[68] Ça n’est pas de ta faute

Ça n’est pas de ta faute.

Sûrement pas non plus celle de ta chatte si avide de ma queue.
Pas non plus celle de ta bouche qui réclamait la mienne.
Pas non plus celle de ton cul que tu m’as offert avec le reste — si, si, Monsieur, vous pouvez aussi visiter cette pièce.

Ça n’est pas de ta faute.

Sûrement pas celle de nos rendez-vous du dimanche quand nous allions au cinéma (c’était autre chose que Le film du dimanche soir à la télé), nous tripotant comme des adolescents (ou plus précisément, rattrapant enfin le temps perdu de nos adolescences solitaires, il n’est jamais trop tard) lorsque le film ne nous captivait pas assez.
Pas non plus celle de nos déjeuners du mardi, très sages, où l’on discutait boulot, politique, cul et sens de la vie ; des morceaux de temps qui faisaient presque de nous un couple ordinaire.
Pas non plus celle de nos rendez-vous improvisés, qui me donnaient l’impression d’être un gamin qui file en cuisine voler du rab’ de dessert.

Ça n’est pas de ta faute.

Non, sûrement pas celle de ton corset que j’aurais voulu t’offrir, mais que tu as tenu à payer de tes deniers ; j’aimais son rouge sombre ; j’aimais tirer sur les lacets jusqu’à ce que tu me dises c’est assez (c’est drôle, non ? corset, baleines, cétacé. C’est pour détendre l’atmosphère).
Pas non plus la faute de ce vibromasseur avec lequel je t’ai fait jouir plusieurs fois. J’aimais être la main de ce plaisir qui aurait pu être solitaire.
Pas nous plus celle de ce gode violet que je t’avais demandé d’enfoncer vivement dans mon cul, impatient que j’étais que tu me violentes, impatience que je vais encore devoir ravaler … jusqu’à quand ?

Ça n’est pas de ta faute.

Vraiment pas non plus la faute de ces messages qu’on échangeait sans arrêt. Des SMS qui me démangeaient les pouces dès que j’avais un instant à voler et que mon cerveau pensait à toi — c’est à dire souvent.
Pas la faute de ces photos et ces petites vidéos indécentes que nous avons pris ensemble.
Pas la faute de ces deux soirées que nous avons passées à trois, ni tous ces autres fantasmes que nous aurons eut le temps de mettre en scène, avec gourmandise et joie lubrique.

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Non, c’est ma grande faute à moi, ma maxima culpa.

Ma faute d’avoir creusé à coup de bite depuis 6 ans la tombe de mon couple — et aujourd’hui encore je ne sais pas si je veux rester vivant ou m’enterrer avec.
Ma faute d’avoir pensé qu’on pouvait jouer impunément avec ses amantes, juste pour combler ce manque d’érotisme dont je pâtissais depuis 7 ans, que ça ne ferait que rééquilibrer ma vie, et rien d’autre. Ma faute de ne pas m’être rendu compte qu’avec toi, ce n’était pas seulement différent des autres en intensité, mais qu’intrinsèquement, c’était différent ; contrairement aux autres, tu n’étais pas une femme en couple à la recherche, comme moi, de frisson, mais une célibataire qui attendait l’amour — et je t’en ai donné. Ma faute d’avoir pensé que vouloir que ce soit possible suffise pour que ça le soit.

Ma faute si maintenant je me retrouve face à ce grand vide, à la croisée des chemins.
Mais quel chemin emprunter quand on est persuadé que celui du bonheur est désormais derrière soi ?

[66] Hommage à Jacques Lanzmann

Il sera mort quelques semaines avant la sortie du film qui lui doit tant.

Surtout connu du grand public pour ses chroniques mondialistes avant l’heure dans l’hebdomadaire VSD, Jacques Lanzmann (1927 – 2006†) a en effet participé (sous pseudonyme, on le comprend, c’était un homme modeste) de près au blockbuster que nous attendions tous avec impatience.

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« Il y en a qui contestent 

qui revendiquent et qui protestent

Moi je ne fais qu’un seul geste

Je returns ma cape. »

[65] Abattons la campagne

Com : deux images, pour le prix d’une :

medium_pubs_nases.jpg J’aurais même pu en mettre trois, ou quatre, ou cinq, ou plus mais il me manquait les affinités.

J’ai été frappé de voir la première campagne de publicité pour le film d’animation Cars (voir aussi cette ancienne note) basée presque exclusivement sur des jeux de mots pour le moins bidons.

J’ai été doublement frappé de voir qu’un nouveau film d’animation Nos voisins les hommes lançait une campagne sensiblement analogue basée sur l’équation :

 

 

Image du personnage
+
ligne de présentation du personnage contenant un jeu de mot foireux
=
publicité à deux balles

Il semblerait que le procédé soit d’origine américaine, parce qu’en cherchant sur le web des images moins pourries que celles que je vous présente ci-contre, photographiées avec l’APN de mon téléphone, je suis tombé sur les images en v.o. de Nos voisins les hommes exactement du même tonneau.

(Parenthèse : j’en profite aussi pour dire que je me suis planté au début et que j’ai tapé dans Google Nos amis les hommes et que je suis tombé à cette occasion sur un ancien bouquin de Maïa Mazaurette dont j’apprécie grandement la prose sur foisonnant burp Sexe ‘n Love ‘n Gaudriole, bouquin qu’elle aurait renié depuis, enfin bref…)

Quelque chose me tracasse dans ces pubs : à qui s’adressent-elles ???

Compte tenu de l’ineptie des jeux de mots qui nous sont présentés, je n’ose imaginer qu’elles s’adressent à des adultes. Est-ce que « Baba roule » avec un van Volkswagen en illustration, ça te fait rire, ami lecteur ? Est-ce que ça te fait seulement sourire ? Esquisser ne serait-ce qu’un rictus par la stimulation réflexe d’un seul des 43 muscles mis en œuvre lors du rire ? Moi, non.

Elles s’adresseraient donc à des enfants (un des publics cibles pour ce genre de film, me dira-t-on avec logique ; certes, et ça ne m’aura pas échappé). Sauf que « Baba roule » me paraît totalement incompréhensible à un public de moins de 25 ans, qui n’aura même pas connu l’époque où le Collaro Show était le sommet de l’humour télévisuel français (« Ah dur ! dur ! »). De même, le foireusissime « Raton Leader » sera inaccessible à la compréhension de quiconque n’a pas étudié 4 ans d’anglais (de préférence en tombant amoureux du/de la prof’, ça permet des progrès fulgurant).

Pour en avoir le cœur net, j’ai réalisé une petite étude à la sortie d’une école primaire du *** arrondissement de Paris.

Moi (présentant un visuel de Cars) —  Dis-moi, qu’est-ce que tu peux me dire de cette affiche ?
Une jeune élève de CE1 — Ouais, Cars, trop bien comme film !
Moi — Tu l’as vu ?
L’élève — Euh non, mais c’est trop drôle !
Moi (ne perdant pas le nord) — Humm. Ok. Et cette affiche alors, tu comprends quoi ?
L’élève— Ben c’est un des personnages du film, t’es bête ou quoi ?

Je poursuis mon étude avec un autre élève plus âgé :

Moi (présentant le visuel de Nos voisins… ci-dessus) — Bonjour jeune homme ! Que penses-tu de cette affiche ?
L’élève (CM1 à vue de nez) — Ouais, Nos voisins les hommes ! Trop génial !
Moi — Tu l’as … ? Bon, mais tu peux m’expliquer ce que tu vois sur l’affiche ?
L’élève (ânonnant : les ravages de la méthode globale probablement ) — Ra… ton… léa… dé… Raton-Léadé !
Moi — Ça veut dire quoi ?
L’élève — Ben chais pas moi, c’est trop drôle ! T’as des places gratuites ?

S’en suivit une altercation avec quelques parents d’élèves qui me trouvaient louche avec mes Chupa-Chups et mirent fin à mon travail scientifique.

Trop dur, dur !

[64] Le bar à côté de la mairie

Il y a un bar à côté de la mairie du *** arrondissement qui m’a, par deux fois, accueilli accompagné de J***.

La première fois, c’était en octobre 2005, il était à peu près minuit. Nous venions de dîner J*** et moi dans une pizzeria banale, à proximité. Nous avions passé un repas agréable ensemble, et nous eûmes tous les deux l’envie de prolonger le tête à tête.

Ce point, déjà, n’avait rien d’évident a priori. Je dois préciser que nous nous voyions alors pour la toute première fois. Nous nous étions croisés sur un site de rencontre, nous avions rapidement poursuivi sur MSN, et après avoir très peu échangé, elle m’a rapidement invité, à l’improviste, pour dîner. J’eus à peine le temps de lui indiquer que je n’étais pas célibataire. Je déteste faire une rencontre sans en informer ma partenaire, je ne suis pas de ceux qui mentent à tout bout de champ pour arriver à leurs fins (i.e. coucher) ; j’attends juste le moment où je juge mon interlocutrice disposée à entendre cette effroyable vérité. J’imagine que ça ne doit pas être facile non plus pour les contrôleurs budgétaires ou les Villieristes de s’ouvrir à l’autre en toute transparence. Quand je le lui ai annoncé, elle a mis un vingtaine de secondes à encaisser le choc, mais, très fair-play, a maintenu l’invitation.

Nous nous sommes donc rencontrés devant la mairie, nous avons hésité un instant sur le choix du restaurant (après tout, c’était son quartier, je me laissais guider), et une fois assis, nous y avons commencé à discuter. Nous ne connaissions rien de l’autre, ou presque. Nous nous imaginions probablement juste quelques affinités possibles autour de la musique, de notre orientation politique et — en tout cas je l’espérais — un certain hédonisme.

Le temps passait agréablement en sa compagnie, la conversation était déliée, sans silences embarrassés ; mes yeux plongeaient parfois dans un décolleté qu’elle n’hésite pas à mettre en valeur quand elle est en mode séduction (et moi qui aime plutôt les petits seins, je me laissais pourtant émouvoir !). Le moment était agréable, donc, et nous n’avions pas envie de nous séparer si vite. Ma maison m’attendait, avec femme et enfants. Son dispositif anti-homme-marié était prêt à s’armer, mais elle souhaitait attendre encore un chouïa avant de l’activer.

Elle m’invita donc à boire un verre (après une courte pause à discuter avec des connaissances de son quartier — c’est une célébrité locale, peu de rues dans Paris où elle peut se promener sans risquer d’être alpaguée par un de ses camarades) dans ce bar où elle avait ses habitudes. Je pris une bière, elle une eau minérale (si ma mémoire ne me joue pas de tour). C’était le mois d’octobre, mais il faisait encore doux. Nous étions en terrasse, la conversation continuait de se dérouler bon train, nous étions face à face, je commençais à regretter d’avoir promis de rentrer chez moi ; en même temps, je ne pouvais pas vraiment me permettre de rentrer à une heure indécente et peu avant une heure du matin, nous nous séparâmes.

J’envoyai de ma voiture le SMS qui tue, vous savez, celui qu’il ne faut jamais envoyer, l’aveu de faiblesse, Vercingétorix déposant ses armes aux pieds de César, le SMS qui raconte combien on a passé une bonne soirée, et qu’on aimerait qu’il y en ait d’autres.
Elle me répondit du SMS qui assassine, vous savez, celui qui fait regretter amèrement à celui qui a envoyé le SMS qui tue de ne pas avoir respecté la règle d’Or. Un soufflet. Un camouflet.
Je regagnais mes pénates tout déconfit.

Neuf mois plus tard…

La deuxième fois, c’était en juillet 2006, nous étions en terrasse à nouveau, ce qui est moins inhabituel en juillet. Nous n’étions plus face à face mais côte à côte. Cette fois, c’est elle qui sirotait une bière ; j’avais moi pris un Coca pour essayer de faire passer le steak tartare qui ne passait pas (il doit y avoir un truc lacanien là-dedans, J*** ! désolé pour cette private joke). Nous étions tout près de son appartement qui m’était désormais zone interdite. Elle avait encore un joli décolleté, mais mon regard à moi était tourné vers mes chaussures. Elle avait l’air triste, je ne devais pas non plus être jovial. Nous eûmes droit au quota habituel de connaissances venues la saluer. Il fut temps vers une heure du matin de nous séparer à nouveau. Je n’envoyais pas de SMS pour lui hurler mon désespoir. Je me contentais de relâcher un peu les vannes des larmes que j’avais coupées à coup de chimie pendant une semaine.
Je regagnais mes pénates tout déconfit.

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Les jours étaient comme des semaines,
les semaines comme des mois,
mais au bout d’un an et d’un jour
il accosta enfin
en pleine nuit,
dans sa propre chambre
où il trouva son dîner
qui l’attendait

— tout chaud —

in Max et les Maximonstres, de Maurice Sendak

[63] In cauda venenum

medium_img_1070463024510.jpgDepuis un peu moins de 20 ans, je donne régulièrement mon sang.
Enfin, régulièrement, disons quelques fois par an, bien en deçà du maximum autorisé. Mais malgré mon assiduité de seconde zone, avec une certaine fierté du devoir citoyen effectué.

La toute première fois, j’ai saisi l’occasion d’une collecte effectuée sur mon lieu de travail (j’étais alors stagiaire). Avec, je ne vous le cache pas, une certaine appréhension, mais que j’ai assez facilement surmontée. D’autant plus facilement qu’à part le moment désagréable de la piqûre proprement dite, tout se passe assez rapidement et simplement. Quand j’ai donc pu me rendre compte que ce n’était pas toute une montagne, j’ai essayé d’en donner plus régulièrement. D’abord en profitant de chaque passage sur les lieux de travail (mais qui restent rares : une à deux fois par an), puis en fréquentant un établissement hospitalier proche de mon nouveau domicile, qui se trouvait également être centre de transfusion.

So far, so good.

À chaque don de sang, on vous pose toujours les mêmes questions préalables, autour de vos récents événements médicaux ou sexuels. On apprend rapidement qu’il n’est pas judicieux de candidater pour un don de sang si l’on est allé chez le dentiste récemment, ou si on vient de se faire tatouer, ou si on a eu un accident de capote, etc.

Je réponds toujours scrupuleusement aux questionnaires de santé, sans dissimuler les réalités de ma vie sexuelle légèrement plus « débridée » que celle du citoyen lambda monogame et fidèle. Je ne suis pas non plus un habitué des coups d’un soir, a fortiori non protégés ; je pratique un safe sex avec des partenaires avec qui j’essaye en général de m’engager dans une certaine durée, même dans le cadre d’une relation adultère. Je zappe beaucoup moins que bien des célibataires que j’observe autour de moi. J’ai conscience toutefois que ces activités me classent dans une catégorie « à risque », aussi j’évite d’aller donner mon sang quand je démarre juste une nouvelle liaison, et je ne confonds pas « don de sang » avec « test de dépistage » (même si, évidemment, chaque don est contrôlé).

Tout se passait donc à merveille, et même on me félicitait pour mon excellent taux de globules rouges, allant même jusqu’à me proposer une érythrophérèse (c’est à dire un don spécifique de globules rouges, comme il existe également le don spécifique de plaquette, pratique généreuse qui vous demande plusieurs heures de votre temps, contrairement au don total, assez rapide). Je n’ai pas eu l’occasion de la faire pour des raisons organisationnelles : je donne mon sang le week-end, et en semaine je bosse — loin de l’hosto. Et pas d’érythrophérèse le samedi. C’est comme dans Alice au Pays des Merveilles: « la règle est “ Confiture hier, et confiture demain, mais pas confiture aujourd’hui ” ». Déconfiture, donc.

Tout se passait donc à merveille jusqu’au jour où le médecin qui m’interrogeait (et que j’avais déjà vu plusieurs fois) me posa une question différente de celles que je recevais habituellement. Au lieu de me demander si j’avais eu une relation homosexuelle au cours des X derniers mois, il me demanda si j’avais eu une relation homosexuelle (tout court). Alors j’ai répondu oui, que ça remontait à plus de 5 ans. Il m’a demandé jusqu’où c’était allé, alors je lui ai dit qu’il y avait eu pénétration, que j’avais pénétré mon partenaire, dans les règles du safe sex, donc avec préservatif. «  Ah oui ! me dit-il, vous n’avez pas seulement joué à touche-pipi… » (et je cite ses mots qui m’avait choqués — dans la bouche d’un médecin qui devait en avoir vu d’autres). Je lui ai dit, qu’effectivement, non, mais que ça avait été fait sans contamination, que j’avais fait depuis un test HIV, etc.

Ça a déplu à ce médecin qui n’a pas voulu de mon don, a prétexté je ne sais plus quoi pour le repousser à plus tard, et curieusement, alors que j’étais régulièrement relancé par téléphone pour venir donner mon sang, depuis cet incident, je n’ai jamais plus reçu ni courrier ni appel.

Si vous crevez un jour parce que vous manquez de sang ou de globules rouges (en plus je suis donneur universel !), pensez à me blâmer d’avoir, à 32 ans, voulu aller un peu plus loin que lors de mes jeux adolescents.