Présomptueux que j’étais ! Je pensais mettre à profit cette semaine au ski pour vous écrire des tartines, finir les récits laissés en suspens, bref, préparer de quoi vous inonder de notes.
J’oubliais qu’une semaine de vacances au ski, c’est réveil tous les matins vers 7h30 (personnellement, ça fait 10 minutes plus tôt que mon horaire de boulot) tous les jours même le week-end, un certain nombre d’heures sur les planches, et des discussions philosophiques jusqu’à trop tard autour d’un vin chaud.
J’oubliais qu’une semaine de vacances au ski avec des enfants, c’est la même chose en trois fois plus complexe pour la logistique et la discussions philosophique que l’on remet à des vacances plus calmes, impatients que l’on est tous de se glisser au chaud dans son lit pour y trouver enfin le repos.
J’ai quand même trouvé le temps de finir La mécanique des femmes de Louis Calaferte dont je vous retranscris mes derniers extraits choisis.
— Tu veux que je me redéshabille ?
— Je marche devant toi, tu me regardes et tu penses que je fais l’amour.
Dans la voiture qui roule.
— Je veux que chaque homme avec qui je vais m’apprenne quelque chose. Toi, qu’est-ce que tu vas m’apprendre ?
— Dis-moi un mensonge.
— Je t’aime.
— Salaud.
Devant le petit déjeuner dans un fauteuil trop profond pour elle, le visage encore barbouillé par la nuit d’insomnie, les seins nus sous mon veston jeté sur ses épaules.
— Si j’étais très puissante, j’aurais un immense château avec des esclaves qui me serviraient chaque matin mon petit déjeuner et quand ils s’approcheraient de moi je les branlerais un peu pour qu’ils soient tous durs. Ensuite, ils s’aligneraient devant moi et je sucerais mes tartines en les regardant.
Cette après-midi en t’attendant, j’étais merveilleuse de noir et de rouge, tout en soie.
Somptueuse dans une robe courte d’un brun léger, ses cuisses découvertes à demi, la longueur nerveuse de la jambe jusqu’au pied mobile sur les pédales de la voiture dans une ravissante chaussure assortie.
— Tu as vu ce monde fou, ce soir ?
La circulation est en effet si dense qu’elle oblige à aller au pas.
— Imagine. Je m’arrête en pleine avenue et je te suce. Surtout toi qui es long à venir. Ça ferait quoi ?
Au volant, sa langue tirée.
— Dès que je pense à sucer, j’ai des fourmis au bout de la langue.
Elle écrit :
Sois une bite dressée pour moi. Je te ferai jouir de mes larmes qui, lentement, te branleront.
Et mes cheveux tout fous glissent sur tes lèvres, ton sexe, dans une immense douceur.
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Je me suis découvert, en lisant ce livre, des émotions communes avec son auteur, des divergences aussi, mais peu importe, le plaisir de la lecture ne tient pas qu’à l’identification avec les personnages, fusse le personnage (principal mais) invisible qui relie toutes ces femmes, comme un catalyseur, femmes dont on aperçoit, pour chacune une pièce – à peine un rouage – du mécanisme, obscène et fascinante. Mais surtout, ce qui ressort pour moi de cette lecture, c’est cette soif érotique signifiée si vivement par ces femmes, cette affirmation brutale de leur désir que j’avais l’impression de n’entendre autour de moi qu’en sourdine, couverte par le brouhaha des mâles (à commencer par moi) exprimant les leurs, et qui me donne envie de mieux tendre l’oreille pour n’en pas perdre un mot, la choyer, la laisser s’épanouir au sein de mes bras accueillants et, avouons le, intéressés.
Illustrations : Cristian Crisbasan, Jan Saudek, Olga Malysheva, Aeric Meredith-Goujon, Emma Nygren, Ryan MacGinley et deux autres photographes que je ne sais créditer faute de référence.