Site icon Comme une image

La chatte sous un toit brûlant

J’ai découvert V*** sur la toile quand je faisais mes débuts de burpeur, en 2006. À l’époque, nous partagions le même hébergeur, haut & fort, et sans doute pour des raisons solides mais que j’ai aujourd’hui oubliées, il en était de même pour une bonne partie de « ma » burposphère telle qu’elle se dessinait alors. Clic, clic, clic, il suffisait de quelques sauts de souris pour trouver d’autres univers connectés aux nôtres – connectés par des contenus similaires, j’entends. J’ai été tout de suite sensible à la force érotique qu’elle dégageait, certainement parce que c’est quelque chose que je ne rencontrais pas souvent sur les burps, a fortiori chez une nana. V*** me semblait alors un petit animal sauvage, un concentré d’énergie, d’énergie sexuelle et solaire, inapprochable et, de fait, inapproché de moi.
Comme la miss était du genre exhibitionniste et pas prude, elle nous livrait de nombreuses images, suffisamment trafiquées pour conserver son anonymat, et suffisamment explicites pour nous donner la trique. Je lui faisais des « coucous », des « eh ! V*** ! T’as vu, chuis là ! » mais sans doute ma mâchoire béante d’où s’écoulait un filet de bave concupiscente n’éveillait en elle qu’un intérêt poli.

Je suis d’un genre fidèle, vous savez. Quand j’aime un jour, j’aime pour toujours. Mon lecteur RSS s’encombre d’une rubrique in memoriam où s’empilent les burps morts, plus alimentés, mais pas encore éradiqués de la toile, dans l’espoir vague qu’il en émerge un jour ou l’autre, signe de vie. Et cela arrive parfois. À chaque fois que V*** repointait le bout de son nez, j’étais là pour lui dire « Ô ma reine, vous avez un joli nez », et parfois Cléopâtre m’accordait-elle un sourire, me faisait l’honneur d’une visite sur mon burp, toujours avec un mot aimable. La classe !

Ce fut une sacrée surprise quand, après un énième appel du pied lancé plus pour coller à ma réputation que dans l’espoir de concrétiser quoi que ce soit que je sentis le petit animal sauvage s’approcher et me renifler de très près (ces bêtes-là ont un odorat fort développé et pas la moindre pudeur qui les retiendrait de me flairer au niveau de l’entre-jambes). Sans m’en rendre compte, j’avais fini par l’apprivoiser. Pour renoncer à ma métaphore exupérienne et m’approcher plus de la réalité, nos routes presque parallèles avaient fini par se rejoindre.

Le rendez-vous fut donc posé dès que possible, sur le créneau le plus large qu’il nous fut aisément possible : une pleine après-midi. Nous nous étions mis d’accord :
J’allais la recueillir à la gare, nous déjeunerions au restaurant puis GOTO hôtel (½ RTT posée pour la circonstance).

▪ ● ▪

J’arrivais à peine à y croire. Six ans après sa découverte, j’allais rencontrer cette icône de l’éroburposphère, ce Graal du cul ! Régulièrement, à la perspective de ce rendez-vous que j’avais avec elle, je sentais mon sexe se gonfler par anticipation de cette rencontre. Excitation qui se teinte de stress, le jour J, alors que je suis toute la matinée en réunion avec mon nouveau chef (qui est déjà stressant en soi).
Je suis traversé par la crainte que ce stress me fasse secréter une sueur âcre, comme cela m’arrive parfois, mais cette crainte est tempérée par une sérénité, celle qui m’a portée jusqu’à V*** et qui ne m’a pas quittée, cette quasi-certitude que nous serions compatibles.

Mon interminable réunion touche enfin à sa fin et je filer au parking enfourcher mon scooter pour rejoindre la gare de Lyon. Son TGV a juste le retard qu’il faut pour qu’aucun de nous deux n’ait à attendre l’autre.
Quelques minutes nous séparent de l’impact, je parcours le hall des pas gagnés à la recherche du point de rencontre négocié par SMS. J’aperçois une silhouette menue, qui me sourit. Ce fut d’abord un choc de la découvrir le crâne presque nu, d’autant plus que – ne me demandez pas pourquoi : je ne sais pas à la suite de quoi ! – je l’imaginais frisée, ressemblant à une Mylène Farmer jeune. Certes, il y avait eu dans un de ses messages une allusion qui m’avait fait supposer qu’elle pourrait avoir les cheveux courts, mais je ne m’attendais pas à si peu. Pendant une minute, j’espère que je ne laisse pas transparaître cette déception de la trouver moins immédiatement séduisante que je ne l’espérais. Et puis cette crainte se volatilise très vite, parce que je suis toujours porté par cette foi inébranlable – elle – en notre compatibilité. (Et puis, d’une certaine manière, une autre amante – A*** – m’avait préparée en me permettant de constater qu’une femme pouvait être très charmante1 tout en ayant les cheveux très courts.)

La question est maintenant de savoir si je me vois plus dans le rôle de l’alien ou du petit singe.

Je ne me souviens plus de la teneur des premiers propos que nous avons échangés, et pourtant c’était la première fois que j’entendais sa voix et elle la mienne. Nous nous étions lus, d’abord, écrit, ensuite, nous avions scellé un pacte pour nous envoyer en l’air sur la seule foi de notre connaissance on-ne-peut-plus désincarnée sur ce que nous étions à l’intérieur. Et nous voilà brusquement confrontés à nos enveloppes physiques. Il faut pourtant trouver autre chose à dire que « Salut ! c’est bien avec toi que j’ai prévu de baiser toute l’après-midi dans une chambre d’hôtel ? » alors on trouve autre chose, on parle du restaurant qu’il va falloir trouver, où l’on avait prévu de commencer à s’apprivoiser l’un l’autre, du scooter garé par là, de la météo ou de la ponctualité de la SNCF.

Quelques minutes plus tard, elle est donc casquée, derrière moi, ses mains me ceinturent. Sans qu’elle se serre ostensiblement contre moi, je sens tout de même sa confiance, son désir… et j’apprécie sa douce présence.
Tout en conduisant, je joue les guides touristiques en espérant ne pas avoir trop l’air du parigot déballant sa science à une provinciale comme si elle mettait pour la première fois les pieds à Paris. « Ici, la dernière vespasienne de Paris ! »

Nous jetons notre dévolu sur un restaurant italien où nous nous installons, seuls, en terrasse. Le restaurant est presque vide et je crains que ce ne soit une gargote mais nous n’avions pas envie de passer des heures à chercher une table. Et puis il s’est avéré plus que correct. Nous avons pris le temps de déguster nos plats et de faire un peu plus connaissance, en allant au delà de ce que nous racontons l’un et l’autre sur nos sites respectifs, même cet échange me permet de réaliser que la femme en face de moi était celle que j’imaginais, sans artifice (et je formule le vœu qu’elle ait eu un sentiment analogue), entière, mais avec un visage, un corps… Que j’étais de plus en plus impatient d’enlacer…
L’heure tourne en effet, et nous avons faims de nourritures plus… disons… spirituelles. Nous chevauchons à nouveau mon scooter pour gagner un petit hôtel Porte d’Orléans qui s’avèrera tout à fait honnête pour nos activités malhonnêtes. Pelotage presque trop évident dans l’ascenseur. Découverte de la chambre avec vue sur les toits parisiens, et dans un coin on aperçoit ce que je sais être un vestige de la ligne de chemin de fer Petite Ceinture, un autre joli endroit de « mon Paris » que j’aurais aimé lui montrer en reprenant ma casquette de guide.

Assez vite, nos corps sont nus. Et puis assez vite mon sexe dans le sien ; nos sexes s’emboitent parfaitement. J’avais parlé ici de cette amante qui s’était presque étonnée que je lui propose un missionnaire pour démarrer nos ébats, et m’avait tourné le dos pour que je la prenne en levrette. V***, à l’inverse, veut surtout un face à face, et sentir ma poitrine sur la sienne. Je fais de cette attente mon envie, et je me sens porté par une volonté de ne faire quasiment qu’un avec l’autre. Mes bras se glissent sous son dos, sous ses fesses, et l’attirent vers moi plus fortement encore. Ma main qui remonte arrive sur son crâne garni d’un léger duvet de cheveux, et se surprend à trouver cette caresse agréable, comme si elle me rapprochait d’elle au plus intime. J’y reviendrai souvent, avec bonheur, dans cette après-midi.

Nous venons de sortir de l’épisode caniculaire de cet été parisien mais la chaleur est encore là. Les rideaux sont tirés, non pour nous dissimuler d’éventuels regards (au contraire, cela nous chagrine presque de ne pas nous exhiber) mais pour éviter au soleil de nous cuire plus encore. Quelques douches s’avèreront nécessaire pour faire baisser un peu la température et éviter de couler une bielle ; nous tournons tous les deux à plein régime, insatiables. Je ne me lasse pas de plonger entre ses jambes pour baiser son sexe doux. Ma bouche dévore tout, ma langue s’immisce dans chaque repli de sa chair vibratile et va interroger son œil qui palpite. Sa bouche dévore tout, tète mon sexe avec gourmandise, glisse sur ma hampe et gobe mes couilles, excite mes tétons, viole ma bouche.

Plus tard.

Allongée sur le lit, je viens de la lécher, j’enfile un nouveau préservatif et je viens me loger dans sa chatte. Elle passe ses bras autour de mes épaules, je saisis ses hanches, l’embrasse, et avec obstination, je déclenche mes coups de reins pour aller chercher au plus profond des sensations délicieuses qui irradient mon gland conquérant.

Plus tard.

L’après-midi touche déjà à sa fin et le moment approche où nous allons devoir quitter cette chambre pour qu’elle prenne le train du retour. Aucun de nous deux n’est rassasié. Je me caresse, pour elle, et elle me rend la politesse. Mon orgasme est capricieux, fuyant. Je crois l’apercevoir, pars à sa poursuite, et le voilà qui m’échappe… Je soupire, repars à sa recherche. Je la caresse en même temps, je lui dis comme elle m’excite. Je lui glisse à l’oreille « la prochaine fois, je t’encule » et c’est comme si je venais de faire sauter son transfo.
Nous jetons là l’éponge. Le prochain round, ce sera pour plus tard, un jour incertain. Une douche rapide, nous nous rhabillons. Ça n’était qu’une chambre d’hôtel, avec vue sur les toits de Paris, c’était une chambre comme un autre à notre arrivée ; c’est un lieu rempli de nous que nous quittons. Sur cette carte postale de ma mémoire secrète, une légende « Ici, V*** et J***, burpeurs, se sont rencontrés le 16 août 2012, ont baisé, et c’était bon ».

J’ai craint que nous soyons un peu ric-rac pour attraper son train, mais finalement, nous avons le temps de nous poser et de nous dire proprement au revoir. Une dernière cochonnerie (gentillette) dans l’escalator de la gare… Les adieux traditionnels sur le quai, badins, accompagnés de la frustration que ce soit déjà fini et l’inquiétude, légère, de ne pas savoir quand aura lieu la prochaine fois… Et elle me fait disparaître avant le départ du train, sans doute pour se retrouver  et ne pas me voir agiter un mouchoir blanc sur le quai.

Je rentre ensuite chez moi remonté comme un ressort d’une excitation qui n’est toujours pas retombée. Je suis à peine arrivé que je dois passer à table ; juste après le dîner, enfin, je peux aller me branler pour calmer un peu mes ardeurs mais le soir, comme les jours qui suivent, l’envie qui ne me quitte pas de baiser, accompagnée de la crainte de ne pas retrouver dans mes prochains ébats la même intensité.

▪ ● ▪

Elle m’a demandé quelques jours plus tard ce que j’avais pensé, quand nous étions ensemble, et ceci fut peu ou prou ma réponse :

Ce qui se passait dans ma tête ? Ma foi, pas grand chose que tu n’aies pas entendu ou senti. Du désir, du plaisir, de la gourmandise… Du naturel. J’étais bien avec toi. J’étais bien en toi. Et puis je sentais que tu en avais tout autant que moi, du plaisir, du désir ; j’avais l’impression que nous étions deux artistes répétant pour la première fois ensemble leur numéro, et étant immédiatement accordés. Pas de fausse note. J’aimais ton corps souple et mince qui me faisait me sentir plus puissant encore (oui, tu m’as fait me sentir « viril » – même si ce n’est pas une sensation que je recherche, n’ayant aucun besoin d’être rassuré sur ce sujet, et assumant très bien mon côté féminin – mais j’ai aimé me sentir ainsi avec toi). Ému quand tu me demandais de me coller à toi, pour (j’imagine) sentir mon corps peser sur le tien, approcher de la fusion…

Oui, j’ai aimé cette complicité que nous avions tous les deux, que je n’ai pas sentie s’éloigner une seconde, pour preuve la facilité avec laquelle nous avons parlé d’ondinisme et poursuivi, dans la foulée, les travaux pratiques (ce n’est qu’un exemple, pas forcément ce qui m’a fait le plus vibrer dans ce que nous avons vécu ensemble, mais sans doute un sujet délicat, révélateur de la grande confiance en son partenaire qu’il demande pour l’aborder).


  1. Oui, c’est un euphémisme pour bandante !
    Quitter la version mobile