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Le repas des fauves – Nadia (3)

L’épisode précédent est ici, l’ouverture était . Pour rappel, nous sommes au mois d’août. Les décors sont de Roger Harth.

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Tu lisses ta robe, tu l’époussettes comme si tu allais ressortir. Pendant que je fais le petit nœud à la capote, le petit nœud qui me sert à ne pas oublier que j’ai joui, tu me proposes quelque chose à boire. J’opte pour un jus de fruit. J’ai chaud, j’ai soif, j’ai juste besoin d’énergie et non d’ivresse — elle est déjà au rendez-vous. Tu me tends mon verre. Je me suis assis sur un tabouret de ton bar américain. Tu vas chercher au fond de la pièce son frangin pour t’asseoir face à moi. Je suis nu, tu es encore habillée. Je te dis mon plaisir de t’avoir rencontrée, et la discussion glisse sur Internet, la faune qui y grouille, les rencontres ratées, les rencontres réussies. Et ça dérape sur tout ce qu’Internet a changé à nos vies. Vraiment n’importe quoi. Comment en est-on arrivé à parler de trucs du genre « et toi, ton matelas, tu l’as aussi acheté par Internet ? ». Nous parlons e-commerce en sirotant nos verres et ta main caresse mon sexe. « Le matelas non, mais mon lave-linge oui ». Mon sexe est mou dans ta main mais ta caresse est agréable, tendre. « — Et pour les courses, Internet aussi ? — Non, non, j’ai tout ce qu’il faut en bas de chez moi » (et c’est vrai, tu habites dans un quartier commerçant). Et d’un coup comme si l’on venait de siffler fin de la pause, alors que tu n’as rien changé à la façon dont tu branlais ma queue, elle se met à réagir, à gonfler entre tes doigts. La conversation continue mais tu t’es interrompue une seconde pour sourire. J’en étais à te raconter que je faisais mes courses en supermarché mais que, quand même, pour les primeurs et la boucherie, je préférais les petits commerces de quartier qui servaient tout de même autre chose comme qualité, quand tu as repris mon sexe dans ta bouche. Ah oui, ça t’avait un peu frustrée que je t’interrompe tout à l’heure dans ton exercice de baiseuse décomplexée, qui suce son amant comme on embrasse. Alors je me dis que je vais m’offrir ce petit plaisir sadique de me laisser faire, de voir si tu auras la patience de me sucer jusqu’à ce que je jouisse, ou si tu t’arrêteras avant. Je ne dis rien de ce défi qui restera silencieux, mais tu le relèves en t’appliquant. Tu alternes les baisers autour de mon gland, les jeux de langue et les moments où tu me pompes avec énergie, en me prenant profondément dans ta bouche. Tu me branles aussi de la main droite, tu prends mes couilles dans la main gauche et tu les remues comme ces boules chinoises à grelot. Un chouïa plus délicatement, tout de même. Pendant ce temps, j’essaye de poursuivre la conversation. Je monologue, en réalité, je te donne quelques conseils sur la façon dont j’aime qu’on me suce, je te parle des différents quartiers de Paris que j’ai habités, je détaille quelques endroits de ton corps qui me plaisent (tes seins magnifiquement dessinés, par exemple, le velours de ta peau, l’onde de tes hanches…) et de temps à autre ta bouche laisse un instant ma queue pour commenter ou relancer la conversation mais repart rapidement à l’ouvrage. De temps à autre moi même je fais silence, je lâche un râle quand ta caresse est particulièrement efficace et fait grimper mon plaisir.

Il grimpe, effectivement, mon plaisir, mais avec lui, plus forte encore, l’envie de ne plus rester passif. Je t’écarte pour descendre du tabouret, tu grognes en te précipitant sur ma queue pour essayer de la ravaler mais c’est trop tard. Je te ceinture dans mes bras et je te plaque au sol (c’est du parquet), précautionneusement (je ne veux pas casser mon beau jouet tout neuf). Je remonte ta robe. Oh… ta culotte est dans un sale état, trempée par ta mouille ; le tissu humide, plissé, se perd dans ta vulve. Salaud ! cries-tu quand je la déchire d’un coup sec (j’y pense tardivement, ce n’était pas un cadeau d’un ex auquel tu tenais, j’espère ? Si c’est le cas, c’était une bien mauvaise idée que de la porter un soir où tu me rencontrais moi). Suce-moi plutôt ! sera ma réponse et mon dernier mot car ma bouche plonge sur ta chatte et commence une apnée. Je me tortille pour approcher mon bassin de ton visage, tu te tortilles de même pour ce 69 improvisé et latéral. Je commence par laper ta cyprine. Ta chatte en déborde. J’y sens un arrière goût de latex, mais surtout une texture assez sirupeuse et curieusement à la fois sucrée et salée. Non, je crois que le goût est légèrement salé et que c’est le côté sirupeux qui me donne l’impression d’une sucrerie. Je regrette de ne pas être un tamanoir (œil bleu, œil gris, œil blanc, œil noir), que ma langue ne puisse pas aller jusqu’aux tréfonds de toi pour boire à la source cette invitation à te prendre.
Mouiller, c’est le corps de la femme qui crie qu’il veut être pénétré. Bander c’est le sexe qui se met en position pour pénétrer. La nature nous appelle au coït. Tu mouilles comme une folle, ma queue en toi glisserait comme du papier à musique.
Pourtant nous résistons à l’appel de nos instincts ; ma bouche prend tes lèvres et les aspire, ma langue glisse le long du relief qu’elles dessinent. Il y a une sacrée crevasse sur le mont de Vénus mais je suis équipé. Mon piolet s’est accroché en profondeur dans une gorge, je n’ai pas peur de la chute. C’est que tu me suces bien loin, Nadia, est-ce parce que mes petits détours sur ton clito te font onduler et gémir que tu as soudain invité mon gland à dire de plus près bonsoir à tes amygdales ? J’apprécie en tout cas la courtoisie. À gémissante, gémissant et demi. Mes deux mains étaient chacunes agrippées à une fesse. Une lâche prise pour aller se balader sur le sillon qui les partage, une pause à la case anus pour tâter le terrain. Ça manque un peu de lubrifiant, j’y reviendrai. Mes doigts continuent leur parcours. Majeur et index s’approchent du gouffre. Index encorde Majeur. Hardi ! mousqueton ! Majeur plonge, et tu te cabres. Majeur explore, et tu vibres. Majeur fouille, et stalagmite gicle, par surprise. Je convulse des cuisses au thorax pendant ma jouissance et tu as gardé mon sexe dans ta bouche. Tu peux être contente de toi, Nadia, tu as lâchement profité d’un moment d’inattention de ma part pour me faire éjaculer. Ça se paiera.
Maintenant tu peux profiter de mes caresses sans avoir à te concentrer sur les tiennes. Plus concentré sur ton plaisir, j’essaye de sentir tes réactions pour saisir ce que tu préfères : sollicitation franche du clitoris ou petits détours ? Mon majeur entre et sort, il dessine des petits cercles à l’entrée de ton vagin, il apporte à annulaire (annulaire, annulaire… le seigneur des anaux ?) un peu d’huile pour l’exploration de ton cul. Annulaire reste en surface. Pas plus d’une phalange. Tu me dis encore et je ne sais pas ce que tu veux. Encore quoi ? Encore ma langue sur ton bouton ? Encore mes doigts dans ta chatte ? Encore une autre phalange ? Dans le doute, je ne suis pas du genre à m’abstenir, alors j’y vais franco sur les trois et j’appelle pouce à la rescousse qui vient seconder ma langue. Enc… me dis-tu. La suite est un gémissement. Encore ? enconne-moi ? encule-moi ? Je me pose de fausses questions, je sais bien ce que tu veux et ça se termine par « ore ». Alors je continue. Or. Or, tu gémis de plus en plus fort. Or, tu te cabres et jouis à ton tour. De la main tu me fais signe d’arrêter. Je retire ma bouche. Je garde ma main plaquée à l’entrée de ton sexe, elle s’est presque immobilisée, ne serait-ce que quelques ondulations qu’elle continue d’avoir pour t’accompagner.

La main toujours sur toi, je me retourne pour venir t’embrasser. Tu prends mon visage entre tes mains et ton sourire, tes yeux brillants me font participer à ton bonheur. Je t’embrasse, donc, et je recommence à agiter ma main. Je me sens artisan, ce soir ; tu es belle et détendue mais du bout des doigts je veux façonner à nouveau sur ton visage la crispation de l’orgasme. Tu serres les jambes et enferme ma main en croisant ta jambe gauche sur la droit. C’est mon majeur, de toute sa longueur, qui fait son office. Première phalange à l’entrée de ton con, timides incursions, et le bout de la troisième phalange, là où on sent un relief, lui doit être pas bien loin de ton clitoris. J’accélère le mouvement. Je détache ma bouche de la tienne pour m’accroupir. Je te caresse de la main gauche les seins, les épaules, et de mes deux mains je te plaque au sol, des fois que tu veuilles m’échapper, des fois que ton deuxième orgasme qui je sens approcher te fasse décoller et que tu m’échappes, que tu t’envoles.

C’est que j’ai encore faim, moi.

Épilogue de la série Nadia


Illustration de Sara Saudková (la femme de Jan Saudek)
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