Quand je repense à notre histoire, me reviennent fréquemment les images des lieux que nous avons traversés lors de notre bref séjour en vallée de Chevreuse au mois d’août. Il y a bien sûr bien d’autres endroits qui accompagnent mes souvenirs : ton ancien appartement, la ville d’Honfleur, quelques unes des chambres d’hôtel qui ont jalonné notre romance, cette garçonnière nichée dans un incroyable Montmartre sauvage et secret, tous lieux chargés de souvenirs brûlants, dont le récit serait bien plus croustillant que ces photographies mentales d’une lointaine banlieue parisienne assoupie dans la torpeur estivale. Et pourtant, elles s’invitent souvent au premier plan de mon diaporama mental.
Ce plan d’eau, pompeux et baroque (on y voit bien la patte de Ricardo Bofill) à Montigny-le-Bretonneux le long duquel nous nous avons erré main dans la main en attendant que cuise notre pizza cheesy crust.
Le parking sur la place devant supérette de je-ne-sais-plus quel bled, où nous sommes allés acheter de quoi nous faire une cuisine sommaire, après avoir renoncé à trouver une table pour nous accueillir avec nos horaires décalés par trop de siestes crapuleuses et le sommeil dans laquelle était plongée cette région peu touristique au cœur de l’été.
Les rues de ce hameau où tu nous avais trouvé un gîte avec un étonnant lit rond et une pelouse où il était agréable de somnoler, parcourues en long et en large (ce fut rapide) à la recherche d’une boulangerie dont il fallut se résoudre à l’absence.
Ces images témoignent d’un temps à part dans notre histoire, d’un temps étiré où nous n’avions pas à compter les heures qui limitaient toujours trop cruellement (« il en faudrait toujours un petit plus pour que ce soit assez ») nos autres rencontres. Il avait comme un avant-goût d’une vie à deux que nous ne partagerons pas.
Ce sont des images qui me sembleraient tristes, mornes, fades, s’il n’y avait ta présence à mes côtés. Je leur trouve un goût doux-amer et mélancolique.
Parfois on se demande si le scénario de « eternal sushine of spotless mind » n’avait pas un sens… quoique … faire abstraction de souvenirs même quand ils sont douloureux n’est pas forcément la meilleure voie à suivre. D’ailleurs c’est celle que tu ne suis pas.
Je doute que votre deuil soit fait.
Longtemps et encore aujourd’hui, je suis repassée sans fin, parce que c’était mon parcours quotidien, devant le cinéma où nous sommes allés voir un film presque par erreur, la brasserie où nous avons mangé des moules frites, la rue tranquille où il m’a pris familièrement le bras, comme une promesse d’un couple que nous ne serions jamais, nous non plus… La plage éblouissante, battue par le Mistral. Son quartier, sa rue… L’épicerie où, parce qu’il avait la grippe, je suis allé acheter des oranges pour lui faire un jus de vitamines… Longtemps, j’ai eu mal. Encore un peu parfois… Il est toujours là… Je ne peux pas m’en empêcher. C’est délicieux et c’est douloureux. J’attends que ça devienne juste un joli souvenir que je raconterai en filant la laine, le soir au coin du feu… (nan! j’déconne…).
@ tomas » En ce qui me concerne, ce ne sont pas les souvenirs en tant que tels qui sont douloureux ; au contraire, je suis plutôt content de les avoir avec moi (« Se souvenir des belles choses » rappelait un billet lu récemment), c’est plutôt l’idée qu’ils sont les derniers d’une série qu’on aurait souhaitée plus longue :-)
@ judieK » Vous avez raison d’être sceptique, je me suis pris une petite réplique (au sens sismologique) il y a une dizaine de jours. Mais j’ai encore beaucoup de choses à raconter autour d’O*** et ce n’est pas forcément signe de deuil fait ou pas (je parle encore régulièrement de J***, de L***, sans doute pas de la même façon il est vrai mais les souvenirs d’il y a 6 ans n’ont pas la même vivacité que les souvenirs d’il y a 6 mois).
@ marieh2o » Délicieux et douloureux, voilà… (J’en profite pour dire ici, parce que je n’ai pas commenté là-bas, que j’aime beaucoup ce que tu racontes sur ton burp, la Sardine ;-)
Thanks Cui!
c’est un peu comme quand on regarde des photos d’avant et qu’on caresse le papier machinalement ( bon avec le numérique c’est mort tout ça) et le regard un peu dans le vide…
Ne les endors pas trop tes cartes postales hein? même si elles te pincent le coeur.
Des bisous
Oh oui ! Racontez nous encore O***…
Ce qui me faisait penser que vous n’aviez pas fait le deuil n’est pas dans l’évocation des souvenirs mais la façon de le faire.
A propos de L*** ou J*** (désolée je ne sais plus laquelle), il me semblait également que vous n’aviez pas fait le deuil quand vous évoquiez certains aspects de la relation. Je ne vous en dirai pas davantage car il je ne me souviens plus s’il s’agit de propos tenus en off.
Décidément j’ai la mémoire qui flanche…
Oh la la…
Quel bel article…
S’il n’y avait ps la pizza cheesy crust (c’est quoi???) et le mot « bled », je me serais crue chez Flaubert :)))
@ marieh2o » C’est sincère :)
@ dita » Ah oui ? Même du temps de l’argentique, je ne caressais pas les photos. Mais je saisis l’idée (et je n’oublie pas le passé même si je vis surtout pour le présent).
@ judieK » Je pense que le récit où je m’adresse à O*** en la tutoyant participe à cette impression que vous avez (mais, comment dire, c’est souhaité !).
Je pense que vous faites référence à L***, pour qui le désir n’est toujours pas mort, plusieurs années après notre séparation, et à chaque fois qu’on se croise, il y a une tension particulière…
@ Anna » La cheesy crust est une sorte de fille honteuse entre la pizza et le cheese naan. Tu peux ne pas connaître et survivre. L’inverse n’est pas sûr.