Je continue ma lecture de La mécanique des femmes de Louis Calaferte (oui, je lis doucement !) et vous livre au fil de ma lecture quelques extraits qui m’ont touché. Les intertitres sont de mon fait. Les illustrations de mon choix, bien évidemment.
Trois couleurs, nu
La porte de la chambre à peine refermée, elle se prend à danser avec une fascinante légèreté.
— Est-ce que le bleu me va ?
D’un geste insouciant, elle enlève la toque qu’elle jette au hasard par dessus son épaule et quitte son manteau, qui glisse à ses pieds.
La robe est rouge.
— Est-ce que le rouge me va ?
La danse s’accélère, tandis qu’elle se défait de la robe qui vole dans l’air pour moelleusement choir sur le parquet.
— Est-ce que le noir me va ?
Elle fredonne un air rythmé en même temps qu’elle se déplace sur la pointe des pieds, dégrafant le soutien-gorge et ôtant la culotte noire.
— Est-ce que le nu me va ?
Des mots qui ruissellent
Sa joue couchée dans la pelure des cheveux sur le traversin blanc.
— J’aime tous les mots de l’amour, pas toi ?
Finesse du bras jusqu’à l’épaule.
— Qui est-ce qui les a inventés ? La première fois que j’ai entendu bite, je devais avoir dix ou onze ans, on m’avait emmenée dans un café, j’ai eu envie de faire pipi, aux toilettes, il y avait des hommes qui parlaient entre eux. Peut-être à cause des hommes et de l’odeur, j’ai compris que ça se rapportait au sexe. Les autres mots, ce sont les hommes que j’ai connus qui me les ont appris. Par exemple, pogner au lieu de branler. C’est un mot qui m’excite. Pogne, c’est dur, c’est rude. Chaque fois, je me figure une bite bien gonflée en train de se faire astiquer.
Suçotant une mèche de cheveux.
— Est-ce que toi aussi ces mots-là te font bander ? Moi, ça m’entre profond dans la peau, ça me trouble, ça me bouleverse, la tête ne suit plus, je deviens une autre femme, une petite démone.
Illustrations : Photo © Jif 2009 : citizenjif.com / Fly away – Aeric Meredith-Goujon