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Une infidélité à ma 106 (Toronto by day)

Cela fait une bonne heure, deux peut-être, que nous tournons en rond dans la banlieue résidentielle de *** sans trouver de retraite. Nous avions déjà fait une halte dans une impasse qu’on pensait tranquille, mais, à peine arrêtés, c’était le défilé des passants. L’envie nous prenait à la gorge et les caresses que l’on s’offrait (sa main sur mon sexe raide, la mienne perdue entre ses cuisses, sous sa jupe) ne suffisaient plus à nous contenter. Nous passons devant un hôtel, prêts à nous y arrêter, mais ça ne correspondait pas au « programme ».

N’y tenant plus, elle fait un crochet dans un petit parking, à peine en retrait d’une rue pavillonnaire apparemment déserte. Elle coupe le moteur de son monospace et en un clin d’œil se retrouve assise sur moi, à califourchon. Ses mains déboutonnent fébrilement mon jean, mes mains glissent là où elles peuvent se glisser, ce qui veut dire à peu près partout entre ses épaules et ses genoux. Mais le moment n’est plus aux douceurs et aux politesses, il est aux sexes qui s’emboîtent, aux coups de reins, aux bassins en nage. Je me tords pour attraper dans mon manteau l’unique préservatif que j’ai avec moi (j’ai bêtement laissé mes affaires dans le coffre de ma 106 à qui je fais cette infidélité et elle n’a pas encore dans son sac la panoplie de la parfaite femme adultère)… « Tu vaux de l’or, rubber-boy, ne nous fais pas un mauvais coup ! ». À peine l’ai-je déroulé sur mon sexe qu’elle vient s’enficher sur moi. C’est presque un ouf ! de soulagement que l’on pousse alors. On reste une seconde immobile (jouir de l’enfin) avant de reprendre le mouvement. Je crois qu’à cet instant, je lui souris, un sourire de bonheur crispé par la concentration. Ce n’est pas simple de faire l’amour. Il faut savoir être à l’écoute de l’autre, de son corps, agir pour que nos gestes transmettent du plaisir. Et dans le même temps, il faut aussi écouter son propre corps, ne pas se mettre en retrait, prendre, s’accaparer aussi du plaisir, accepter que ce que l’on prend pour soi n’est pas volé à l’autre.

Un enfant passe dans la rue à quelques mètres de nous. Il porte un cartable sur le dos, sans doute la sortie des classes. Je ne pense pas qu’il nous ait vus, en tout cas son regard est déjà loin devant. Il n’empêche, je ne suis pas très à l’aise.

Elle a la solution : nous allons nous glisser… dans le coffre arrière. Nous nous y faufilons en rigolant comme des gamins par la chatière qu’ouvre le siège médian abaissé. Je le relève derrière nous, car même là où nous étions, nous restions visibles.

Bien que recouverts par le toit mobile du coffre, obligés de nous tasser (il ne mesure pas plus de 60 cm de haut), nous avons une certaine impression d’espace (pour le coup, oui, ma 106 n’était pas à la hauteur). Nous pouvons en tout cas nous dénuder plus sereinement. Tandis que nos corps s’embrassent, j’envoie mes chaussures rouler dans un coin, j’enlève son pull, elle retire sa jupe, je dégrafe son soutien-gorge, elle déboutonne ma chemise. Je dois me libérer de mon jean. Dans la hâte, dans l’effusion, je ne libère qu’une jambe ; pas le temps d’ôter la deuxième, il faut vite que je la reprenne.

Dans notre cocon, suffisamment de lumière pénètre pour que l’on puisse se voir. Je profite particulièrement du spectacle pour lequel j’avais donné quelques instructions de mise en scène. Mon amante ne porte plus que sa paire de bas et sa paire de bottes (rien que de l’écrire, j’en suis encore tout ému, visiblement ému !). Ma partenaire me tourne désormais le dos. Jambes pliées, cul légèrement relevé, tête contre le plancher, c’est dans cette position que je la prends en levrette, moi-même ayant le torse incliné pour que nos deux corps ainsi emboîtés tiennent sous la courte hauteur de plafond. Il est possible que quelques passants aient pu être intrigués par les oscillations « spontanées » de ce véhicule à l’arrêt, mais nous n’en saurons rien. J’allais et venais en elle quand c’est arrivé : d’un mouvement du bassin, elle expulse mon sexe du sien et me tend sa croupe. Aucun mot prononcé, mais le message est clair et je ne me fais pas prier. Ma queue entre sans effort dans son cul accueillant. La température dans l’habitacle passe de chaude à incandescente. Je poursuis mes va-et-vient et quelque chose me dit qu’il faut enclencher la vitesse supérieure. Mes mains alors empoignent fermement ses hanches et ainsi agrippé, j’accélère la cadence et l’amplitude du coït. Je sens mon sexe gonfler, encore et encore. Je souffle, je râle, je mugis, avec moi, elle crie doucement et dans un ultime coup de boutoir, je jouis – fort – au cœur de ses entrailles. Il me faut un temps pour reprendre mes esprits. Ce n’est que maintenant que je m’aperçois que mon visage est rouge de transpiration. La sueur dégouline sur tout mon corps, mon torse, mes cuisses. Son dos creuse un sillon dans lequel elle s’écoule aussi. Je me retire (« thanks rubber-boy, you were perfect ! ») et je la serre dans mes bras. Que c’était beau. Que c’était bon. Une semaine après, je suis encore hanté par cette vision : le coffre, ses bottes, son cul, ma jouissance…

Nous ouvrons grand les fenêtres pour que se dissipe la buée sur les vitres du véhicule transformé en caisson de sudation. Nous reprenons, heureux, encore hébétés par la force de l’orgasme, la route vers un supermarché pour acheter les cartouches nécessaires aux prolongations de nos ébats.
J’aperçois un panneau. Nous étions rue de Toronto.

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