C’est une photo d’elle dont on sent qu’elle est fière et elle aurait tort de ne pas l’être. C’est une photo en noir et blanc, joliment composée avec des jeux de lignes qui lui donnent une allure graphique (les deux gris du mur, et sa veste noire) et puis il y a elle, son visage de face et son buste en oblique. Au premier regard qui balaye l’ensemble de l’image, on peut croire qu’elle a les yeux fermés mais quand une observation plus attentive permet de voir qu’elle a juste les yeux baissés et cela contribue à l’atmosphère paisible qui nimbe toute l’image où seul son visage doux peut arrêter l’œil. Ses lèvres sont closes. Elle porte des boucles créoles, suffisamment grandes pour ne pas passer inaperçues autour de son visage délicat, contrairement à son collier, une fine chaîne qui se fond avec le teint de sa peau et la courbe sage du décolleté du vêtement porté sous la veste, mussant une paire de seins que je devine modestes.
Je reviens à son visage qui me fascine et je le scrute pour tenter de comprendre d’où vient mon envoûtement. Lignes carrées, très légère pointe pour le menton, lèvres fines, sourcils un rien hirsutes, yeux sombres (mais le noir & blanc ne permet pas d’en deviner la couleur exacte). Quelques mèches de sa frange balayent son front et atteignent les paupières. Je suppose que ses cheveux, coupés en un carré court déstructuré1, sont châtain foncé. Comme son nez est très exactement face à nous, on ne peut être sûr de la ligne de son arête. Après examen minutieux, je fais l’hypothèse qu’il est droit mais je n’aurais pas désavoué le caractère d’un nez aquilin. Il ne porte pas la marque de l’usage régulier de lunettes, je lui imagine donc une vue parfaite.
Quelques marques discrètes n’apparaissant pas au premier examen laissent percevoir le travail du temps : une esquisse de pattes d’oie aux coins des yeux, aux joues, au cou, la chair n’a plus la fermeté d’une peau de jeune fille, je la suppose franchissant les dernières années de la trentaine.
Ce qui fait qu’immédiatement, elle m’est apparue si belle, c’est son incarnation d’un idéal féminin qui m’est propre, de ces physiques qui ne me laissent jamais indifférent et qui finissent par s’inscrire dans mon histoire amoureuse. Son visage m’évoque à la fois M***-C*** avec laquelle j’ai vécu ma première « relation » vers 19 ans et aussi ma compagne M***, en particulier M*** sur un portrait d’elle que j’avais fait à Séville dans les tous premiers mois de notre amour où elle a quasiment la même pose, même si les couleurs des azulejos andalous donnent à l’image d’ensemble une allure différente de ce portrait N&B dépouillé.
C’est une photo d’elle qui me rend instantanément émerveillé et craintif, désireux et complexé, concupiscent et faible.
- Mes excuses aux coiffeurs si ça ne s’appelle pas du tout comme ça..↩
je suis toujours étonnée par l’attirance vers un certain type de femmes ou d’hommes, de manière presque automatique. Cette attirance me fascinerait presque.
Jolie description où à la fin est apparuE une chanson dans ma tête, un vieux truc presque immonde de Richard Anthony « mais qu’est-ce qu’il m’arrive aujourd’hui, je suis amoureux de ma femme ».
Je ne connaissais pas « mussant », merci pour ce partage.
Concupiscent peut être mais j’y note la tendresse toute légère qui s’y engouffre…
Comment d’un portrait, on découvre une langue et d’autres formes de langage.
A part ça, se voir comparée à la photo, apparemment très ancienne, de la compagne, elle-même mise en perspective avec cette photo dont on suppose qu’elle est récente… Ce n’est à mon sens pas aussi réussi que ce brillant exercice de style.
Barbara » Oui, je ne sais pas d’où ça vient, mais ça remonte à loin en tout cas ! Dès mon adolescence, ce genre de physique m’attirait déjà irrésistiblement. (Merci pour la référence musicale ^^)
Froggy » Je l’ai découvert aussi au hasard de mes pérambulations (eh eh !) lors de la rédaction de cette note !
ivv » Oui, « tendresse légère », c’est quelque chose comme ça !
Zoumpapa » Avalina a l’air de penser le contraire. Je n’irai pas aussi loin que toi ; mais oui, c’est aussi une manière de dire que ma femme est très jolie (et que ce n’est pas que pour son joli cerveau que je suis tombé raide dingue d’elle il y a vingt ans).
Barbara » Oui, en découvrant « musser » j’ai découvert « mucher » mais j’ai préféré la première forme…
Vagant » Je crois que c’est le cas.
Avalina » C’est un regard moral porté sur mon texte ; pourquoi pas. Pour moi, c’est juste un devoir d’honnêteté. J’ai découvert cette photo récente qui m’a ému, et quand j’ai cherché pourquoi, cette photo ancienne de ma femme, que j’aime beaucoup, a vite émergé de ma mémoire.
Vagant » Eh bien, que de grands mots ! Je pense que tu prêtes à Avalina des réflexions au delà de ce qu’elle a écrit, mais tu sembles faire référence à d’autres femmes qui auraient fait, deviné-je, de semblables réflexions. Par ailleurs, il n’est pas dit que ce soit un comportement uniquement féminin, celui que tu fustiges.
Avalina » Effectivement, je ne demanderai ni à ma femme ni à M***-C*** leur opinion sur mon texte. L’intéressée, elle, n’a pas fait de remarque sur le sujet, j’en déduis donc que c’était sans importance ou qu’elle ne voulait pas m’en parler.
s’interroger sur le pourquoi ou le comment d’une attirance rémanente ?
pour ma part, je suis depuis longtemps persuadée que l’on n’est attiré que par certains physiques (plus que par certaines personnalités, s’il faut le préciser). Après, l’alchimie fonctionne ou pas, mais l’émotion première passe par le regard. Evidemment, au temps des rencontres virtuelles, je devrais nuancer en évoquant les émotions premières à découvrir quelqu’un par l’écrit ou la voix, mais avec l’expérience, je sais que seul le regard donne cette indicible fébrilité, cette dualité répulsion/attraction.
mais ce n’est pas très « politiquement correct », la sélection par le physique plus que par la personnalité. so what ?
il en va de même du libertinage et de la générosité qui lui est associée, corollaire du cynisme de certains pratiquants. Dans la liberté de moeurs et donc d’aimer, on voudrait connaître (au sens biblique) donc « aimer » tout le monde, ou à tout le moins, dépasser certains préjugés, mais finalement il faut se rendre à l’évidence, on a ses préférences.
Je suis la première à n’être attirée que par un type d’homme, un physique, une allure très spécifique
à les repérer au radar dans une soirée ou une assemblée. souvent l’échange de regard est électrique, parfois amusé et complice, parfois vide… on ne gagne pas à tous les coups.
cela dit, est pleinement assumé ; ça ne m’empêche pas de m’intéresser aux autres personnes, hommes ou femmes. l’émoi n’est simplement pas tout à fait le même.
(des langues acérées pourraient dire que, vu la rareté du spécimen en question, mieux vaut en effet, être plus éclectique. elles n’ont pas tord)
B
La surprise est la première émotion que j’ai ressentie à la découverte de mon portrait. J’ai relu plusieurs fois pour être sûre que c’était bien de mon visage qu’il s’agissait.
Je dois avouer qu’il est très flatteur que mon image ait pu inspirer un texte aussi bien écrit.
Mon visage a été dépeint avec délicatesse et cela m’a touchée. Beaucoup.
Quant à la référence aux compagnes de CUI, elle ne m’a aucunement gênée, car je l’ai trouvée sincère et émouvante.
Enfin, il n’est pas déplaisant d’apprendre que l’on peut être « l’incarnation d’un idéal féminin », alors que l’on a un physique assez éloigné des canons de beauté contemporains.
Merci encore CUI :)
Je ne suis pas là pour faire un procès, je suis là pour partager avec autrui mon ressenti personnel. Quand je dis du mal de Kayzer Sözy, je n’attends pas à ce qu’il vienne se défendre. Pour ma femme, c’est pareil. J’invite le lecteur à faire preuve de recul. Il ne voit que mon côté de l’histoire, un avis partiel et partial. Ça me va aussi d’être questionné sur mes positionnements, je ne m’expose pas que pour être loué !
oui oui » Des lumières !
Miss Flo » Alors merci, tout simplement !
Brigit » Merci aussi pour ce commentaire plus dissert que celui de votre voisine !
Oui… la sélection par le physique. Je ne crois pas en revanche que ça soit aussi mono-thématique que ça. Depuis que j’ai rencontré O***, je suis beaucoup plus sensible aux femmes qui lui ressemblent, et même si ça n’est pas aux antipodes de ma brune éternelle, il y a quand même de sérieuses différences.
Un portrait » Vous ici ?! Quelle surprise ;)
(Pas tant que ça, à vrai dire, en tout cas je suis heureux que vous veniez apporter votre point de vue.) Donc, pour commencer : bienvenue !
Ensuite, c’est assez chouette que vous ayez pris ce texte en recevant favorablement son intention (je ne suis pas sûr d’être très clair).
C’est comment, les canons de beauté contemporains ?
Je ne suis pas sûr que les canons soient si normatifs pour ce qui est de la taille des seins ou des cheveux. J’ai plutôt l’impression que les critères sont – effectivement – la jeunesse et surtout la ligne mince, taille marquée, longues jambes.