Je suis donc allé hier soir, Parc de la Villette, voir sur écran géant dans une salle où la clim’ était réglée à fond (la prochaine fois, prévoir un duvet) le film de Pascal Ferran « Lady Chatterley ». Film catégorie « intello », film difficile, film long (2h40) et comme beaucoup de films longs, film lent. Film ayant reçu une excellente critique, un succès en salle limité mais plus grand que ceux généralement connus par les films de cette catégorie. Film ayant reçu 5 Césars (dont meilleur film, meilleur actrice) ainsi que le prix des auditeurs de l’émission de France Inter Le Masque et la Plume… Film dont on m’avait dit le meilleur (sensuel, magnifique film d’amour, nature filmée avec génie) et le pire (« c’est chiant ! »).
DU TITRE ► Arrêtons-nous un moment sur le titre. Quand on dit, en France, Lady Chatterley, tout le monde pense à L’amant de… puisque c’est le titre du roman de D.H. Lawrence. Conforme au titre original Lady Chatterley’s lover. Pascale Ferran précise (notamment au générique) qu’elle s’est basée, pour son adaptation, sur une nouvelle et plus moderne traduction de l’œuvre originale, nouvelle traduction parue sous le titre Lady Chatterley et l’homme des bois, plaçant ainsi la place (symbolique) de l’amant moins prépondérante (Chatterley reste la seule nommément désignée, Parkin passant, lui, du statut d’amant à celui d’ours). Pascale Ferran, quant à elle, réduit le titre au simple Lady Chatterley qui dit bien autour de quel personnage unique le film sera articulé. DE LA NATURE ► La communion (à venir) des corps est indissociable de leur relation avec la nature. L’émotion de Lady Chatterley nait d’abord de cette nature paisible mais vivante. L’éclosion des jonquilles déclenche l’éclosion de son désir. L’éclosion des perdreaux précède immédiatement le premier contact charnel entre Chatterley et Parkin. Cette nature, vibrante, est particulièrement bien filmée. Des plans fixes, surtout, quelques panoramiques. Ça n’est pas du Microcosmos, ni du Ushuaïa, il y a un parti pris esthétisant mais sans lourdeur. C’est comme le fond d’un tableau. Le peintre s’est appliqué, les personnages prendront place dans ce décor. DE L’ÉROTISME ► Je me souviens avoir, adolescent, parcouru L’amant de Lady Chatterley à la recherche de passages érotiques pour nourrir ma frénésie masturbatoire. Je me souviens avoir été grandement déçu, de ne pas avoir eu grand chose à me mettre sous la dent. Je me souviens d’un roman champêtre où les ébats n’exploraient pas les chapitres les plus complexes du Kamasutra. Finalement, le film de Ferran, même s’il ne se base pas sur la même traduction, est assez conforme à mon souvenir. De la nature, et des scènes de cul très soft. La différence, c’est que je ne regardais pas ce film pour m’exciter, et que j’étais donc plus réceptif sur ce qui est finalement un lent apprentissage de la sensualité. Le premier ébat des deux amants est brut, bref. Constance Chatterley aura, envers son amant, une patience qui n’aurait guère plus cours de nos jours. On voit donc les rapports se succéder, chacun gravissant un degré dans le plaisir et la jouissance partagés. Lentement, les corps s’apprivoisent, se dénudent, se révèlent. On sent la Lady enfin dégagée de la gangue de sa « condition » lorsqu’elle court, nue, sous la pluie (enfin, pas totalement nue, vêtue de ses seules bottines mais je vous parlerai de mon fétichisme des chaussures ultérieurement). DES ACTEURS ► Je ne saurais passer sous silence l’émotion provoquée sur l’homme (pas de(s) bois !) que je suis par Marina Hands. Mâchoire nette, bouche magnifiquement dessinée, regard noir, sourcils dense, sa beauté ne m’a pas laissé indifférent. Jean-Louis Coulloc’h est également taillé pour le rôle du garde-chasse un peu rude et taciturne. Hippolyte Girardot campe pour sa part le rôle du mari handicapé. Leur jeu à tous ne sonne pas toujours très naturel (c’est variable au cours du film, j’ai trouvé). Des petits accents rohmeriens qui ne sont pas pour me déplaire. Sans doute est-ce partiellement dû à l’action qui se place au début du siècle dernier, le côté « film en costume et dialogue idem ». La scène finale, j’ai eu du mal à y croire. Un peu dommage. Mais cela ne ternit pas l’impression générale de délicatesse qui caractérise cette œuvre sensible. MON VERDICT ► À voir, donc, dans le calme, en prenant le temps de rentrer dans le rythme, lent, du film.