[64] Le bar à côté de la mairie

Il y a un bar à côté de la mairie du *** arrondissement qui m’a, par deux fois, accueilli accompagné de J***.

La première fois, c’était en octobre 2005, il était à peu près minuit. Nous venions de dîner J*** et moi dans une pizzeria banale, à proximité. Nous avions passé un repas agréable ensemble, et nous eûmes tous les deux l’envie de prolonger le tête à tête.

Ce point, déjà, n’avait rien d’évident a priori. Je dois préciser que nous nous voyions alors pour la toute première fois. Nous nous étions croisés sur un site de rencontre, nous avions rapidement poursuivi sur MSN, et après avoir très peu échangé, elle m’a rapidement invité, à l’improviste, pour dîner. J’eus à peine le temps de lui indiquer que je n’étais pas célibataire. Je déteste faire une rencontre sans en informer ma partenaire, je ne suis pas de ceux qui mentent à tout bout de champ pour arriver à leurs fins (i.e. coucher) ; j’attends juste le moment où je juge mon interlocutrice disposée à entendre cette effroyable vérité. J’imagine que ça ne doit pas être facile non plus pour les contrôleurs budgétaires ou les Villieristes de s’ouvrir à l’autre en toute transparence. Quand je le lui ai annoncé, elle a mis un vingtaine de secondes à encaisser le choc, mais, très fair-play, a maintenu l’invitation.

Nous nous sommes donc rencontrés devant la mairie, nous avons hésité un instant sur le choix du restaurant (après tout, c’était son quartier, je me laissais guider), et une fois assis, nous y avons commencé à discuter. Nous ne connaissions rien de l’autre, ou presque. Nous nous imaginions probablement juste quelques affinités possibles autour de la musique, de notre orientation politique et — en tout cas je l’espérais — un certain hédonisme.

Le temps passait agréablement en sa compagnie, la conversation était déliée, sans silences embarrassés ; mes yeux plongeaient parfois dans un décolleté qu’elle n’hésite pas à mettre en valeur quand elle est en mode séduction (et moi qui aime plutôt les petits seins, je me laissais pourtant émouvoir !). Le moment était agréable, donc, et nous n’avions pas envie de nous séparer si vite. Ma maison m’attendait, avec femme et enfants. Son dispositif anti-homme-marié était prêt à s’armer, mais elle souhaitait attendre encore un chouïa avant de l’activer.

Elle m’invita donc à boire un verre (après une courte pause à discuter avec des connaissances de son quartier — c’est une célébrité locale, peu de rues dans Paris où elle peut se promener sans risquer d’être alpaguée par un de ses camarades) dans ce bar où elle avait ses habitudes. Je pris une bière, elle une eau minérale (si ma mémoire ne me joue pas de tour). C’était le mois d’octobre, mais il faisait encore doux. Nous étions en terrasse, la conversation continuait de se dérouler bon train, nous étions face à face, je commençais à regretter d’avoir promis de rentrer chez moi ; en même temps, je ne pouvais pas vraiment me permettre de rentrer à une heure indécente et peu avant une heure du matin, nous nous séparâmes.

J’envoyai de ma voiture le SMS qui tue, vous savez, celui qu’il ne faut jamais envoyer, l’aveu de faiblesse, Vercingétorix déposant ses armes aux pieds de César, le SMS qui raconte combien on a passé une bonne soirée, et qu’on aimerait qu’il y en ait d’autres.
Elle me répondit du SMS qui assassine, vous savez, celui qui fait regretter amèrement à celui qui a envoyé le SMS qui tue de ne pas avoir respecté la règle d’Or. Un soufflet. Un camouflet.
Je regagnais mes pénates tout déconfit.

Neuf mois plus tard…

La deuxième fois, c’était en juillet 2006, nous étions en terrasse à nouveau, ce qui est moins inhabituel en juillet. Nous n’étions plus face à face mais côte à côte. Cette fois, c’est elle qui sirotait une bière ; j’avais moi pris un Coca pour essayer de faire passer le steak tartare qui ne passait pas (il doit y avoir un truc lacanien là-dedans, J*** ! désolé pour cette private joke). Nous étions tout près de son appartement qui m’était désormais zone interdite. Elle avait encore un joli décolleté, mais mon regard à moi était tourné vers mes chaussures. Elle avait l’air triste, je ne devais pas non plus être jovial. Nous eûmes droit au quota habituel de connaissances venues la saluer. Il fut temps vers une heure du matin de nous séparer à nouveau. Je n’envoyais pas de SMS pour lui hurler mon désespoir. Je me contentais de relâcher un peu les vannes des larmes que j’avais coupées à coup de chimie pendant une semaine.
Je regagnais mes pénates tout déconfit.

medium_max.jpg

Les jours étaient comme des semaines,
les semaines comme des mois,
mais au bout d’un an et d’un jour
il accosta enfin
en pleine nuit,
dans sa propre chambre
où il trouva son dîner
qui l’attendait

— tout chaud —

in Max et les Maximonstres, de Maurice Sendak

13 Responses sur “Le bar à côté de la mairie”  

  1. #1
     
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    Krazy Kitty a gazouillé  :

    Max et les Maximooooooooooooooonstres !
    (Je manque totalement d’à propos, mais on me colle sous le nez après une histoire à tirer des larmes à un croque-mort une image de Max et les Maximonstres, alors forcément c’est la gamine dont c’était le bouquin préféré qui se réveille…)

  2. #2
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ Krazy Kitty > Ce n’est qu’en lisant — avec régal — ce livre qui a bercé ma jeunesse à mes propres filles que j’ai découvert son titre original : Where the wild things are.
    Un titre plein de mystère ; mais il faut bien reconnaître que le titre français marque les esprits. Je dis ça parce que tu vis aux États-Unis, fais attention aux Wild Things !

    Il y a bien d’autres livres de mon enfance que j’aime « transmettre », comme par exemple Petit Bleu et Petit Jaune. Mais celui dont la lecture me transporte plus que tout autre, c’est « Des histoires comme ça » de R. Kipling.

    Quand t’en reprendrais-je la lecture, Ô Mieux Aimée ?

  3. #3
     
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    Samantha a gazouillé  :

    Le SMS qui tue? Oh non j’ai vu pire comme SMS qui tue croyez moi. En même temps le verdict c’est bien sa réponse que vous avez trouvé assassine.
    À SMS qui tue, SMS qui foudroie.
    À SMS pathétique, SMS pathétique (ca me rappelle une note là dessus).
    Ce qui tue parfois c’est juste de l’avoir envoyé trop tôt.

  4. #4
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ Samantha » Oh ! Je ne prétends pas être détenteur du record du monde en matière de SMS pathétique, je reste en la matière, comme dans bien d’autres, un amateur !

  5. #5
     
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    Frenchsweet a gazouillé  :

    Les seins : petits, comment ??

  6. #6
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ Frenchsweet » La taille idéale, selon moi, c’est lorsque le globe du sein est à la taille de ma paume, ou à peine plus grand. Approximativement du bonnet B, je dirais.

  7. #7
     
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    Frenchsweet a gazouillé  :

    Je comprends qu’évoquer la taille idéale du globe d’un sein vous perturbe, il n’en reste pas moins que paume s’écrit sans E ..

  8. #8
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ French Capella » C’est corrigé, maîtresse.

  9. #9
     
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    Frenchsweet a gazouillé  :

    on peut aussi inventer des mots (la peaume serait ainsi la peau de la paume)
    Oui, bon ..

  10. #10
     
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    Frenchsweet a gazouillé  :

    Maîtresse ? ça fait longtemps qu’on ne m’avait pas appelé comme ça ;-)

  11. #11
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @ Sweety » Ça serait effectivement un mot-valise envisageable, quoi qu’un peu trop compact (le genre de mot-valise autorisé pour en voyage en cabine chez Easy-Jet en somme).

  12. #12
     
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    Jos casada a gazouillé  :

    Délicieux.
    Mieux comprendre nos frères de vie, les hommes, grâce à tes jolis récits.
    J’ai un sein à ta mesure…Le gauche, le mieux placé.
    Bonne reconversion..SI cela peut s’insérer ici.
    Sinon, supprime.
    Toujours délicieusement…Cinule

  13. #13
     
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    Comme une image a gazouillé  :

    @jos-casada Mais que faire alors du sein droit ?! :)

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