Dans notre chambre estivale, les nuits n’apportent pas tout à fait la fraîcheur attendue après une journée de chaleur. Faible amplitude de température. Comme nous n’avons pas de climatiseur, le ventilateur est indispensable.
C’est notre premier été dans cette maison, nous en prenons la mesure au fil des jours paisibles que nous y passons, toi et moi, sans enfants et – ces premières semaines – sans amis.
Nous avons rapidement dû faire l’acquisition de ventilateur, donc, puisque cette maison en était dépourvue. J’achète pour notre chambre un ventilateur muy moderno, un de ces ventilateurs sans pales qui souffle l’air depuis une structure ovale ajourée. Laquelle est également agrémentée de LED qui diffuse une lumière dont la couleur peut être changée (une sorte de blanc légèrement bleuté, et un vert, un bleu et un violet, tous dégueulasses). On s’en tient au blanchâtre. Un gadget que j’ai d’abord considéré absolument inutile, puis, après réflexion (et surtout usage), je me suis rendu compte que cette lumière pouvait être utile pour servir de veilleuse et éclairer doucement la pièce quand nous n’avons pas besoin d’une lumière plus vive pour lire, par exemple.
Ce soir, tu es d’humeur pour faire l’amour, alors je me réjouis car j’attends cela depuis quelques jours déjà. Ce n’est pas une nouveauté, en la matière ton appétit d’oiseau ne peut pas toujours répondre à mon humeur vorace. Mais j’accueille chaque opportunité avec une joie simple qui ne s’écorne pas avec les années qui passent. Aucune lassitude ne me guette.
Je ne me souviens plus de ce qui a précédé ni de ce qui a suivi, mais je me souviens de ce moment-ci. Tu t’es mise à quatre pattes sur le lit pour que je te prenne en levrette. Je me suis levé, je t’ai demandé de te rapprocher du bord du matelas pour pouvoir t’embrocher confortablement, moi debout, mains rivées sur les hanches, donnant la cadence – ferme.
C’est alors, sans aucune préméditation, que je remarque nos ombres. Au pied du lit, le ventilateur projette sur le mur d’en face nos corps emboîtés en ombres chinoises. Le spectacle n’a pas la crudité délicieuse du miroir (il y en a un, d’ailleurs, posé au sol contre un mur qui me servira un autre jour à observer ta bouche gobant ce sexe rattaché à un tronc qui pourrait, dans mon petit théâtre intérieur, appartenir à une autre personne, ou venir d’un autre temps, réminiscence ou prophétie). L’ombre est légèrement floue, d’ailleurs, puisque la source de lumière n’est pas un point concentré. Mais comme avec le miroir, ce théâtre des ombres est une opportunité pour mon imaginarium de nous fantasmer quatre, d’offrir un nouvel angle de vue sur notre coït, de le rendre encore plus obscène, de le magnifier (comme l’anglais traduit loupe en magnifying glass).