Ce midi, en route vers quelque rendez-vous professionnel, je piétonnais dans les rues en me réjouissant de ce plaisir indicible d’arpenter les rues parisiennes et de croiser la faune qui les peuple.
Il y a de nombreux nombreux mois, j’avais entamé une note restée à ce jour à l’état de brouillon, où je comptais vous expliquer comment j’avais, pas à pas, conquis et fait mien l’espace parisien, de mes premiers pas de banlieusard à mon installation intra-muros (capitale, s’il en est !), mes errances amoureuses, mon Paris de loisir ou de labeur.
J’avais l’intention aussi d’accompagner ce récit d’une cartographie animée permettant de voir comment s’étendait mon horizon au fil du temps.
Tout cela faisait un objectif trop ambitieux : note fleuve à rédiger, illustrations au delà de mes compétences, temps limité.
Était-ce la douceur soudaine de l’air après la caillante de la matinée, le soleil qui éclairait nos visages (les lunettes de soleil étaient de retour), toujours est-il que ragaillardi par ce soudain accès de parisianitude, je décidai de reprendre le flambeau et de faire de ce projet initiale une série, qui commence aujourd’hui et se poursuivra au gré de mon inspiration.
Que mes lecteurs de province ou plus éloignés encore m’excusent du parisiano-centrisme qui fait souvent surface sur une note ou une autre et se fait, ici, carrément débordant.
Premiers pas
J’ai commencé par découvrir Paris avec mes yeux de banlieusards. Probablement allais-je de temps à autre, accompagné de mes parents, en transport en commun ou en voiture, à différents endroits de Paris, mais tant qu’on ne prend pas soi-même le volant (au sens propre et au figuré), on ne repère pas vraiment les trajets, les lieux. On se laisse conduire. La découverte d’un endroit, son appropriation, cela demande une démarche active, généralement fruit d’une volonté individuelle.
Meudonnais que j’étais, mes premiers pas en dehors de mon périmètre local furent d’abord guidés par les possibilités offertes par les transports en commun ; j’allais à Vélizy 2 (temple de la consommation) pour zoner, ou au Pont-de-Sèvres (bus 169 puis 179) pour aller au cinéma (à l’époque, c’était un Gaumont, je ne sais pas s’il existe encore). J’ai dû attendre encore un peu avant de recevoir l’autorisation de mes parents d’aller un peu plus loin, à la capitale, et le chemin pour m’y rendre était de fer. En voiture ! Meudon-Bellevue → Meudon → Clamart → Vanves-Malakoff → Ouest-Ceinture (station désormais fermée) → Montparnasse-Bienvenüe Terminus ! Bienvenue, ouais, ça s’annonçait bien.
Montparnasse, outre ses crêperies, c’était ses nombreux cinémas : les Sept Parnassiens, le Bretagne, le Gaumont Parnasse (qui a englouti le Montparnasse Pathé pour devenir désormais multiplexe), le Bienvenüe Montparnasse, Les Montparnos, le Miramar, le MK2 Parnasse (qui avait un autre nom avant, je crois), l’UGC Montparnasse, l’UGC Rotonde, le Lucernaire ou je suis très peu allé…, tous toujours debout, même le « мчтіқ » Cosmos redevenu Arlequin en 1990, alors que dans d’autre quartiers (notamment les Champs-Élysées) la liste s’est sérieusement écrémée depuis ma jeunesse. Et puis la fameuse rue de Rennes avec son point de mire, la fnac Montparnasse, où j’allais rêver devant les ordinateurs et m’acheter mes premiers 33 tours (en vérité, mes tout premiers 45T, je les achetais au Monoprix de Meudon). Et puis la rue Saint-Placide et ses boutiques de fringues où m’emmenait ma mère… Longtemps, mon exploration n’alla guère plus loin.
1985 allait marquer un tournant. Après le bac, j’intégrais une classe prépa au Lycée Saint-Louis. Je me souviens la première fois que je suis sorti de la bouche du RER Luxembourg. J’étais totalement désorienté, incapable de repérer le Nord du Sud. Le boulevard Saint-Michel, pardon !, le Boul’Mich était un inconnu pour moi. J’allais pourtant m’engouffrer plusieurs fois par jour pendant trois longues années à l’intersection de ce boulevard et de la rue de Vaugirard. Paris allait bientôt m’appartenir. (À suivre…)
À défaut d’une carte animée, voici une première illustration statique de la zone qu’approximativement j’avais explorée à l’aube de ma majorité.
Épilogue
Ayant tapé ces derniers mots, je rabats l’écran de mon portable, arrivé à destination. Ma voisine dans le métro, une dame entre deux âges, s’adresse à moi en souriant :
— Vous êtes auteur ?
— Non, je suis juste blogueur [oui, je n’ai pas osé burpeur, NDLA]
— (Je me suis permis de lire…) Parce que vous avez du style !
(moi, rougissant) — Mais vous savez, on peut avoir du style sur Internet !
Et puis avec mon esprit d’escalier habituel, je m’en suis voulu de ce dialogue à la noix, sur la défensive ! J’aurais voulu lui demander si elle lisait beaucoup, et quoi (histoire de voir à qui je pouvais me comparer dans son panthéon et accrocher cette médaille à mon fat plastron) ; j’aurais dû lui expliquer que pour être auteur, il me fallait quelque chose que je n’avais pas, que ce n’était pas le talent mais le courage ; j’aurais voulu lui demander si cette dernière phrase « Paris allait bientôt m’appartenir », elle ne la trouvait pas un peu trop convenue, clichetonneuse (parce que moi, oui, je trouve ça clichetonneux !).
Je remercie cette dame de m’avoir fait quelques instants me sentir Zecondflorz dans le métro. Je me suis aussi demandé si elle m’aurait fait cette observation si j’avais été en train de rédiger une de mes nombreuses pointes de culTM.
Donc, point de départ, le fameux quartier latin: marrant, flashback!! j’ai commencé par là aussi et j’ai eu la même sensation en sortant du RER en tant que banlieusarde entamant sa vie parisienne estudiantine! Depuis, c’est un quartier qui m’est devenu familier et que j’adule
Vite la suite!;-)) Car, ouiiii, tu as du style cher CUI!
Au fait, qu’est-ce que tu entends par dame entre deux âges?
(le monde est petit, hein?)
Évidemment, le quartier Latin est quand même un quartier pas dégueulasse où il fait bon musarder. En tout cas, chaque fois que je repasse devant mon lycée, ça me fait quelque chose.
(Entre deux âges : je dirais qu’elle devait approcher la soixantaine…)
Bourgeon » Je n’ai pas testé toutes les boulangeries de Meudon, mais je me souviens qu’une où j’allais souvent était tenue par une « Mme Lacroute » (ça ne s’invente pas ! On avait aussi un boucher qui s’appelait Tuboeuf !). Ah, la route des Sept Tournants ouaich, je ne la prenais qu’en bus – pour aller à Vélizy 2, et aussi au stade de foot l’année où je m’étais fait convaincre par un copain de classe qu’il fallait que j’en fasse ! Humpf ! (Ouais, small world… Meudon est tout petit pour ceux qui s’aiment, comme nous, d’un si grand amour… Arf arf)
Storia Giovanna » Euh, y a que les Bretonnes femelles qui sont des cas sociaux alors ?! ;-p
On attend la suite …
Depuis longtemps je caresse l’idée d’une autobiographie-dans-le-métro
(le seul truc qui me retient, c’est que je n’aime pas les autobio)
(Sinon, si une dame me voyait écrire dans le métro, elle me dirait « Dites-donc, vous êtes complètement illisible, quand vous écrivez. Vous avrrivez à vous relire ? »)
(et oui, la « première crêperie à Paris », ça doit être un souvenir fort pour tout ex-banlieusard)
Ouais, bon, à peine j’ai écrit un truc qu’on demande la suite, va falloir un peu de patience, je ne suis pas un auteur ;-)
sélène » C’est un nid douillet, ici ?! :-D
sarah » La question a déjà été posée en commentaire et j’y ai répondu !
secondflore » Effectivement, si mes notes étaient initialement manuscrites, je ne sais pas si, moi, j’arriverais à me relire ; au fil des années qui passent, j’écris de moins en moins à la main, et la lisibilité s’en ressent bigrement.
Je ne me souviens pas de ma première crêperie, mais je me souviens d’un excellent glacier italien rue d’Odessa ; il a fermé, malheureusement.
Storia GT » Ce chouchoutage ressemble fort à des méthodes de mère supérieure au couvent, ça me fait un peu peur !!!
Mais j’arrête de te passer de la pommade, quoique je sache que ce n’est pas pour te déplaire!;-))
(Et avec le recul du dernier métro d’une heure le week-end, l’horaire toléré a suivi ?)
sélène » Bah je suis ravi d’apprendre qu’on puisse s’y sentir bien mais de manière douillette, confortable, ce n’est pas ce que j’aurais imaginé.
Et qui n’aime pas se faire oindre, hein ?! ;-)
A une époque, je m’étais amusée à tracer sur plan parisien mes déplacements et leur fréquence. Ca ressemblait à une carte montrant l’intensité de la circulation/polution/intensité sonores parisienne selon les axes. Différente selon les périodes. Et on se rend compte qu’on ne pratique qu’une petite partie de Paris au quotidien finalement.
J’adorerais découvrir Paris. Ressentir cette impression que je ne connaitrais jamais. Contente d’en lire un témoignage.
Vite la suite
Storia G-T » Moderne, donc :-) Merci de la précision !
Cécile de Quoide9 » Voilà ! Ça doit donc être toi, la main qui m’a caressé les cheveux au ciné alors (comme je le relatais dans cette ancienne note) !
Mais je me demande toujours ce que ça fait d’être touriste (ou expat’ ou immigré) à Paris. D’avoir 42 ans, d’être américain, italien, ardéchois ou slovaque, et de le prendre dans la gueule comme ça, en un coup. Recoivent-ils ce choc que je ressens encore moi-même régulièrement ou pas du tout … etc, etc.
Mais si tu débarques à Paris à 40 ans, tu ne te prends pas tout dans la gueule d’un coup, tu ne t’en prends qu’une petite semaine et ça t’éblouit, voilà, mais ça ne crée pas le lien intime que tu auras, toi, tissé plus patiemment avec ta ville. Les fantômes qui habitent certaines rues, les joies et les chagrins qui reviennent doucement dès lors que tu traverses l’endroit où tu les as vécus et qui s’y accrochent aussi sûrement qu’une plaque commémorative.
« Ici est tombé le 7 mai 2006 mon cœur. Vous qui passez ici, n’oubliez jamais. »
Il y a une semaine, à la sortie du concert de Divine Comedy, j’ai pris un pot sur une terrasse face à la Cité de la Musique où s’affairait, au loin, une troupe de spectacle de bruit et de fureur (crachat permanent de flammes, trombe d’eau pour clore le spectacle). J’assistais à distance au spectacle, je regardais la grande halle, l’esplanade, je goûtais pleinement ce moment et je me disais que c’était vraiment chouette, ce bout de Paris (et demain, j’en avalerai un autre, et après demain encore un autre…)