[106] J’en perds mon grec

La campagne de publicité pour le parfum de Calvin Klein Euphoria ne vous aura probablement pas échappée (vu qu’on en est actuellement au moins à la deuxième couche en affichage 4×3 dans Paris) :

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On y voit une sorte de créature vaporeuse dont on ne sait s’il s’agit d’un dessin ou d’une photo archi-retouchée, tant les traits de la donzelle semblent éloignés de toute réalité. 

La créature en question, sylphide, vouivre, que sais-je (en voyant ce visuel, moi je m’attends à voir surgir une licorne galopante), nous est présentée dans deux poses : de près, son portrait de face, le regard bleu transperçant, la bouche fermée et sans la moindre expression. Et une autre pose, évanescente, les yeux clos, cette fois, la bouche entrouverte, une main près de la bouche. On l’imagine en train de rêver, quasi orgastique, la robe ondulant.

 

Je suis assez étonné de ce visuel associé au nom du parfum Euphoria. Je rappelle que le mot euphorie (du grec ευ- bon, bien et φορειν : se porter) est censé décrire un « état de bien-être (certes) intérieur pouvant aller de la simple alacrité (…) jusqu’à l’état de jouissance béate (…) ». Bref, elle est drôlement intériorisée son euphorie, à la créature. 

De toute façon, depuis un moment, c’est la mode des mannequins qui tirent la gueule dans la pub.
Il n’y a guère que Jean-Paul Goude pour nous offrir quelques visages souriants, voire hilares (je pense notamment à la série avec Laetitia Casta pour les Galeries Lafayette, plutôt réussie à mon goût, n’en déplaise à La Meute que je linke ici dans un esprit d’ouverture, de débat, mais qui ne vaut certainement pas caution).

[105] super-lol

Je dois avouer que je me suis mis à rire tout haut & tout fort (& tout seul) dans mon bureau en tombant sur cette publicité pour Charlie Hebdo.
On pourrait me faire remarquer que je devrais faire autre chose que lire le journal pendant les horaires de bureau, mais je n’ai pas à me justifier, vous ne connaissez pas le contexte, ça suffit un peu ces insinuations de quoi je me mèle.
  
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Bon, c’est excellent tout de même, non ?

[104] Championne du monde

medium_257px-Serhij_Bubka.jpgAperçu ce matin en devanture du kiosque à journaux ce titre à la une de je-ne-sais quel magazine porno « Brigitte Bui – Sa prochaine étape : un gang-bang ». Brigitte Bui, je ne la connais ni des lèvres, ni des dents, comme dit ma femme (c’est un jeu de mot sur l’expression je ne la connais ni d’Ève ni d’Adam — je précise à l’attention de ceux qui ne la connaîtraient pas  — et que j’ai trouvée assez appropriée dans ce contexte : cette Brigitte, je ne connais pas ses lèvres — ce qui est peut-être à déplorer — ni des dents — ce dont il faut probablement se réjouir, surtout après avoir lu cette histoire).

J’ai trouvé ce titre pathétique. Je ne suis pas pornophobe, mais j’ai senti à travers ce titre la misère de ces travailleuses du sexe.

J’ai pensé à ces champions de saut à la perche, comme Sergueï Bubka, qui pourraient sauter plus haut qu’ils ne le font, mais ne repoussent que progressivement les records du monde, pour gérer leur carrière dans la durée, rentabiliser leur talent (et ils ont certainement raison de le faire).

Notre nouvelle B.B. nationale (?) jalonne donc sa carrière de forçat du cul et sa prochaine étape, c’est donc le gang-bang. Formidable ! Je suppose que les étapes précédentes devaient être assez classiques (mon premier porno : je me masturbe en poussant des petits oh, mon second porno je suis prise par tous les trous), parce que le gang-bang, c’est éculé, non ?

« En effet , nous confie son entraîneur, Brigitte va ensuite passer à la vitesse supérieure ». Il nous dévoile, en exclusivité pour mon burp, le programme prévisionnel de ses futurs exploits :

  • 2007 : BB suce le gagnant du Grand Prix de l’Arc de Triomphe (quand on demande plus de précision pour savoir s’il s’agit du cheval ou du jockey, l’entraîneur nous répond avec un clin d’œil qu’en tout cas il sera bien monté)
  • 2008 : BB essaye de battre le record de la canicule 2006 et fait succomber (l’extase sur les lèvres) 55 vieillards déshydratés sous ses coups de reins.
  • 2009 : BB se fait enculer par l’obélisque place de la Concorde et entre définitivement dans la légende.

Bonne chance à toi, Brigitte.

 

[103] La trouille

Lu dans Libération un article racontant un épisode de guerre. Il se trouve qu’il est vu du côté israélien, mais ce pourrait être l’autre bord, ça ne changerait pas grand chose. On dirait un film… Les soldats le disent eux-mêmes :

« C’était comme dans les films, on tirait de partout, les hommes tombaient en tournoyant. » (…) Le commandant K. se jette sur une grenade pour sauver la vie de ses hommes derrière lui (…) Ils abattent les combattants du Hezbollah qui les encerclent, immédiatement remplacés par d’autres qui reviennent les attaquer (…) Quatre soldats sont blessés, agonisent plusieurs heures dehors sans pouvoir être secourus. Ils vont mourir. (…) La brigade est encerclée pendant deux nuits et deux jours. Elle communique avec les forces aériennes pour diriger le pilonnage aux alentours…

Etc.

 

 

J’ai fait l’essentiel de mon service militaire dans un bureau. J’étais scientifique du contingent, et pendant onze mois, je faisais joujou avec un logiciel de cartographie pour un programme de simulation dédié à des missiles filoguidés.

Pendant le mois qui précédait, j’ai fait mes classes. J’avais mon uniforme, mon Fusil d’Assaut de la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne, mon connard de sous-lieutenant et mes compagnons de chambrée, quelques uns sympas, quelques uns cinglés (ça pourrait faire l’objet d’une autre note). Mais ce n’est pas de ça dont je veux te parler, ami lecteur, ceci n’est là que pour poser le décor.

Pendant ce court mois d’août 199*, nous avons fait quelques exercices de manœuvres, l’un en forêt, l’autre dans un fort abandonné. Pour ce deuxième exercice, nous avions des balles à blanc, des grenades à plâtre, … Les amateurs de GN (jeu de rôles Grandeur Nature, ndlr) devaient s’en donner à cœur joie.

Moi, j’avais la trouille. Dans la forêt, marchant en quinconce avec mon unité, en tenue de camouflage, guettant dans les feuillages les silhouettes d’autres conscrits jouant « l’ennemi », je ne voyais que dalle.  Je me projetais dans une vraie guerre et je me disais que je ne serais que chair à canon, en de telles circonstances. Que tuer ou être tué devait surtout être une question de chance. En tout cas, je ne me sentais d’aucune habileté à m’en sortir mieux que les autres.

Nous sommes au XXIe siècle, nous vivons dans un pays (en France) qui n’a plus connu la guerre depuis plus de 40 ans et nous avons de la chance de ne pas vivre avec cette trouille au ventre. 

 

[102] Fantas[m]e discount

medium_pascher.jpgBen comme le dit le slogan ci-contre, mesdames, mesdemoiselles, voire messieurs, pourquoi dépenser plus ?

8 Euros 70 les deux, pour d’aussi belles tablettes de chocolat, moi je dis : c’est pas cher.

Bon, y’a une * qui rode autour du prix, c’est sûrement mauvais signe, comme quoi la photo doit pas être contractuelle, ou que le deuxième il est un peu gras du bide, ou qu’il pue de la gueule, ou bien qu’ils sont tous les deux éjaculateurs précoces, ou qu’ils n’ont rien mangé depuis 3 jours, ou encore que les préservatifs et le gel sont en sus (sic).

Je serais vous, néanmoins, je n’hésiterais pas une seconde de plus. 8€70, mesdemoiselles, à peine 57 Francs, Mesdames les ménagères encore habituées à notre ancienne devise, pour une petite soirée à trois, même s’il s’agit probablement d’un déstockage de supporters post Mondial 2006, je courrais chez Leclerc !  

[101] Vainqueur par K.O.

(Le retour de monsieur le donneur de leçons, histoire de ne pas laisser en désuétude cette catégorie de mon burp)


La langue française, peu avare en homonymes, nous en a offert un joli couple en la personne (?) de cahot et chaos.

Quelques définitions en provenance du TLFI dont je ne dirai jamais assez de bien :

CHAOS, subst. masc. (du grec χάος)
A. COSMOGONIE
1. MYTH. GR. Espace immense indifférencié préexistant à toutes choses, et notamment à la lumière.
2. [Dans la tradition judéo-chrét.]
a) État vague et vide de la terre avant l’intervention créatrice de Dieu :
b) [P. amalgame avec le concept gréco-lat.] Confusion initiale, indifférenciée et informelle de la matière et des éléments, antérieure à l’organisation du monde par l’intervention de Dieu (cf. Genèse). Chaos primitif.
B. P. anal.
1. État d’enchevêtrement, d’amalgame d’objets nombreux et hétéroclites; p. méton., amas d’objets confus et désordonné.
2. Au fig. Ce qui est ou semble inorganisé, désordonné, confus, parfois incohérent ou obscur.

 

CAHOT, subst. masc.
A. Soubresaut, secousse que l’on ressent à l’intérieur d’un véhicule roulant sur un terrain inégal, accidenté
P. méton. Accident de terrain qui provoque le cahot. Les cahots d’un chemin, éviter les cahots.
B. P. métaph. ou au fig.
1. [En parlant d’une pers.] Inégalités du comportement
2. [En parlant d’une chose concr. ou abstr.] Difficultés
Comme tu le vois, ami lecteur n’ayant par miracle pas encore renoncé à lire plus loin cette note, ces deux mots ont des sens différents, mais on relève entre eux une certaine proximité sémantique. Chaos comme cahot, c’est un peu bordélique. Dans l’échelle du désordre, chaos est grand vainqueur (par K.O. — il n’est pas drôle mon titre ?) et avale le petit cahot.

Comme le dit d’ailleurs le TLFI avec une précision toute dictionnariale que je n’ai pas :
Rem. Chaos est sémantiquement voisin de son homophone cahot, d’où contamination. On entend le grincement des roues, le bruit de clapotis des comportes pleines de fruits, qui sursautent au chaos du chemin (PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1928, p. 222).

Rem. On rencontre ds la docum. le dér. cahotique, adj. Soumis à des cahots, cahoté.
L’existence de cet adj. est peu sûre à cause de l’homon. et de la fréq. synon. avec chaotique.
Là où je voulais en venir (ben oui parce que malgré tout le laïus qui précède, je ne suis pas encore arrivé au cœur du sujet), c’est à propos non pas de ces deux mots mais de leurs dérivés chaotique et cahoteux (ou encore le peu sûr — comme dit mon Trésor — cahotique. Notons au passage qu’à partir du moment où ce mot est écrit, repris, on ne peut plus douter de son existence. On peut douter de sa pertinence, de sa justesse étymologique et tout le tsoin tsoin, le traiter de barbarisme, le mettre au ban de la Société des Bons Mots, mais douter de son existence, c’est salaud, surtout après le beau boulot effectué par Prévert :

Brunehaut sous ton image une légende épique
Précise tes derniers moments cahotiques
Et traînée par un cheval indompté
Tu entres dans l’histoire en pièces détachées 
Paroles, 1946.
Donc, ce que je pleure, c’est le délaissement de ce joli adjectif : cahoteux (voire du sulfureux cahotique) au profit de ce goinfre de chaotique. Tout est rapidement qualifié de chaotique — un bordel innommable, donc — quand parfois un cahoteux suffirait. Un peu de mesure en toute chose. Pas besoin d’être hyperbolique, excessif, ampoulé, emphatique, enflammé, pompeux au moindre petit pet de travers sur votre bonhomme de chemin.
Ami lecteur, ami burpeur, si tu veux me faire plaisir, utilise le mot cahoteux ou chaotique à bon escient dans une prochaine note et viens-en faire la publicité ici !