Un samedi soir, entouré de trois charmantes femmes que j’ai la chance de pouvoir compter parmi mes amies, bien arrangés par quelques rhums l’étant également, nous refaisions le monde comme à notre habitude. Nos attentes, nos espoirs, nos bonheurs, nos craintes, nos échecs, nos rêves… L’heure tournait, la fatigue se lisait sur certains visages, mais moi j’avais envie de faire bouger mon corps ! Quand l’heure sonna qui transforma deux de mes Cendrillon en Belles au Bois Dormant, je pris la survivante par la main et l’amenai au Batofar.
Le programme musical n’était pas forcément celui qui transporterait le plus joyeusement nos jambes, mais nous allions faire contre mauvaise fortune bon pied. Au son de cette électro minimale (minimum parfois réglé un peu bas si l’on s’en tient à des critères purement mélodiques), nous dansions avec un enthousiasme que nous entretenions régulièrement à coup de mojitos. Éloigné d’environ deux décennies de l’âge médian de la foule qui nous entourait, je ne sentais ni ressentais pourtant aucun décalage entre les autres et moi. Nous étions là pour la même chose, nous écoutions là même chose, faisons peu ou prou les mêmes gestes et ingurgitions les mêmes boissons (je précise toutefois que j’ai poliment décliné l’offre d’un jeune homme m’ayant demandé : « tu veux des bonbons ? » – je ne tiens pas à choper de caries). Pourtant, quand sur les photos qu’on prend de moi, je vois sur le sommet de mon crâne le cheveu de plus en plus rare, je me dis qu’il pourrait y avoir un écart important entre la perception que les autres peuvent avoir de moi-même et celle que j’éprouve moi-même. Il arrivera peut-être un temps où je ne me sentirai plus à l’aise dans ces boîtes avec de la musique trop forte, trop bizarre et où les gens me regarderont de travers. Il arrivera peut-être un jour où j’aurai perdu le goût de danser, abandonné par mes oreilles, mes vieux os ou mes muscles fatigués.
Mais ce jour-là n’est pas arrivé et, en attendant, je danse !
Illustration : Ryan McGinley – Hysteric fireworks