À Saint-Germain-des-Prés…
J’ai choisi un banc libre, encore baigné des rayons du soleil de cette journée finissante. L’air était tiède, j’imaginais que cette lumière sècherait les larmes qui coulaient encore sur mes joues. Je sortais de mon premier rendez-vous avec elle. Premier rendez-vous depuis notre séparation, on avait des choses à se dire, voyez-vous. Un joli passé derrière nous et un futur à imaginer.
J’ai tenté un moment de lui donner le change, je n’étais pas à l’aise, il y avait mes silences, mon regard qui fuyait, on dressait un peu le constat… J’essayais d’évoquer les discussions qu’on n’avait pas eues, les chemins différents que nous aurions pu tenter d’emprunter… Les mots s’accumulaient, devenaient chacun de plus en plus lourds, et la digue a bien entendu fini par péter, larmes, répit, puis un flot violent qui m’empêchait de penser à quoi que ce soit hormis l’abîme dans lequel son départ m’avait précipité. Quelque chose de pas très constructif, donc. Il fallait couper court.
J’étais donc assis sur mon banc, hésitant à lire le journal que je m’étais mis sous le nez, pensant que ça pouvait être une diversion, mais elle était trop grossière. J’ai plutôt choisi de faire confiance au soleil comme cicatrisant. Je levai la tête, regardai les gens passer – je les regardais sans les voir, je cherchais en moi l’apaisement – et puis j’ai vu passer cette femme devant moi, et elle, je l’ai regardée. Elle devait avoir dans les quarante ans, un peu moins, un peu plus. Elle portait une ample robe, légère, claire, qui ondulait harmonieusement au rythme de ses pas déterminés. Elle avait un sourire plein de confiance, qui disait « je suis belle » ou peut-être « je suis heureuse », « il fait drôlement beau », « je viens de me faire baiser comme une déesse » ou encore « je ne vais pas tarder à me faire baiser comme une déesse »… Elle marchait d’une allure altière, le port droit, la tête regardant droit devant, le torse bombé. J’ai pensé un instant qu’elle avait une allure de cowgirl, je n’aurais pas été étonné d’entendre le tintement de ses éperons scander ses pas. Sa tenue aurait pu avoir le ridicule de l’extravagance, elle était belle.
Je l’ai regardée, et elle aussi m’a regardé. Elle souriait toujours, voyant pourtant mes yeux rougis de larmes – d’autres auraient plus rapidement détourné le regard – ma bouche fermée et mon air de chien battu. Nos regards se quittèrent, puis, un instant plus tard, nous nous fixâmes à nouveau. Et là, son sourire me fut communicatif. Je lui ai souri alors que d’ordinaire, quand une femme me sourit sans que je m’y attende (dans le métro par exemple), je me fige, je détourne le regard, honteux et rougissant d’imaginer que je pourrais avoir l’audace de lui rendre un sourire.
L’histoire s’arrête là. Son pas n’a pas ralenti. Je ne me suis pas précipité sur elle « ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais ».
Non, juste, son sourire avait été comme une piqûre de rappel que le bonheur peut exister. Un signal que la vie reprendrait tôt ou tard le dessus.
Excellente idée, cette rubrique de « redécouverte » des notes oubliées. Merci pour cette petite note d’optimisme…
Merci pour cette découverte de tes mots
La piqûre de rappel est parfois vitale et ce sourire qu’elle t’a offert a sans doute une belle importance à tes yeux, la preuve, en le remettant en avant, tu nous le fais revivre un peu avec toi…
Son sourire et son regard dans le tien face à tes yeux rougit…cela me plait beaucoup, voilà une attitude comme j’aime…elle n’a pas fuit, ne s’est pas non plus apitoyé
Un sourire offert c’est la vie, l’espoir…le bonheur existe, je n’en doute pas…
J’aime passer sur ton blog, bien que j’y sois très souvent silencieuse mais aujourd’hui tes mots m’ont touché, plus qu’a l’habitude, le sourire sans doute…
@ amIwrong > Voui, c’est une bonne idée, mais c’est aussi un fil à la patte de plus que je me suis accroché ! Va donc falloir faire vivre cette nouvelle rubrique, et là, je n’ai pas d’idée !
@ SoleildeJuillet > J’ai un ami aussi qui dit avoir été particulièrement touché par les mots de cette note. J’en déduis que le désarroi dans lequel j’étais plongé, à l’époque de sa rédaction, était une bonne source d’inspiration.
J’avoue que je préfère être moins malheureux et moins inspiré que le contraire !
Ou comment un rien peut faire tout… en bien ou en mal d’ailleurs, selon le terrain.
@ Miss S > Un petit rien qui n’a pas fait tout mais comme chantait l’autre, « elle est à toi cette chanson / toi l’étranger qui sans façon / D’un air [mal]heureux m’as souri »
Ah, c’était donc vous ??????!!!!!!!!
@ Frenchsweet » Il n’est pas trop tard pour venir me consoler !
Vous consoler de quoi ? (yen a qui manque pas d’air, tout de même !!! ;-))
Bon allez, bonne nuit ! ..
@ Sweetie » Eh bien, me consoler de tous mes chagrins d’amour, rien de moins !
Comment ça, je ne manque pas d’air ?
Alors comme ça des femmes vous sourient dans le métro ? :-)
Bien aimé ce texte aussi sauf quand vous pleurez, mais vous étiez jeune à l’époque, ça a du vous passer.
@ Cécile de Volanges » Dieu merci, maintenant je ne pleure que pour des gorgées d’eau de rose dans les films américains.