Voilà maintenant plus d’un an que je vous ai fait la promesse de vous reparler de Belinda Cannone et de son ouvrage Petit éloge du désir (Éd. Folio) et il est aujourd’hui temps que je l’honore (la promesse, pas Belinda).
J’ai connu Bélinda Cannone par le biais d’un documentaire sur le désir masculin de Serge Moati. (Je pourrais aussi vous dire comment j’ai regardé ce documentaire alors qu’en temps normal, j’aurais juste dû ne même pas remarquer sa présence vu le peu de temps que je passe devant la télé — et moins encore devant les programmes télévisuels — mais c’est une autre histoire.)
Dans son documentaire sur le désir masculin, Serge s’est mis à interviewer des femmes pour en parler. Et parmi elles, Belinda Cannone qui disait de belles choses auxquelles j’adhérais. J’ai noté son nom dans un coin de ma tête et puis j’ai réentendu parler d’elle dans une brève du cahier Livres de Libération qui annonçait son ouvrage à paraître (celui dont il est question ici).
Et puis j’ai acheté son livre quand il est sorti. Un petit fascicule d’environ 110 pages vendu 2 €. Et puis je l’ai lu. Au début, certains partis pris de l’auteure m’ont un peu agacé et puis le livre a joué sa petite musique et je l’ai finalement lu jusqu’au bout avec plaisir, relevant au fil des différentes réflexions numérotées qui constituent l’ouvrage (il y en a 250 en tout) dont je voudrais partager aujourd’hui quelques unes de celles qui m’ont le plus parlé.
Il se trouve qu’il y a quelques jours à peine, j’ai vu le documentaire de Serge Moati sur, cette fois, le désir féminin, dans lequel, sans surprise, j’ai revu apparaître Belinda Cannone, toujours aussi pertinente. Quant au beau Serge, cette fois, il n’a pas jugé opportun de faire intervenir des hommes pour parler de ce désir féminin, et j’ai trouvé ça bien dommage. En fait, je pense qu’il avait juste envie d’être entouré de femmes, d’avoir son désir masculin à lui et pas trop celui des autres hommes parce que ça va bien comme ça.
Après le documentaire, il y avait un micro débat où participait Brigitte Lahaie ; c’était celle qui disait les choses les plus pertinentes sur le reportage lui-même et le sujet plus généralement, et elle était sans arrêt interrompue par l’insupportable journaliste et la sexologue qui dosait savamment son discours avec 50 % de remarques utiles et 50 % de conneries effrayantes (je veux dire, effrayante pour une supposée professionnelle). Alors qu’elle restait bien polie et ne coupait la parole à personne. Brigitte, t’étais classe, voilà. (Belinda aussi, t’étais classe, sois pas jalouse !)
Bon, j’espère que je ne vais pas abuser de mon droit à la citation, parce que je compte vous en balancer un bon paquet. Accrochez-vous.
Ah oui ! une petite précision : quand l’auteure dit « tu », elle parle d’elle. Elle s’interpelle elle-même, en somme, mais dans le même mouvement, elle interpelle le lecteur (ou la lectrice bien entendu) dans le rôle du désirant.
Dans le rôle du désiré (qui n’en est pas moins désirant, mais ce n’est pas son désir à lui qui est disséqué), nous trouvons « Beloizo ». Évidemment, ça aura fait sourire votre piou-piou !
NDLR : L’emphase dans certains passages est de mon fait. Les italiques sont d’origine.
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Tu es intimement convaincue que nous sommes des corps-esprits, que toute chair est spirituelle, que tout esprit s’incarne. Que de ce bel entremêlement naît l’étreinte, rencontre provisoire de deux corps-esprits dans laquelle il entre de l’amour — si l’on veut bien nommer ainsi l’élan qui nous lie à l’autre désiré.
Tu n’as pas de définition de l’amour. Comme la plupart de tes contemporains, tu trouves même que c’est une affaire très compliquée. Et d’abord parce que tu sais mal distinguer le désir du sentiment amoureux, qui sont tous deux rencontre dans l’élan. Comment les dissocier ? Quel trébuchet indiquera la part du sentiment et celle de la sensualité ? Bien sûr, hommes et femmes peuvent taire l’amour sans amour — nous avons conquis cette liberté. Mais ce n’est pas la version la plus puissante de l’étreinte. Toi, tu veux parler d’embrasement.
Tu crois que le grand désir est toujours amoureux.
Cela correspond aussi à mon expérience ; est-ce l’amour qui rend le désir plus omniprésent ou plus fort, ou est-ce le désir qui, arrivé à une certaine intensité, engendre l’amour qui l’accompagne : là, je n’ai pas la réponse.
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Tu te dis depuis longtemps que l’improvisation régissant presque toute notre vie amoureuse n’est pas si féconde. Car nous improvisons dans l’amour, comme s’il n’y avait rien à apprendre, à maîtriser, comme si tout y était science infuse vision trop romantique d’un acte qui, au lieu d’être un art, serait exclusivement soumis à l’intuition et au moment. Contrairement aux autres arts dans lesquels on considère qu’apprentissage et exercices sont nécessaires pour permettre l’inventivité, ici on bricole constamment, au motif rétrograde que le sentiment y pourvoira. Cette situation fait de la plupart d’entre nous, bien souvent, des peintres du dimanche.
Le pianiste occasionnel est-il forcément plus inspiré, plus émouvant que le musicien accompli ? Au contraire, c’est une fois son art maîtrisé qu’il peut oublier la technique et improviser, inventer, donner libre cours à ses sentiments.
Nous pourrions être bien plus savants, sans doute, dans l’acte d’amour, et d’autres civilisations le savent — l’indienne surtout —, qui raffinent gestes et perceptions. Non qu’il faille tomber dans la technicité : tu crois à l’écoute et à la magie, mais tu pressens qu’il existe des possibilités d’approfondir nos sensations, d’être mieux conscients de nos gestes, qui feraient de nous de plus parfaits amants.
Oui, cela prend pas mal de temps, d’arriver à un niveau de technique suffisant pour qu’elle puisse s’effacer (il y a évidemment de jeunes prodiges ^^).
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La première chose que tu as écrite, quand tu as commencé ton premier roman, c’est une scène de fellation. Pages inaugurales que tu as placées au milieu du livre. Tu voulais écrire un roman sur la sortie de soi, sur ce mode d’être à équidistance de soi-même et du monde qui te paraît la seule manière d’être vraiment au monde. C’était aussi le récit d’un suicide, celui de Stefan Zweig, et d’une narratrice qui sentait, bien qu’elle ne fût pourtant pas concernée directement par la Seconde Guerre mondiale, qu’elle portait en elle cette histoire, comme un événement à assimiler avant même de commencer à penser le présent.
Le roman de la sortie de soi commençait donc par l’évocation de ce moment de l’amour où, quoique dépourvue de l’organe qui permettrait de comprendre par expérience propre, on sait pourtant, tant on est relié à l’autre, aussi près de lui que de soi-même, on sait comment emboucher le bel organe pour lui donner du plaisir. Sentir à la place de l’autre, comme l’autre – cette expérience capitale ne se résume pas à l’empathie dans la douleur : on peut aussi entendre son chant d’allégresse, percevoir ses mouvements dansants — l’empathie anime aussi la joie.
Oui, quand on fait l’amour, il y a parfois ce moment où l’on est tellement connecté à l’autre, à l’écoute de ses sensations, que l’on a soi-même l’impression de ressentir le plaisir, la caresse donnés.
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Tu aimes lui envoyer cent messages chaque jour. Et partout la magie opère, le hasard objectif est à l’œuvre – la rue t’apporte ce que ton désir convoque. Tandis que tu lui écris « feu », tu vois l’image d’un volcan sur un abribus — clic, photo et envoi. Tandis que ta frénésie de contact (tu veux constamment que vous soyez reliés, sinon l’air te manque) t’oblige à lui dire ton émoi permanent, tes yeux rencontrent « fièvre et frissons » sur la vitrine d’une pharmacie. Tu marches vers un rendez-vous, et le trottoir te propose, écrit au pochoir, « Osez le clitoris » — photo que tu assortis d’un commentaire (« un conseil dont Beloizo n’a guère besoin ») et lui envoies. En chacun de ses recoins, la ville t’offre des mots et des images comme si, dans sa grande connivence, elle participait à ton sentiment. Le réel est une corne d’abondance mais, souvent hors de l’état de vigilance que crée le désir, nous ne le voyons pas.
Ce passage (qui fait évidemment singulièrement écho à mon propre vécu — la raison pour laquelle il me touche et se retrouve sélectionné ici !) n’est pas sans me rappeler les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes.
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Les signes du désir sont moins immédiatement évidents pour les femmes qui ne connaissent pas les dérangements vestimentaires de l’érection. Parfois tu dois t’arrêter sous un porche ou dans un escalier, pour vérifier avec tes doigts ce que tu devinais : de lui avoir parlé, ou d’avoir pensé à lui, provoque une petite inondation entre tes cuisses. Quelquefois, tu l’informes par deux messages, d’abord de ton soupçon, puis de la vérification de tes sucs répandus.
De quoi provoquer immédiatement un sérieux dérangement vestimentaire chez le récipiendaire de ces deux messages…
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Parfois tu voudrais lire ces fragments au Beloizo. Mais si tu le faisais, tu serais obligée de prononcer ces mots : « Quand il sera passé… » — comment évoquer devant lui la fugacité du désir ? Obscénité, comme d’un cadavre à la table du festin.
Hum… On paye ici le prix de l’expérience dont on vantait les mérites plus haut.
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Séduction : tu en as souvent fait la critique. Critique du calcul. Dédain de persuader. Non que tu ne veuilles jamais plaire : tu veux séduire sans le chercher, par ce que tu es — affaire de dosage entre le naturel et l’artifice. Tu crois que la séduction doit être une prise de risque : je suis ainsi, exactement ainsi — te plais-je ? Roulette russe. Risque majeur d’être refusé, repoussé, mais merveille si l’on plaît. Alors, sous le chaud regard accueillant, on s’ébroue, en sympathie avec soi-même. Le désir de l’autre nous rend aimable à nos propres yeux. Pourquoi ? Peut-être parce qu’alors nous n’avons plus besoin d’insuffler de l’amour en nous-mêmes, un autre s’en charge, nous permettant de nous sentir plus léger, désencombré de soi — délié.
Et puis :
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Une des choses injustes : l’inégalité des sexes dans le désir a laissé la charge de l’entreprise de séduction active reposer sur les seuls hommes. Ils l’ont bien cherché ? Sans doute, mais à présent que nous revendiquons l’égalité, il faudra apprendre à partager ce risque. Se proposer (renoncer à la vieille commodité : « L’homme propose, la’ femme dispose »), faire les pas et les suggestions et — aie! — accepter d’être repoussée.
Je ne suis on-ne-peut-plus d’accord avec cette deuxième réflexion. Je crois que j’ai eu la chance de rencontrer, dans ma vie amoureuse, des femmes suffisamment entreprenantes pour, parfois, les voir se déclarer avant que je ne le fasse. Ce « premier pas », cette « prise de risque » qui me donne toujours le vertige. D’ailleurs, je ne vous en ai pas parlé avant, mais j’ai bien aimé – une fois n’est pas coutume – cette publicité de Lacoste qui en faisait une belle illustration littérale.
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Sortant de ses bras tu marches dans la ville, sourire aux lèvres. Cette joie du désir et de l’étreinte, comme enlevée sur l’inconsistance du monde et du temps : oui, tu as l’impression d’avoir volé quelque chose à la mort.
Je crois que j’ai, plusieurs fois ici, chanté cette joie, particulièrement vivace après une « première fois ». Notamment sur ce billet Roi du monde.
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Dans la Maison Amour, il y a plusieurs chambres — mais un unique lit. Seul terrain de la jalousie d’ailleurs. Sans doute parce que, se sentant si plein(e) de l’autre, si entièrement tendu(e) vers lui, on ne saurait envisager que la situation ne soit pas réciproque. Tu ne crois pas qu’il s’agisse là d’une volonté de possession : mais l’intensité du désir se dit par l’exclusive attention portée au Beloizo, et qu’il partage le sien entre plusieurs femmes signifierait qu’il ne te désire pas (plus) tant. L’amour, lui, connaît un autre régime, car notre cœur est assez grand pour en abriter simultanément de multiples formes.
Voilà qu’on se met à gratter dans des endroits où l’on n’est parfois pas aussi probe, parfait, intègre qu’on aimerait l’être, qu’on l’affiche parfois. La jalousie, l’exclusivité, autant de gros mots dans la bouche du libertin ou du poly-amoureux. Mais, pourtant, quand l’élan est entier, quand on est si plein du désir pour l’autre, quelle place reste-t-il aux autres ? J’en avais fait l’expérience presque brutale en 2011 quand j’avais rencontré O*** et que j’avais soudain délaissé plusieurs amantes dans les bras desquelles je passais pourtant des moments enivrants.
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Toi aussi, encore tiraillée entre les deux conceptions de l’amour, tu comprends intimement l’Adolphe de Benjamin Constant lorsqu’il déclare : « Malheur à l’homme qui, dans les premiers moments d’une liaison d’amour, ne croit pas que cette liaison doit être éternelle ! Malheur à qui, dans les bras de la maîtresse qu’il vient d’obtenir, conserve une funeste prescience, et prévoit qu’il pourra s’en détacher ! » Si intensité est le maître mot de l’amour, comment conjuguer ce savoir (l’intensité tombera) et la joie du désir à l’époque de l’amour vif ?
Voilà en effet quelque chose qui ressemble à un supplice : toucher le bonheur dans ce qu’il a de plus absolu et avoir la conscience de sa fragilité. Toi à qui je pense en écrivant ces lignes, dans combien de temps t’envoleras-tu vers d’autres rivages ou d’autres bras pour me laisser reprendre mon bâton de pèlerin, Sisyphe de la volupté…
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Ce déséquilibré (i.e. l’amoureux tout entier tendu vers un seul but particulièrement limité, comme il est expliqué en 169, NDLR), on pourrait le dire passionné. Et soudain tu te demandes si tu as une seule fois utilisé le mot de passion. Non. Pourquoi ? Mot piège. Tu dois préciser ce que tu y entends. Souvent on considère qu’il désigne une étape de l’amour, celle des débuts. Mot un peu triste alors, il exprime la puissance du désir, fatalement vouée à se dissiper. Toi, tu t’intéresses à cet autre sens, qui en fait un amour-désir furieux et surtout aveugle. Cette passion se pose sur un être qui passait, pas forcément notre genre (Odette Swann) mais « possible », et qui, requérant toute notre attention, nous évite de penser à… autre chose : ce que tu nommes la fonction dérivative de la passion. Souvent elle survient, si l’on y songe bien, dans les époques dangereuses de notre existence, quand « ça va mal », et elle représente la fougueuse irruption d’Éros luttant contre Thanatos. À partir d’une vague accroche, elle se développe comme une folie pure dont l’avantage est de reléguer à l’arrière-plan de la conscience tout ce qui, avant elle, nous mettait en danger. Tu n’y vois pas de véritable amour, qui exige l’élection d’un être et de lui seul, pour ce que lui seul est. La passion n’est pas altruiste (tournée vers l’autre), elle est narcissique (tournée vers la conservation de soi). Son bénéfice tient à ce qu’elle occupe tout l’espace mental (ne penser qu’à ça, l’avoir dans la peau), et surtout elle est affirmation véhémente du désir vital contre les forces mortifères. Ce que dit vraiment le passionné : non pas Je t’aime, mais Je ne mourrai pas.
Oh ! probablement on pourrait nuancer ce qui est dit ici, ne pas lui donner en tout cas une portée universelle. Pourtant, même si je l’aurais formulé différemment, j’ai noté moi aussi que la passion naissait dans des circonstances où, effectivement, il y avait besoin de rupture, de sortir d’une impasse. Développer cette « folie pure » pour éviter, sans doute, de s’abimer dans une folie triste.
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Un moment (les prémices), tu découvres ton désir avec joie (sa main entre tes cuisses te révèle une onctuosité). Un peu plus tard, tu as joui et tu éprouves comme un éblouissement, et aussi de la reconnaissance. Tu le dis. Beloizo s’en amuse : « Tu es toute surprise, ce n’est pourtant pas la première fois… » Ce n’est ni la première fois ni si rare, pourtant tu t’en étonnes vraiment, chaque fois. C’est qu’il ne s’agit pas exactement d’étonnement mais d’émerveillement. La sensualité n’a jamais cessé de te donner le sentiment de la merveille.
Et là, je me demande comment réagirait à ce texte les personnes chez qui la sensualité ne prend pas cette place si centrale dans ma propre vie et – je l’imagine – dans celle de l’auteur, dans celle de pas mal de mes lecteurs ici qui feront leurs ces propos ? Comment ont-ils plus se blaser de cet émerveillement ? Où ne le ressentent-ils pas ?! Je n’ai pas la réponse à ces questions.
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Contre ces croyances bientôt démodées (espérons-le, NDLR) dans le primat du biologique (instinct, hormones ou gènes) nous pourrions admettre ce qu’une intuition puissante suggère aux amants avant toute lecture des dernières revues scientifiques : qu’aucune fonction « utile » à l’espèce n’explique la multiplicité des pratiques autres que coït vaginal ; que si nous faisions l’amour pour nous reproduire, nous nous contenterions d’aboutir le plus vite possible à l’éjaculation, comme les souris ; que la culture, rendue possible par le développement des capacités cognitives, joue un rôle capital dans le développement de la sexualité humaine ; qu’enfin, pour le redire en une formule, le néocortex est prépondérant dans l’érotisme qui est, à certains égards, l’un des témoignages les plus frappants de notre liberté fondamentale.
Oui !
J’en profite pour dire, au passage, que ça m’a toujours paru fumeux, ces chercheurs qui tentent à chaque fois d’expliquer nos comportements actuels comme des prolongations d’habitudes de Cro-Magnon. Mais oui : je plonge sous la couette parce que ça me rappelle la grotte de mon arrière-arrière-arrière-grand-pépé et je te bouffe la chatte parce que c’est avec ce geste millénaire que l’on buvait l’eau à la rivière.
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On dit que lorsqu’on lui demanda à quel âge le désir disparaissait, une princesse Palatine (tu ne sais laquelle) aurait répondu : « Comment puis-je le savoir? Je n’ai que quatre-vingts ans!» Ta sœur.
Je souris et du bon mot et des perspectives que cela ouvre (ou plutôt : qui ne se referment pas).
Et pour finir…
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Autre notion qui ne t’est jamais nécessaire: la transgression. Tu y reconnais un parfum de faute qui te ramène à l’enfance du désir, quand dans nos sociétés la sexualité demeurait taboue, quand l’esprit était encore tout embrumé de croyances en l’on ne sait quelles tristes lois morales. Dommage, l’étymologie du mot est belle : passer de l’autre côté, traverser. Une promesse d’inconnu. Mais nul besoin de soufre : oui, vous franchissez ensemble des limites secrètes puisque vous vous offrez cette nudité aux autres tenue cachée et consentez à vous abandonner comme jamais dans votre existence du dehors. L’intimité, ce qui se passe entre vous, est-ce qui vous fait sentir combien vous allez au-delà de la vie ordinaire. Et n’est-ce pas ce qui vous éblouit, soudain, cette impudeur, entre vous seuls jouée? Nulle faute mais un monde de secrets dont les brûlures valent bien celles de l’antique transgression.
Voici encore un point fondamental concernant mon désir, mon érotisme, qui une nouvelle fois me fait me sentir proche de l’auteure — Ma sœur ! –, et qui là me distingue non pas de mes congénères à l’appétit de moineau (cf. extrait 176 ci-dessus) mais de ceux pour qui la transgression est un moteur puissant de l’érotisme. Combien de fois l’ai-je défendu ici ou ailleurs ?!
Voilà ! J’espère que ces seize extraits vous auront donné l’envie d’aller découvrir les deux cent trente quatre autres et, en attendant, je vous invite bien évidemment à réagir ici et à partager vos propres ressentis à cette lecture !