à danser le rock et je remonte la Seine jusqu’à l’Arsenal. Ah, quartier que je ne traverse pas sans la nostalgie des années où j’y ai vécu, en plein cœur de Paris. Une autre vie, presque. Je remonte à peine des quais qu’une station Vélib me tend les bras.
Trajet 4
Départ : Bassin de l’Arsenal.
Il me reste du temps, je vais remonter Paris-Plage dans l’autre sens mais cette fois chevauchant mon fier destrier. Slalom entre les piétons quand l’espace le permet, conduite prudente. De toute façon je ne suis pas là pour blinder mais pour mater les filles en maillot de bain. Après avoir dépassé le podium de danse-rock toujours très fréquenté, j’entre dans le long tunnel qui débouche aux Tuileries, non sans trouver étrange de me trouver dans cet étrange endroit, presque vide, alors que je ne le traverse habituellement que dans l’autre sens, voiture parmi les voitures. Ensuite, je traverse les Tuileries assez vite à la recherche d’une borne, viteuuuuh !, mais je crois qu’à une minute près, j’ai dépassé les fatidiques 30 minutes et que du coup, cette course aura fait doublé le coût de ma journée vélib.
Arrivée : face au Ministère de la Culture.
Je profite des quelques minutes qui doivent séparer la reprise d’un vélo pour passer quelques coups de fil pour préparer la suite de ma journée.
Trajet 5
Départ : Même borne (RÀS).
J’ai rendez-vous à Barbès, en principe, mais comme je suis en avance je donne quelques coups de pédale supplémentaire pour aller jouer les fantômes chez une fantôme (ça, c’est retors !). Je remarque que, dans ce quartier, les piétons ne respectent absolument pas le couloir vélo intégré au trottoir. Je joue sans cesse de la sonnette.
Arrivée : Jules-Joffrin
Je m’achète dans le Picard un sorbet à la framboise pour me rafraîchir. Je passe un coup de fil, attend en vain une réponse, décide de tracer vers Barbès pour y arriver à 19h30.
Trajet 6
Départ : Jules-Joffrin
Arrivée : près de Barbès. Alors là j’ai pas mal galéré avant de trouver une station. J’ai fait quelques rues, quelques détours, en vain. J’ai repéré le bar où j’allais me poser pour attendre mon rendez-vous, mais pas de station à proximité. Je finis par en localiser une, vide. Vandalisée. Saccagée. Brûlée. Je fulmine contre l’esprit malade qui a pu trouver intéressant de foutre le feu, pensant probablement faire progresser la rébellion anti-bobo.
Je finirai par trouver une station en faisant rebrousse-chemin, et finalement très près de l’amie chez qui j’ai rendez-vous. Mais je dois d’abord retrouver mon accompagnatrice et l’accompagnateur de mon accompagnatrice. Je marche donc jusqu’à mon café, y commande un panaché, en scrutant chaque couple qui passe, espérant y reconnaître mes invités (il s’agit d’un blind date, c’est plus rigolo). Je poireaute en vain, en fait ; arrivé à l’heure du début de la soirée, je m’y rends en attendant le coup de fil signalant leur arrivée.
La soirée se passe… très agréablement. Arrive l’heure où je me dis qu’il est temps de rentrer chez moi pour arriver à peu près frais à ma réunion en clientèle le lendemain (où je croiserai brièvement CdV). Il est environ minuit et demi, l’heure où les métros sont rares et incertains. Je décide de pédaler jusqu’à la Porte de Champerret pour finir mon trajet en taxi. Je vais à la borne la plus proche, celle où j’avais laissé mon vélo. Elle est vide. Je marche un peu…
Trajet 7
Départ : Anvers.
Arrivée : Porte de Champerret. Je repère assez vite la borne, très remplie : ma crainte est qu’elle soit complète, mais non, il reste quelques emplacements libres. Je finis mon trajet en taxi. J’en aurais pour 10 euros.
Mon parcours de toute la journée en Vélib ne m’aura coûté qu’un ou deux euros, lui.
Je suis ra-vi de l’expérience.
André Labarrère, l’ancien maire PS de Pau qui avait mis son homosexualité sur la place publique, s’était surnommé « l’embrayage », parce que c’est « la pédale de gauche ». D’où mon titre clin-d’œil à la dernière vulgarité de Laurent Gerra qui, à l’occasion du lancement de vélib, a dit que Paris devenait capitale de la pédale. Les associations gays & lesbiennes ont trouvé bon de protester. Si on commence à interdire l’humour sous le prétexte qu’il est mauvais, on est mal barré.