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Une brûlure de cigarette

Nous étions mercredi dans ce bar à l’ambiance si particulière, où chacun semble connaître tout le monde, et où le patron s’emploie à ce que ce soit le cas si ça ne l’était pas encore.

Je venais d’un tour à l’extérieur, après avoir pris l’air dehors – une de ces rares soirées de juin où il avait fait beau toute la journée et où la nuit nous enveloppait d’un air tiède – quand, sans y prendre garde, ma main gauche vint percuter une cigarette clandestine qui volait à hauteur de ceinture. La brûlure fut vive, je réclamais quelques glaçons pour l’atténuer, puis je n’y pensais plus.

Ce n’est que le lendemain, au bureau, que je remarquais sur le dos de ma main une cloque sombre, étonnamment indolore. Les jours passant, elle a séché, a formé une petite croûte brune qui s’est détachée un peu trop vite, laissant apparaître une peau au rose un peu sanguin. Aujourd’hui, la cicatrice est encore visible, dans une semaine il n’en restera que le témoignage de ce récit.

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Nous étions mercredi dans ce bar à l’ambiance si particulière. Je n’y suis pas allé assez souvent encore pour pouvoir prétendre faire partie des habitués, mais j’y étais accompagné par mes trois amis qui me cornaquaient et me tenaient lieu de sauf-conduit. Cela faisait à peine deux heures que j’avais fait ta connaissance ; toi, tu fais partie des habitués de ce bar, en tout cas c’est ainsi que tu m’as été présentée et c’est pour cette raison d’ailleurs que tu t’étais retrouvée, avec nous, au moment de notre rencontre en début de soirée, dans cette salle de concert où se produisait ce soir un autre des piliers du bar ! Je t’ai tout de suite trouvée très à mon goût, brune méditerranéenne typée, et je me suis amusé d’apprendre que ton prénom était le même qu’une des égéries de l’intégration au PS (elle aussi tout à fait bandante).
Avec ma bande, nous carburions au mojito. Il faut dire que le mojito, là-bas, était particulièrement savoureux1 et on s’en est chacun enquillé trois. De ton côté, tu es restée beaucoup plus sobre, tu t’es contentée d’une ou deux Corona. Nous avons devisé sur l’inintérêt de cette bière insipide, tu étais d’accord, mais le lendemain, disais-tu, tu avais des échéances professionnelles et tu voulais rester aussi fraîche que possible. Nous avons parlé ciné, constaté quelques points communs.

Puis, le concert terminé, nous nous sommes tous mis en direction du BAR. Tu as accepté sans crainte d’être ma passagère sur mon scooter Le trajet fut badin, d’autant que nous le faisions à côté d’un autre scooter transportant un couple d’amis – chauds comme la b(r)aise. Là bas, la soirée a retrouvé son rythme, nous discutions les uns avec les autres en avalant un morceau. Pour ce qui est de boire, j’étais passé à l’eau. De toute façon, dans ce bar, hélas, le mojito est nettement moins intéressant, et je comptais en rester là où j’en étais ; au delà, j’aurais perdu le contrôle et le plaisir de l’ivresse maîtrisée.
À un moment assez avancé de la soirée, je suis sorti te rejoindre dehors où tu discutais avec d’autres ; ça parlait cul, ça parlait couple. Tu m’as interrogé sur ma situation, j’ai hésité ½ seconde pendant laquelle je me suis dit « Eh merde ! c’est foutu ! » et comme je n’avais pas envie de te baratiner, j’ai raconté ma situation, mes 18 années de fidélité infidèle, et la liberté conditionnelle fraîchement négociée à laquelle j’avais droit aujourd’hui. Je n’ai pas eu la présence d’esprit de te retourner la question, je ne sais donc pas si tu es en couple, amoureuse, ou juste butineuse…
Il était plus d’une heure du matin quand tu annoncé ton départ pour de bon. S*** m’a intronisé cavalier pour te ramener chez toi. « Il chevauche très bien ! » a-t-elle lancé, rieuse, et nous revoilà pour la deuxième fois de la soirée serrés l’un contre l’autre sur mon scooter fendant la douce nuit parisienne, bavardant tranquillement tandis que tu me donnais les instructions pour arriver jusqu’au pied de ton immeuble. Là, assis sur mon scooter pour le maintenir en équilibre tandis que tu en descendais, j’ai coupé le moteur, ouvert le coffre arrière pour que tu y ranges le casque passagère et enlevé le mien pour pouvoir t’embrasser. Je n’ai pas eu le temps de gamberger, tes lèvres sont venues directement se coller sur les miennes et nous nous sommes longuement très embrassés avec fougue2. Sentir dans ta bouche le goût du tabac m’a renvoyé loin en arrière, vers un temps oublié où je sortais avec des fumeuses. Et puis ce baiser, c’était bien plus qu’une madeleine d’amours enfuies ; c’était la promesse d’une liaison nouvelle, c’était le shoot de l’inattendu, c’était le plaisir d’une rencontre dont le modus operandi ne suivait pas mon sentier battu des rencontres par Internet, c’était sentir ton désir et le mien qui se répondaient…
J’ai proposé de garer mon scooter pour être plus libre de mes mouvements, ce qui fut fait : béquille (en pleine forme, la béquille, j’en avais même deux : une toute neuve sous mon scooter et une toute vibrante sous mon boxer), cadenas en U sur la roue arrière, casque et gants sous la selle ; j’étais prêt à te suivre chez toi mais notre flirt a d’abord repris sur le trottoir. Sans le souci du qu’en-dira-t-on, je t’ai plaquée contre le mur – tu m’as fait remarquer que c’était le mur d’une église mais il aurait fallu que je fasse preuve d’un peu de foi pour être plus excité que je ne l’étais déjà par la situation –, j’ai relevé ta jambe pour plaquer plus fort encore mon bassin contre le tien, presser mon sexe contre ton pubis, et sentir tes ondulations ponctuées de soupirs. J’ai relevé l’autre et, mes mains sous tes cuisses, je te portais à bout de bras pour exagérer plus encore notre simulacre de copulation impudique.
Aussi, j’ai glissé mes mains sous ta chemise pour sentir le grain de ta peau, la finesse de tes hanches.
J’ai ôté la pince de tes cheveux pour plonger ma main dans ta chevelure brune et t’attirer plus fort encore vers ma bouche.
J’ai plaqué mes mains sur tes fesses, et une petite claque m’a même échappé par inadvertance.
J’ai hasardé une main maladroite vers ton sein gauche, sans réussir à en sentir le volume (plutôt petit, m’a-t-il semblé, mais tu n’as pas su que les petits seins avaient justement ma préférence).

Je t’ai proposé de m’inviter chez toi pour y être plus confortables, mais tu m’as dit que ça n’était pas possible ce soir et je n’ai pas insisté ni cherché à savoir quel obstacle se dressait sur le chemin de la consommation immédiate. J’avais très envie de te faire l’amour, pourtant. Ce fut une déception vite ravalée toutefois, il fallait juste que je sois un peu plus patient et que j’attende quelques jours que je sois disponible à nouveau et que l’obstacle invisible fut levé.

Nous avons continué notre flirt d’adolescents enfiévrés un moment, sans qu’aucun passant ne viennent doubler notre impudeur d’exhibitionnisme. Et puis j’ai pris congé de toi avec un dernier baiser après avoir consciencieusement noté ton numéro de téléphone doublé de ton adresse de messagerie. Je t’ai regardée disparaître derrière la porte de ton immeuble dont j’ai noté le numéro, j’ai enfilé mon casque et j’ai pris la direction de ma banlieue, un sourire sur les lèvres et le cœur chantant. Arrivé chez moi, je t’ai envoyé un SMS doux et brûlant, pour te rassurer sur le fait que j’étais bien arrivé (dès fois que tu t’en sois inquiétée) et surtout pour que, toi aussi, tu puisses enregistrer mon numéro de téléphone, et tu y as répondu tout de suite en disant ton émotion vibrante et ton envie de me revoir vite.

Deux jours plus tard, je t’ai envoyé un courriel, pour te proposer qu’on se revoit le mercredi suivant, et tu n’as pas répondu.
Deux jours après, je t’ai envoyé un SMS pour m’assurer que tu avais bien reçu mon message, et tu ne m’as pas répondu.
Une semaine plus tard, je t’ai envoyé un dernier texto pour te dire juste mon envie de te revoir, et tu ne m’as pas répondu.


  1. Angostura rocks! Certes, le mojito authentique n’est pas censé en contenir, mais à mes papilles, seul le résultat compte.
  2. Avec fougue, ça veut dire avec la langue et aussi avec nos mains et le reste.
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