J’ai envie, peut-être pour me défouler, de balancer en vrac quelques réflexions après les attentats de la nuit dernière qui ont une nouvelle fois endeuillé Paris. Ça va être un billet foutraque, parce que je ne suis pas un enseignant chercheur ou un politicien habitué à structurer son discours au service de sa thèse. Peut-être parce que je n’ai pas vraiment de thèse à défendre ou que je ne sais même pas formuler celle-là. Ce sera un nouveau billet en vrac, comme celui pondu après les attentats contre Charlie et l’hyper casher (putain, j’ai failli oublier l’hyper casher).
D’ailleurs, que s’est-il passé, dans vos têtes à vous, depuis ce précédent attentat ? Avez-vous changé votre vision du monde ? Avez-vous perdu votre insouciance ou l’avez-vous retrouvée ?
Oh, moi, j’étais resté peu ou prou le même. Le lendemain de l’attentat, je faisais la rencontre d’une femme qui allait prendre une grande place dans ma vie ; alors peut-être cela avait juste un peu renforcé mes convictions hédonistes : qu’il fallait dévorer la vie toute crue et en jouir autant que possible, vu combien elle reste fragile. Et puis c’est tout. Je n’ai pas fait d’effort pour m’intéresser plus à la géopolitique (au delà des 3 minutes quotidiennes de Bernard Guetta – oui, oui, le frère de… – sur France Inter) et mieux comprendre comment tourne notre planète. Je ne suis pas allé voir dans les banlieues si je pouvais aider à y réduire les inégalités.
Ça va être un peu plus difficile – ou un peu plus long – cette fois, pour retrouver l’insouciance, parce que le nombre de victimes est sérieusement en hausse. Et les victimes sont proches. Vous connaissez la théorie des « 7 degrés de séparation » qui prétend que deux individus quelconques sur cette planète ne sont séparées que par 7 degrés au maximum (je connais X qui connaît Y qui connaît … qui connaît Z). Alors pour n’importe qui au Bataclan hier soir, je parie sur 3 degrés maximum. Pour l’instant, je ne connais personne de touché dans mon premier cercle. Deuxième cercle : un blessé – léger, ouf. – mais des amis sont toujours sans nouvelles d’amis. Le bilan va s’alourdir, je le crains, quand l’information aura circulé. Troisième cercle : un mort, déjà.
C’était assez hallucinant, sur Twitter, de voir tous ces visages circuler « avez-vous des nouvelles de … ? #Bataclan »… À chaque fois, se dire : « ouf, je ne le connais pas ». Et puis avec les heures passant : « On l’a retrouvé, blessé, à l’hôpital » ou « c’est trop tard ». Ce réseau qui s’enflammait d’une solidarité un peu vaine, des RT dans tous les sens pour essayer d’effacer ces degrés de séparation, peut-être.
Il y a des morts, beaucoup de morts, forcément trop de morts.
Mais beaucoup, vraiment ? Combien de morts du terrorisme dans nos pays pour combien de morts de l’autre côté de la Méditerranée, de la guerre ou de la misère ?
Pour un Parisien, la clope reste statistiquement plus dangereuse que la kalachnikov, alors n’arrêtez pas de fumer (enfin, vous pouvez, hein !) ni de vivre… Mais profitez de l’occasion, passée la douleur, la sidération, la tristesse, pour réfléchir à ce qui se passe en vous et ce qui se passe chez ses fanatiques.
Le septuple attentat de la nuit dernière a fait (pour l’instant), moins de morts que le crash de l’Airbus A321 de la compagnie russe Metrojet (qui a coûté la vie à 224 personnes), revendiqué lui-aussi par Daesh même si la thèse de l’attentat n’est pas confirmée à ce jour. Pourquoi est-ce que je n’ai pas été touché de la même façon ?
Chacun profite des attentats pour se renforcer dans ses propres convictions.
Je vois à l’instant un tweet qui parle de Donald Trump disant « Ah ben si à Paris, le port d’arme était autorisé, les choses se seraient sans doute passées différemment ». Mais savez-vous qu’il a raison ? Les choses se seraient certainement passées différemment. Je me faisais cette réflexion, pendant que le Bataclan était encore sous le coup de la prise d’otage. En admettant que le port d’arme soit autorisé en France, en imaginant que le contrôle de sécurité à l’entrée d’une salle de concert te laisse entrer avec ton magnum si tu déclares que tes intentions sont pacifistes. En imaginant que le ou les mecs (ou les nanas, mais c’est une façon de parler) armés ne soient pas parmi les premières victime, il y aurait pu y avoir un héros (comme le militaire dans le Thalys) qui aurait pu réduire le bilan. On ne peut pas le nier.
Mais combien de morts en plus par ailleurs, Monsieur Trump ? Bref. Tout dépend le modèle de société que l’on veut.
À droite (à droite droite), on dénonce évidemment le laxisme, les frontières sans contrôle, l’envahissement de l’Islam et j’en passe (je vous laisse vous même trouver – vous n’aurez pas de mal – les propos gerbants prononcés pour l’occasion).
Moi, à gauche, je me dis qu’on paye la désespérance des « quartiers » et qu’il est urgent de sortir de ce système où les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus nombreux (même si une p’tite statistique est venue parler d’un léger changement de tendance en France – mais le problème va bien au delà de la France).
Un témoignage plein de choses sensées, que ne doit pas dissimuler une certaine exaltation en fin d’interview. Bravo Madame Benraad d’avoir su dire toute ces choses :
Rien à voir : sur Twitter, j’ai vu un tweet incitant les utilisateurs du système GPS collaboratif Waze de ne pas signaler la présence des forces de l’ordre sur Paris.
Ah ! On veut bien des flics pour courser les terroristes, mais on veut continuer à pouvoir rouler comme des cons le reste du temps : belle mentalité !
« Je ne suis pas islamophobe mais… »
… Je pense qu’on peut quand même s’interroger sur le rôle de l’Islam dans l’islamisme. Abdennour Bidar avait écrit une tribune sur ce sujet, après les attentats de janvier : « ». Il en a fait un livre. Je vous invite très chaudement à lire sa tribune, c’était remarquablement intelligent. Moi je vais me commander son bouquin pour aller un peu plus loin.
Je ne supporte aucun racisme. Que ce soit pour des motifs religieux, de couleur ou d’origine, d’orientation sexuelle, l’intolérance à autrui, elle me débecte. Mais je me rends compte aussi combien il est plus facile pour moi d’être fraternel (oui, le troisième volet de notre belle devis) alors que je ne suis pas très égal dans notre société avec ce pauvre con nourrit de haine plutôt que de Label Rouge, qui va finir par être prêt à donner sa vie pour une cause abjecte.
N’empêche que ça me gonfle de voir des nanas cachées sous des tissus à côté de leur mec en tongs, pour être humble devant Allah, bien sûr.
Finalement, je crois que je suis un peu intolérant à autrui, quand il est intolérant, raciste, antisémite, islamophobe, sexiste, ou juste con (et ça fait hélas beaucoup de monde). Arrêtons de tolérer les intégristes de tout poil au nom de nos propres idéaux universalistes avant qu’ils (nos idéaux) ne soient anéantis par la haine qu’ils (les intégristes) auront fait germer.
Quand je vous disais que ce serait une note foutraque.