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Pas sage (du désir)

Quel couple moderne n’a pas encore son vibro ? Au rayon sexualité contemporaine, le sextoy (appellation générique actuellement en vigueur – eh eh – qui regroupe les vibromasseurs, les godemichés et tout autre accessoire comme boules de geisha, plug etc.) est désormais un must. L’engin que cachaient nos mères (en l’occurrence, ma mère, je ne crois pas qu’elle en avait, mais un copain m’avait montré celui de sa mère) au fond d’un tiroir, modèle La Redoute-like, désormais se montre – je ne sais plus où j’ai lu ça récemment, mais en gros ça disait « la nana qui n’a pas le sien dans son sac-à-main est has been. La réalité est un peu plus nuancée, le bidule peut trôner crânement sur la table de nuit ou être collé sur le frigo de la femme libérée, je ne l’ai pas encore vu dépasser d’un sac-à-main, et chez moi (parce que oui monsieur, je suis moi aussi un couple moderne) l’attirail reste hors de portée (et de vue) des enfants, et par voie de conséquence, de tout un chacun.

Toutefois, et je ne révèle pas un grand secret, la discrète boutique avec ses rideaux rouges et son panonceau « interdit aux mineurs », dans laquelle on (et « on » était presque toujours un homme) se glissait honteusement en vérifiant bien à droite et à gauche que personne ne nous voyait dans la rue, ce sex-shop sis dans un quartier glauque généralement à proximité des gares a bien changé. Désormais (au moins dans les grandes villes), cette boutique a désormais pignon sur rue, est située dans un quartier branché du centre ville et on y entre l’air décontracté en pensant très fort « ouais regardez-moi comme je suis décomplexé avec ma sexualité ». Les objets qu’on y trouve sont désormais super design, bien loin des machins rose imitant grossièrement la forme et la couleur d’un phallus. S’ils ont parfois la forme très simple du modèle La Redoute, il sera alors dans une matière noble : verre, métal chromé, voire céramique. Sinon, le bidule sera couramment aux couleurs joyeuses, à la texture soyeuse, et à la forme ne rappelant que lointainement la queue qu’il n’est d’ailleurs plus censé remplacer (enfin ça se discute).
Encore un tabou qui saute.

Faut-il se réjouir de cette évolution des mœurs ? Évidemment oui. Il ne s’agit pas d’un pas de géant pour l’humanité, mais c’est un petit pas agréable à poser en direction d’une sexualité plus riche. Plaisir peut-être plus grand en solitaire (je me garde des affirmations définitives, je suis sûr que je trouverai des femmes pour me dire qu’elles préfèrent n’utiliser que leurs doigts, d’autres qui diront que le sex-toy est un succédané à n’utiliser qu’occasionnellement, d’autres encore qui affirmeront que leur vibro aura changé leur vie et que désormais elles font une petite crise de manque dès que les batteries sont à plat un dimanche soir). Accessoire ludique en couple (dès lors que l’homme ne se sent pas atteint dans sa virilité par l’utilisation d’un substitut de sa bite pour donner du plaisir à sa partenaire – bien que tous les sex-toys ne soient pas phalloïdes). D’autant que dans la galaxie des jouets sexuels se glissent aussi, dans un même élan, toutes sortes de petits gadgets sensuels censés, eux-aussi, enrichir la vie sexuelle : huiles de massages, gels parfumés, jeux, anneaux vibrants, poudres et fluides à déposer sur le corps ou dans le bain, etc. Le plaisir vendu comme un cosmétique.

Pour autant, tout n’est pas rose (gag !) au pays du sex-toy. Pour différentes raisons, certaines techniques (comme le volume de fabrication), certaines purement marketing, tous ces petits extras sont souvent chers. L’aneros, par exemple, qui n’est qu’un bout de plastoque (habilement, certes) moulé est vendu environ 30 fois plus cher que le couteau de Rahan (avec le magazine Pif qui va avec) issu des mêmes ateliers de fabrication coréens. Les bourses (ceci est le jeu de mot le plus éculé du moment) des early adopters sont sérieusement mises à contribution et je pense que nous avons encore quelques années à attendre avant de payer pour ces bidules le juste prix. Ensuite, on peut ressentir une sorte d’injonction au plaisir gadgétisé au travers des médias qui, en accompagnant le phénomène, font se sentir ringards ceux qui n’utilisent que les ingrédients de base pour prendre son pied : deux corps aimants et du désir.

Il n’en demeure pas moins que sextoys, accessoires et autres fantaisies sont d’excellentes occasion de rompre la routine et pour cette raison, malgré mes quelques réserves, je me place sans hésitation du côté des zélateurs de la cause.


En vitrine de la charmante boutique parisienne « Passage du désir » que je suis récemment allé visiter en galante compagnie. Oui, il est possible que j’aie à nouveau eu la tentation d’avoir recours à une très légère retouche d’image

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