[376] « Lady » comme en dedans

Je suis donc allé hier soir, Parc de la Villette, voir sur écran géant dans une salle où la clim’ était réglée à fond (la prochaine fois, prévoir un duvet) le film de Pascal Ferran « Lady Chatterley ». Film catégorie « intello », film difficile, film long (2h40) et comme beaucoup de films longs, film lent. Film ayant reçu une excellente critique, un succès en salle limité mais plus grand que ceux généralement connus par les films de cette catégorie. Film ayant reçu 5 Césars (dont meilleur film, meilleur actrice) ainsi que le prix des auditeurs de l’émission de France Inter Le Masque et la Plume… Film dont on m’avait dit le meilleur (sensuel, magnifique film d’amour, nature filmée avec génie) et le pire (« c’est chiant ! »).
Elle est belle !
DU TITRE  ► Arrêtons-nous un moment sur le titre. Quand on dit, en France, Lady Chatterley, tout le monde pense à  L’amant de… puisque c’est le titre du roman de D.H. Lawrence. Conforme au titre original Lady Chatterley’s lover. Pascale Ferran précise (notamment au générique) qu’elle s’est basée, pour son adaptation, sur une nouvelle et plus moderne traduction de l’œuvre originale, nouvelle traduction parue sous le titre Lady Chatterley et l’homme des bois, plaçant ainsi la place (symbolique) de l’amant moins prépondérante (Chatterley reste la seule nommément désignée, Parkin passant, lui, du statut d’amant à celui d’ours). Pascale Ferran, quant à elle, réduit le titre au simple Lady Chatterley qui dit bien autour de quel personnage unique le film sera articulé. DE LA NATURE ► La communion (à venir) des corps est indissociable de leur relation avec la nature. L’émotion de Lady Chatterley nait d’abord de cette nature paisible mais vivante. L’éclosion des jonquilles déclenche l’éclosion de son désir. L’éclosion des perdreaux précède immédiatement le premier contact charnel entre Chatterley et Parkin. Cette nature, vibrante, est particulièrement bien filmée. Des plans fixes, surtout, quelques panoramiques. Ça n’est pas du Microcosmos, ni du Ushuaïa, il y a un parti pris esthétisant mais sans lourdeur. C’est comme le fond d’un tableau. Le peintre s’est appliqué, les personnages prendront place dans ce décor. DE L’ÉROTISME ► Je me souviens avoir, adolescent, parcouru L’amant de Lady Chatterley à la recherche de passages érotiques pour nourrir ma frénésie masturbatoire. Je me souviens avoir été grandement déçu, de ne pas avoir eu grand chose à me mettre sous la dent. Je me souviens d’un roman champêtre où les ébats n’exploraient pas les chapitres les plus complexes du Kamasutra. Finalement, le film de Ferran, même s’il ne se base pas sur la même traduction, est assez conforme à mon souvenir. De la nature, et des scènes de cul très soft. La différence, c’est que je ne regardais pas ce film pour m’exciter, et que j’étais donc plus réceptif sur ce qui est finalement un lent apprentissage  de la sensualité. Le premier ébat des deux amants est brut, bref. Constance Chatterley aura, envers son amant, une patience qui n’aurait guère plus cours de nos jours. On voit donc les rapports se succéder, chacun gravissant un degré dans le plaisir et la jouissance partagés. Lentement, les corps s’apprivoisent, se dénudent, se révèlent. On sent la Lady enfin dégagée de la gangue de sa « condition » lorsqu’elle court, nue, sous la pluie (enfin, pas totalement nue, vêtue de ses seules bottines mais je vous parlerai de mon fétichisme des chaussures ultérieurement). DES ACTEURS ► Je ne saurais passer sous silence l’émotion provoquée sur l’homme (pas de(s) bois !) que je suis par Marina Hands. Mâchoire nette, bouche magnifiquement dessinée, regard noir, sourcils dense, sa beauté ne m’a pas laissé indifférent. Jean-Louis Coulloc’h est également taillé pour le rôle du garde-chasse un peu rude et taciturne. Hippolyte Girardot campe pour sa part le rôle du mari handicapé. Leur jeu à tous ne sonne pas toujours très naturel (c’est variable au cours du film, j’ai trouvé). Des petits accents rohmeriens qui ne sont pas pour me déplaire. Sans doute est-ce partiellement dû à l’action qui se place au début du siècle dernier, le côté « film en costume et dialogue idem ». La scène finale, j’ai eu du mal à y croire. Un peu dommage. Mais cela ne ternit pas l’impression générale de délicatesse qui caractérise cette œuvre sensible. MON VERDICT ► À voir, donc, dans le calme, en prenant le temps de rentrer dans le rythme, lent, du film.

6 gazouillis sur “« Lady » comme en dedans”  

  1. #1
     
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    columbine a gazouillé  :

    se baser sur une traduction, hum, j’espère que ladite traduction est bonne et le commentaire laisse à penser que la première traduction ne l’était pas? je l’ai lu il y a longtemps (en anglais) et je ne me souviens pas d’avoir éprouvé de sentiments masturbatoires. l’essence du scandale suscité par le livre réside simplement dans le fait qu’une femme de cette époque-là et de cette condition-là ait un amant (retour d’un conservatisme sans nom après la légèreté libertine du siècle des lumières, tous pays confondus). l’interêt du livre réside à mon sens dans l’émoi d’une femme qui découvre sa sexualité. encore a mon sens, faire aujourd’hui une adaptation de ce livre pour y retrouver l’atmosphère n’a pas beaucoup de sens sans en avoir lu la version originale et sans connaitre l’Angleterre et ses moeurs et puis il faut le talent de Merchant-Ivory par exemple pour le faire. par contre, adapter cette histoire a notre époque, donnerait un film très intéressant, n’est-ce pas CUI? :- )

  2. #2
     
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    Georges a gazouillé  :

    Quand nous avons vu le film, il y a de cela six mois, j’avais hésité à lui consacrer une note. Finalement je ne l’avait pas fait. Pourquoi? Parce que ce film échoue dans son propos principal, qui n’est pas l’EROTISME mais le DESIR. Ce film est appliqué, scolaire, trop littéraire en somme. Sur les 2h40, certaines scènes quand même retiennent l’attention… Je m’étais dit un jour qu’il faudrait faire une bibliographie des films sur le désir… (Hier nous avons vu Victor, Victoria, en plein air, qui, dans un autre genre, le brouillage des frontières entre les sexes, la trans-sexualité, est une réussite totale!)

  3. #3
     
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    Cali Rise a gazouillé  :

    J’aurais pu faire les mêmes commentaires que toi même si j’ai vu ce film à la télévision et dans un calme très relatif : celles qui le regardaient avec moi ont trouvé le film nul, long et les dialogues idiots.

    L’amant de Lady Chatterley… Je me souviens l’avoir lu et l’avoir trouvé très érotique alors qu’il ne contient pas vraiment de scènes haletantes. Quant à la scène finale… Elle m’a juste rappelé des évènements récents. Sinon, elle laisse sur sa faim…

  4. #4
     
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    Comme une image (wifi enabled) a gazouillé  :

    @ columbine > Adapter le livre à notre époque, voici qui me semble être une gageure, mais je n’ai pas l’imagination d’un scénariste. Et puis je ne crois pas qu’Ivory soit le seul cinéaste habilité à filmer l’Angleterre victorienne. Même si ce film traite un peu des aspects sociaux (l’usine, la mine, la grève…) je crois que Ferran se concentre sur autre chose et c’est ça qui fait l’intérêt du film. Et puis je crois aussi que tout auteur a droit à sa part de créativité dans l’adaptation d’une oeuvre. La fidélité (à l’oeuvre eh eh eh) n’est pas non plus (eh eh eh) une valeur forcément primordiale. On peut faire un chef d’oeuvre d’un nanar (l’inverse est plus courant hélas). Blade Runner est un film génial, basé sur une simple nouvelle (géniale aussi, certes, mais différente).

    @ Georges > Je n’ai pas vu Victor, Victoria, mais je crois que c’est effectivement un bon film (et une bonne comédie). Après avoir lu ma note, vous supposerez bien que je n’ai pas le même diagnostic que vous sur l’échec que serait ce film. Mais il semblerait en effet qu’il ne séduise pas tous de manière inconditionnelle. Et d’ailleurs, je suis assez convaincu que j’aurais pu, dans d’autres circonstances (état d’esprit, …) trouver ce film lent et pénible. Mais là, non, il m’a touché, vraiment. Plusieurs jours après, je repense encore avec force à certaines de ces scènes et l’impression générale qui s’en dégageait. Ce qui (pour moi) fait aussi un bon film : sa capacité à impressionner notre esprit.

    @ Cali Rise > Sans doute aussi ce film nous touche différemment selon notre propre histoire du désir…

  5. #5
     
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    noir intense 35 a gazouillé  :

    Moi je n’ai pas eu le plaisir de le voir sur grand écran, je l’avais enregistré chez moi et je l’ai vu un soir où il faisait nuit noir et dans plus grande intimité et je dois t’avouer qu’il m’a fait beaucoup d’effet, je l’ai trouvé très sensuel, très excitant… malheureusement ayant mal fait mon enregistrement je n’ai pas vu la fin… ne me dis pas que toute est bien qui finit bien… je serai déçue…

  6. #6
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ noir intense 35 > Non, ça ne finit pas bien, mais on ne peut pas dire non plus que ça finisse vraiment mal. Enfin, l’intérêt du film ne réside pas, il me semble, dans son suspens insoutenable.

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