[1502] Le fil du souvenir

Hier fut, irrémédiablement.
Je m’accroche au fil de ce souvenir pour inventer un demain qui, bien sûr, ne sera pas. En tout cas, pas comme je le projette. Je ne suis pas une Parque filant le destin.

Lis-moi, non pour qu’advienne ce que je projette, mais pour t’emplir de mon présent, de ce rêve qui m’habite (oui, lol). Je rêve que cette envie, qui vibre et résonne en moi, se propage par tes yeux au fond de ton ventre. Je me rêve, avec mes mots, faiseur de prophéties autoréalisatrices.

Peut-être faudrait-il que j’égorge un coq noir, que je psalmodie une incantation au centre d’un pentagramme tracé à la craie sur lequel, à la pointe de chaque branche, vacille une bougie, que je trouve chez quelque sorcière un philtre dont, minutieusement, j’injecterais quelques gouttes dans chaque chocolat de ce grand faiseur avant de te les offrir.
Mais je ne crois qu’à mes mots, et à leur pouvoir érodé.

Ensuite

Nous sommes dans cette chambre d’hôtel où nous fûmes jadis. Existe-t-elle, est-ce un mélange de plusieurs endroits visités, dont les murs ont vu nos scènes primitives, en frissonneraient peut-être si je les caressais en quémandant qu’ils en invoquent le souvenir. Il y a ce grand lit, peu d’espace avant les murs, comme dans la plupart des hôtels parisiens, et en face, la salle de bain dans un couloir.

Je me souviens.

Je t’avais, avec une laisse, amenée jusqu’aux toilettes pour que tu y pisses, privée de toute intimité. J’avais adoré ce jeu, répété ensuite, amplifié, fétichisé. Était-ce bien ici qu’il advint la première fois ? Peu importe.

Était-ce là, encore, que j’avais martelé tes fesses, de ma main rude, sans doute, m’aventurant dangereusement sur la frontière de tes limites, m’y brûlant quelques plumes autant que ton cuir ?

Toujours est-il que nous ne sommes plus hier. Nous sommes demain.
Le dispositif n’est pas tout à fait le même. Que portes-tu ? Ça n’a pas d’importance dans mon imaginarium surchauffé, mais instancions une tenue. Ce sera une simple paire de bas nylon noirs, suspendus par un porte-jarretelles de la même couleur. Rien d’autre. Ou peut-être : deux jolies boucles d’oreilles qui brillent dans l’obscurité, quelques bracelets dorés, gênés par la contrainte de cuir qui ceint ton poignet, que je n’ai pas enlevé pour profiter du tintement discret qu’ils produisent quand je te manipule – c’est le mot.

Tu portes donc ces cinq contraintes : deux aux poignets, réunies par un mousqueton, deux aux chevilles et ce collier de cuir qui serre légèrement ta gorge. Tu es agenouillée au milieu du lit, les jambes écartées, tes fesses posées sur tes chevilles. Ça n’est pas si confortable. Tes mains, jointes par le dispositif sus-cité, sont au-dessus de ta tête. Une chaîne de métal, qui passe au plafond au travers d’un anneau imaginaire, te contraint à avoir tes bras dressés, dans une position que tu ne pourras pas tenir trop longtemps. Il faut bien que le corps exulte. Il faut bien que le sang circule.

Moi, je tourne autour de toi, ma proie, mon rêve, mon envie, mon royaume. Mes yeux se repaissent de tous ces détails qui font ce que tu es : la ligne de tes seins, la courbe de tes fesses, la finesse de tes lèvres, ton sourcil moqueur et ton regard mutin qui trahit une pointe d’inquiétude. Ma main vient caresser ton corps ainsi offert ; je me délecte d’un index inquisiteur qui vient se glisser entre les deux globes de ton cul, de ma paume soupesant puis malmenant ton sein, de mes doigts tendus qui viennent, vicelards, éprouver la finesse de la peau de tes aisselles – et leur sensibilité aux chatouilles. Et puis, sans jamais m’en lasser, je promène aussi mes mains sur le nylon de tes jambes, m’attachant, plus fortement qu’avec n’importe quelle chaîne, à la ligne exquise que dessinent tes pieds dans leur gangue fluide.

J’ai aussi, dans la main droite, ce martinet que je t’ai offert et dont je soupire depuis des semaines, des mois, des années, que ses lanières cinglent sur ta peau veloutée. So be it!
Je claque, donc, je fouette, j’assène, j’imprime, j’épouse, je voltige, je mords, je corrige, je lèche, je souffle, je brûle, je griffe de tous mes tentacules de cuir tes chairs frémissantes et je finis par le voir, ce petit traitre, cette balance, ce fil fragile et merveilleux que tu tisses depuis ton ventre, ce petit filet de mouille qui s’échappe de ton con, qui flatte déjà mon orgueil et bientôt mes lèvres avides.

Une femme nue qui jouerait à Tarzan entre les arbres

2 gazouillis sur “Le fil du souvenir”  

  1. #1
     
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    Rose a gazouillé  :

    Comme elle t’inspire… elle ou ta nostalgie.
    La nostalgie à ça de beau que, dans notre présent, elle nous reconnecte à ce qui n’est plus.
    En brouillant la temporalité, on réduit l’écart entre hier et aujourd’hui.

  2. #2
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @Rose » C’est l’exploration d’une zone de brume, souvenirs, projections, revisitation du passé… peu importe en fait, au finale, c’est la musique de mon cerveau aujourd’hui, comme tu le dis, qui m’emporte…

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