[44] Sélavy (pas toujours très Rrose)

Le crapaud

Sur les bords de la Marne,
Un crapaud il y a,
Qui pleure à chaudes larmes
Sous un acacia.

– Dis-moi pourquoi tu pleures
Mon joli crapaud ?
–  C’est que j’ai le malheur
De n’être pas beau.

Sur les bords de la Seine
Un crapaud il y a,
Qui chante à perdre haleine
Dans son charabia.

– Dis-moi pourquoi tu chantes
Mon vilain crapaud ?
– Je chante à voix plaisante,
Car je suis très beau,
Des bords de la Marne aux bords de la Seine
Avec les sirènes.

Robert Desnos – Chantefables et chantefleurs

[41] Spleen

« J’ai envie de faire l’amour, lentement et en plein jour,
   Dans une chambre chauffée, habitée, ensoleillée
(…)
et rêver que c’est facile…
et rêver que c’est facile… »

Bernard Lavilliers – 15e round


 

Hop, je complète par un lien intéressant sur la mécanique de l’âme.

[40] Il y a plus d’apprêts…

À Saint-Germain-des-Prés…
J’ai choisi un banc libre, encore baigné des rayons du soleil de cette journée finissante. L’air était tiède, j’imaginais que cette lumière sècherait les larmes qui coulaient encore sur mes joues. Je sortais de mon premier rendez-vous avec elle. Premier rendez-vous depuis notre séparation, on avait des choses à se dire, voyez-vous. Un joli passé derrière nous et un futur à imaginer.

J’ai tenté un moment de lui donner le change, je n’étais pas à l’aise, il y avait mes silences, mon regard qui fuyait, on dressait un peu le constat… J’essayais d’évoquer les discussions qu’on n’avait pas eues, les chemins différents que nous aurions pu tenter d’emprunter… Les mots s’accumulaient, devenaient chacun de plus en plus lourds, et la digue a bien entendu fini par péter, larmes, répit, puis un flot violent qui m’empêchait de penser à quoi que ce soit hormis l’abîme dans lequel son départ m’avait précipité. Quelque chose de pas très constructif, donc. Il fallait couper court.

 

 

J’étais donc assis sur mon banc, hésitant à lire le journal que je m’étais mis sous le nez, pensant que ça pouvait être une diversion, mais elle était trop grossière. J’ai plutôt choisi de faire confiance au soleil comme cicatrisant. Je levai la tête, regardai les gens passer – je les regardais sans les voir, je cherchais en moi l’apaisement – et puis j’ai vu passer cette femme devant moi, et elle, je l’ai regardée. Elle devait avoir dans les quarante ans, un peu moins, un peu plus. Elle portait une ample robe, légère, claire, qui ondulait harmonieusement au rythme de ses pas déterminés. Elle avait un sourire plein de confiance, qui disait « je suis belle » ou peut-être « je suis heureuse »,  « il fait drôlement beau », « je viens de me faire baiser comme une déesse » ou encore « je ne vais pas tarder à me faire baiser comme une déesse »… Elle marchait d’une allure altière, le port droit, la tête regardant droit devant, le torse bombé. J’ai pensé un instant qu’elle avait une allure de cowgirl, je n’aurais pas été étonné d’entendre le tintement de ses éperons scander ses pas. Sa tenue aurait pu avoir le ridicule de l’extravagance, elle était belle.

Je l’ai regardée, et elle aussi m’a regardé. Elle souriait toujours, voyant pourtant mes yeux rougis de larmes – d’autres auraient plus rapidement détourné le regard – ma bouche fermée et mon air de chien battu. Nos regards se quittèrent, puis, un instant plus tard, nous nous fixâmes à nouveau. Et là, son sourire me fut communicatif. Je lui ai souri alors que d’ordinaire, quand une femme me sourit sans que je m’y attende (dans le métro par exemple), je me fige, je détourne le regard, honteux et rougissant d’imaginer que je pourrais avoir l’audace de lui rendre un sourire.

L’histoire s’arrête là. Son pas n’a pas ralenti. Je ne me suis pas précipité sur elle « ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais ».

Non, juste, son sourire avait été comme une piqûre de rappel que le bonheur peut exister. Un signal que la vie reprendrait tôt ou tard le dessus.

[39] Film X (soyons racoleur)

X-men 3, l’ultime affrontement est le troisième volet d’une série qui, so far, m’avait plutôt séduite dans le genre risqué de la transposition cinématographique d’un comic.
Pas la peine d’énumérer ici tous les précédents, les réussis, les inégaux, les foireux, « il y a des maisons pour ça » (de Première aux Cahiers du Cinéma, en passant par Positif, Studio et UGC-Magazine) et toi, ami lecteur, tu n’es pas là pour ça, tu es là pour lire ce que moi j’en pense (si un burp ne peut pas être égocentré, alors à quoi bon ?).

medium_JeanX3.jpgLa série des X-men vaut surtout pour le sex appeal redoutable de deux de ses principaux protagonistes : Wolverine (toi et moi c’est quand tu veux mon loup) et Jean Grey (pas besoin d’être grand clerc pour lire mes pensées). Pour ça et également pour quelques scènes d’une beauté graphique époustouflante (la scène d’ouverture de l’épisode 2, avec Diablo s’introduisant à la Maison Blanche, ou encore la séquence d’évasion de Magneto dans ce même épisode 2, pour ne citer que ces deux exemples parmi les plus éloquents).

Je me rends donc pour visionner ce troisième épisode, ayant entendu quelques bonnes critiques, plusieurs moins enthousiastes (ce qui m’inquiétait d’autant plus qu’elles venaient de personnes prétendant avoir aimé les deux premiers), mais l’envie de me faire ma propre opinion n’allait pas s’évanouir pour si peu.

medium_WolverinePose.jpgAlors bon, j’en pense quoi de ce numéro 3 ?
Humm… D’abord que le scénario est un peu moins bien branlé que les précédents.
Que la réapparition de Jean Grey, censée être morte à la fin de l’épisode 2, est un peu tirée par les cheveux rouges. Je n’allais pas particulièrement m’en plaindre, vu ce que je viens d’écrire plus haut. Même si la Famke Janssen a pris un léger coup de vieux, elle reste quand même délicieusement bandante (bien plus que Hal Berry mais ça n’engage que moi). Que Wolverine est lui aussi toujours aussi … roaaaarrrr

Que le manichéisme forces du bien/force du mal est décrit avec la lourdeur pataude des films américains s’adressant à un public abruti (toi bon : blancheur angélique [le petit garçon enfermé, Angel…], toi méchant : tatoué tribal, dans une église mal éclairée, regard torve).

Que la prétendue schizophrénie de Jean soigneusement dissimulée dans les deux premiers épisodes (même pas une allusion, ou j’ai rêvé ?) surgit comme un deus ex machina et que, comme c’est bizarre, quand elle devient méchante, elle devient vilaine, avec ces vilaines veines qui la défigurent. Quand télépathe en colère, télépathe toujours faire ça.

Sinon, le final avec ce je t’aime, je te tue, que voulez-vous, ça m’a tiré quelques larmes, évidemment.

 

En conclusion : à voir si vous avez vraiment aimé les deux premiers épisodes et que votre niveau d’exigence n’est pas au plus haut. Ou éventuellement si vous n’avez pas vus les deux premiers, ça pourrait vous donner envie de les voir. 

 

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X-Men 4, le définitif dernier extrême final

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… parce que si, comme moi, vous n’êtes pas du genre à vous lever avant la toute dernière note de musique et le tout dernier mot du générique de fin, vous verrez qu’une petite surprise vous attend.

Tu parles, Charles.