Un jour, particulièrement en confiance, je lui posais la devinette suivante :
Q : Quelle est la différence entre un sadique et un dentiste ?
R : Chez le sadique, on trouve des magazines récents.
Assez curieusement, ça ne le fit pas rigoler. Elle est bonne, pourtant, non ? Mais il est très tenaille-sans-rire.
Je n’ai pas peur du dentiste, donc, mais du [garag]iste. Autant je connais mes dents sur les doigts de la main, autant je suis une bille complète en mécanique automobile (même si j’avais eu une note correcte en Dess Duss1 pour la compo traitant du mécanisme différentiel d’un 4×4 – c’était il y a 20 ans, je crains qu’il n’y ait prescription). C’est à peine si je sais faire la différence entre ma queue et le levier de vitesse (NDLR, vu le nombre de requêtes Google qui arrivent sur mon site parlant de demoiselles empalées sur des leviers de vitesse, je ne dois pas être le seul2), entre du gazole et du liquide de frein, entre un cric et un essuie-glace (ad lib.).
Cela faisait des mois que s’affichait en rouge sur mon Palm la tâche « Révision 106 » (est-il nécessaire de vous présenter ma 106 Kid adorée, partenaire de toute mes frasques ? (au passage, je vous signale que mon Palm est aussi le témoin de pas mal de mes frasques mais c’est une autre histoire dont je me vante moins)) en retard. Pourtant (ou plutôt justement), j’en avais des motifs de me présenter à mon garagiste. Une fuite dans le circuit du liquide de refroidissement oups qu’est-ce que je disais lave-vitre et surtout des trucs bizarre qui s’échappaient du pot d’échappement et qui rendaient l’arrière-train de ma titine tout gras (huileux ou gazoleux ? je ne saurais dire). Le truc qui fout franchement la trouille.
Je retardais donc le moment où, tel le bœuf conduit à l’abattoir, je me rendrais chez mon garagiste, l’échine courbée, pour bredouiller : « je viens pour la révision de ma 106, si vous pouviez regarder, j’ai un truc qui sort du machin… »
Le genre de situation où j’ai l’impression d’avoir un gros panneau « à plumer » qui clignote juste au dessus de moi (notons au passage qu’à l’abattoir, ce sont les poulets qu’on plume plutôt que les bœufs).
Lundi dernier, toutefois, la perspective d’une prochaine virée aux sports d’hiver me poussait à prendre mon courage à deux mains et ma carte grise entre les dents (j’aimerais vous y voir) pour me rendre au garage Pijot le plus proche et leur confier mon enfant (ma Kid, quoi). Je parle de mes deux petits problèmes et on me promet de me rappeler dans la journée.
Le soir, rien.
Le lendemain, rien.
Le mercredi, inquiet de ce silence, tremblant à l’idée de ce qu’on allait m’annoncer (genre « M’sieur CUI, ça fait deux jours qu’on démonte votre moteur dans tous les sens pour réparer votre bagnole, va falloir changer le rotor gastrique et la pompe léthargique, ça risque de vous coûter 2.999,99 € et une couille », je repris mon courage à deux mains (j’aurais pu remettre ça à demain, aussi, mais bon, mon courage pouvait encore servir) et mon téléphone entre les oreilles et j’appelais le garage. Z’avaient rien trouvé, ces zoizeaux. « Elle ne fume pas, votre voiture ! » Ben non, j’avais jamais dit qu’elle fumait, j’ai dit que y’avait un truc tout dégueu qui se déposait à l’arrière du véhicule mais j’avais vérifié qu’elle ne fumait pas (ouais, je vous ai menti tout à l’heure, j’ai des notions poussées de mécanique automobile : je sais regarder dans le rétroviseur pour voir si ça fume).
Le garagiste — Bon, en tout cas, elle ne fume pas…
Moi — Mais pour ma fuite ?…
Le garagiste — Bah, vous savez, ça peut ptête un joint de culasse ou … [là j’ai oublié le truc qu’il m’a dit], vu que votre voiture marche bien ça serait ptête dommage d’engager des travaux coûteux !
Moi (terrifié) — Oui en effet, vous avez raison ! Et pour la fuite de mon liquide lave-vitre ?
Le garagiste — Humm… Ça doit être les moteurs qui sont grillés !
Moi (sûr de moi, yess) — Mais non ! je vous dis que j’ai clairement vu la fuite, en remplissant le réservoir !
Le garagiste — Bon, on r’garde ça ! On vous rappelle demain, m’sieur CUI.
Le lendemain, il me rappelle.
Le garagiste — Bon, m’sieur CUI, j’ai vérifié, pour le liquide lave-vitre, c’est bien un problème de moteur qui n’a plus assez de puissance pour faire sortir le jus [On dit tel chien, tel maître, mais je peux vous dire que ça ne fait pas du tout pareil avec les voitures, non non non non ! Un quarantenaire n’a pas besoin d’une révision pour gicler. C’était un communiqué des Quarantenaires Unis Contre la Médisance et le Dénigrement.]
Moi (penaud) — Ah bon ? Bon… [ça me rappelle la fois où j’ai soutenu mordicus à mon précédent garagiste que le problème sur mes enceintes venait d’un faux contact quelque part dans le circuit, et que son diagnostic « enceintes mortes » s’est avéré exact.]
Le garagiste — Oui, le moteur coûte [à ce moment là ma main se crispe sur le téléphone – oui, parce que c’est ma main qui tient le téléphone, cette fois, vu que je me suis fait appeler et que je n’ai pas eu le temps de sortir mon courage] 38 € …
Moi (soulagé ! in petto : ah ? seulement ?) – Hmmmm
Le garagiste — … hors taxe !
Moi — Oui, ça va, vous pouvez engager les dépenses.
Eh ben dites donc, j’ai eu chaud. C’était donc bénin. C’était sans compter le deuxième appel qui allait suivre, dans la même journée :
Le garagiste — M’sieur CUI, on a trouvé le problème pour votre fuite : c’est la pompe à gazole qui fuit !
Moi (content que le garagiste m’annonce un truc qui correspond plus au problème constaté mais quand même inquiet par l’équation pompe foutue = pompe à fric) — Hmmmmmmmmm…..
Le garagiste — Bon, ça coûte [ratatatata….] 108 €. Hors taxe !
Moi (jubilant intérieurement de cette peccadille) — Oui, ben faut réparer, hein !
Le garagiste — Oui, c’est embêtant de rouler avec ça.
Bref. Une révision qui ne se transforme pas en coup de bambou. Un petit tour d’anesthésie, trois petit coups de fil, et c’est fini. Ça n’était pas si terrible (me dis-je)(jusqu’à la prochaine fois).
J’aurais aussi pu vous parler de la peur du [plomb]iste, mais depuis que j’en ai un dans la famille, je n’ai plus peur de ces alchimistes des temps modernes, ceux qui transforment le plomb en or.
Donc, plombier : OK, dentiste : OK. Reste le problème du garagiste. Amie lectrice, si tu as un père / frère / cousin / ex-avec-qui-tu-es-restée-en-très-bons-termes / autre, et que la bigamie ne te refroidis pas, je t’épouse. Ami lecteur garagiste, je te propose éventuellement un pacs et une bonne pipe pour chaque révision.
- Dess Duss = Dessin Industriel, pour tous les chanceux n’ayant pas connu (en prépa ou ailleurs) les joies de cette discipline très spéciale.↩
- Et je le prouve :
↩