[1049] Penses-tu encore à moi ? (9)

Tu aurais pu être mon premier amour. Nous étions arrivés à l’âge où la nature commence à nous transformer, à nous différencier entre sexe. Plus que les poils qui commencent à s’assombrir sur notre corps, sous le nombril ou sur la lèvre, pour nous garçons, le changement déterminant, c’est celui de notre voix qui mue. Oui, il y a ce moment un peu pénible où la voix dérape entre aigu et grave, mais passée cette étape, c’en est enfin fini des « Madame » ou « Mademoiselle » que nous renvoient nos interlocuteurs au bout du téléphone. Et puis il y a bien sûr notre sexe qui devient de façon bien plus claire un organe sexuel, source de plaisir. Je ne sais plus dater avec précision le moment où j’ai connu ma première éjaculation consciente, mais je me souviens de ce moment. J’étais à l’étage, dans la salle de bain des parents où je prenais un bain (au rez-de-chaussée, nous n’avions qu’une douche). Je ne sais pas si je peux dire que je me masturbais. J’avais plutôt l’impression de me tripoter la nouille, sans but ni méthode. Pourtant, j’ai senti, par surprise, un éclair me déchirer le ventre ; c’était presque douloureux, et quand j’ai vu les petits filaments blancs en suspension dans l’eau du bain, j’ai compris que je venais d’avoir un orgasme. Ce n’était que le premier d’une très longue série (bien heureusement inachevée), et depuis, j’ai sérieusement progressé dans la méthode et le plaisir prodigué, et je n’ai plus cette sensation étrange de soulagement douloureux, sauf de rares fois, lorsque l’orgasme s’est fait très capricieux et a tardé à venir. Cette première solitaire m’a instantanément transformé en masturbateur compulsif, et pourtant, à côté de ça, j’étais un garçon des plus innocent et bien malhabile pour les choses de l’amour. Comme je ne me souviens plus du moment de ma découverte tellurique, je ne sais pas non plus dire si j’étais déjà un branleur quand, à la fin de la cinquième, à quelques jours des grandes vacances, j’ai trouvé planquée dans ma trousse ta déclaration d’amour. Il faudrait que je fouille dans mes affaires pour voir si ton papier a survécu au temps. C’était un petit bout de papier blanc où tu me demandais si je voulais bien qu’on s’écrive pendant les vacances, décoré de petits cœurs. Ou alors, c’était un petit bout de papier quadrillé qui disait « Ça ne me déplairait pas que tu m’embrasses, na na na », décoré de petit cœurs. Décoré de petits cœurs, ça j’en suis sûr, le reste, je brode un peu et je crois que l’hypothèse 1 est plus proche de la réalité que la 2. Ta déclaration n’était pas aussi explicite.
Pas de bol pour toi, tu ne m’intéressais pas du tout. Je pense que je devais te trouver un peu nunuche. Moi, j’étais dans les premiers de la classe, et toi tu devais ramer en queue de peloton ; tu nous faisais parfois rire involontairement quand, interrogée par le prof d’histoire-géo ou de la prof de maths, tu sortais une grosse connerie. Je t’avais donc cataloguée, et même si j’ai été flatté de cette déclaration (c’était la première que je recevais, je n’ai jamais été le beau gosse qui faisait soupirer sur son passage toutes les minettes du collègue ni, plus tard, du lycée), je n’ai pas remis une seconde en cause mon verdict. J’étais peut-être con à l’époque, mais je n’étais pas un salaud. Je t’ai donné mon adresse et on a échangé quelques cartes postales pendant les vacances. Je me souviens de celle où tu écrivais avoir « jeté du pin aux oiseaux », et plus encore que l’inintérêt assez lourd de l’information, c’est la faute d’orthographe grossière qui t’a valu mon mépris.
Je ne me souviens plus non plus de la façon dont je m’y suis pris pour te faire comprendre que je ne voulais pas de ton amour, sûrement très maladroitement.
Des années plus tard, j’ai regretté ce comportement. Quitte à faire du révisionnisme sentimental, je me suis dit que j’aurais quand même pu réfléchir un peu plus avant de dire non à une proposition qui ne se trouvait pas sous le sabot d’un cheval, d’autant que – les photos de classe de l’époque en atteste – tu étais loin d’être un cageot.

Penses-tu encore à moi ? Te souviens-tu de ce que tu éprouvais pour moi à cette époque, de comment tu as vécu le fait que je t’éconduise, et la façon dont je m’y suis pris pour le faire ? As-tu souffert ? As-tu su vite tourner la page jamais écrite ? Quel souvenir gardes-tu de ce garçon brun qui dut s’inviter dans quelques unes de tes rêveries pré-pubères ?

Un postsecret qui aurait pu être le mien

Moi, je pense encore à toi, parfois, lorsque je me tourne, mélancolique, vers le souvenir de mes vertes années. Je me dis aujourd’hui que j’ai été bien con de te juger aussi durement et de ne pas goûter ta bouche en mettant de côté le fait qu’on n’accompagnerait pas nos timides balbutiements sentimentaux de longues conversations philosophiques (tu t’appelais Sophie, d’ailleurs !), mais je me dis ça avec mon regard d’adulte porté sur un garçon dont je ne sais plus très bien comment il fonctionnait. N’empêche, trente ans plus tard, je porte toujours avec moi, dans un petit coin de ma mémoire – un endroit pas très fréquenté, mais confortable et tiède – ce cadeau que tu m’avais fait, et je le regarde avec fierté et nostalgie.

[1047] À mes lecteurs

Ce petit mot pour vous rassurer en vous informant que je n’ai pas été victime du dépeceur de Montréal, je suis juste accablé de boulot et nous sommes au mois de juin, autant dire que les week-ends sont peuplés de kermesses, spectacles de fin d’année et autres barbecues. L’enfer, quoi !

Maurizio Cattelan and Pierpaolo Ferrari - I love U
Illustration : Maurizio Cattelan and Pierpaolo Ferrari – I love U

[1046] La créature

Je ne l’aperçois que de dos, s’éloignant, au moment où mon scooter s’engouffre dans le parking  de l’immeuble où je travaille.

Grande, élancée, d’autant plus grande qu’elle est juchée sur des escarpins noirs de belle hauteur. Elle porte un jean qui met en valeur ses jambes fuselées, un chemisier dont la couleur m’échappe, et tout en haut, je ne vois qu’une belle chevelure noire et bouclée, mi-longue.
Elle a la démarche chaloupée qui va bien avec ses talons, et qui transforme son cul en un métronome le plus hypnotisant qui soit.

Je retarde le moment où, d’un coup d’accélérateur, je l’effacerai de mon panorama. J’hésite une demi seconde à l’apostropher – tout en sachant très bien que je ne le ferai pas, mais l’imaginer est en soi une douce torture.

Elle est déjà loin et j’imagine désormais dans quelles circonstances je pourrais revoir cette affolante créature dont j’espère qu’elle travaille régulièrement dans le quartier, tout en me demandant comment résistera son charme à une vision de face. De combien de femmes n’ai-je été amoureux que de dos ?!

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Illustration (non contractuelle) : stilettos and zebra print par TrishaMonsterr sur DeviantArt

[1044] Tragédie

http://www.youtube.com/watch?v=O1_DdIxfpIU

Ah ! Cette magnifique vidéo vous permettra même de réviser votre anglais (j’ai eu récemment la conformation sans surprise que mon niveau était Intermédiaire 2, j’ai donc encore besoin des sous-titres) tout en rendant l’hommage qu’il mérite à †Robin Gibb.

₪₪₪

Cela étant dit, je dois ma première émotion bidjizesque à cette publicité de 1971 (putain 1971, j’avais 3 ans, je suppose qu’elle a dû rester longtemps à l’écran – peut-être avec d’autres séquences visuelles parce que j’ai souvenir d’un truc plus romantique) que j’espérais voir lors de la séance à chaque fois que j’allais au cinéma.
J’ai attendu pas mal de temps avant d’apprendre que la musique qui me remuait mon petit cœur romantique de pré-ado était le redoutable I started a joke des Bee Gees.

Quoi que, en recherchant un peu mieux, j’ai trouvé une version de 1977 qui doit être un peu plus raccord avec l’âge auquel j’ai commencé à aller au cinoche.

Ça vous rappelle des trucs, à vous ?

[1043] La vie insulaire ★★★

La vie aquatique de Wes Anderson m’avait laissé le souvenir d’un film tout-à-fait sympathique et foutraque, un film attachant mais proclamant d’une façon qui me semble, à moi, trop ostentatoire « je suis un film indé pour intellos ». Du coup, j’avais zappé ses productions suivantes, attendant d’un film autre chose qu’un sentiment d’appartenance à une caste.

Sur le choix de ma compagne, nous sommes allés voir Margin Call et en voyant la bande annonce de Moonrise Kingdom, j’ai eu une sorte de coup de foudre et j’ai absolument voulu voir ce film, en me disant même que ce serait une excellente occasion de montrer à mes filles du cinéma sachant être à la fois haut-de-gamme et accessible.

Photo du film Moonrise KingdomLa première chose à dire, c’est que la bande-annonce ne m’a pas trompé sur la marchandise ! Quel film pétillant, enthousiasmant ! On y suit les pérégrinations sur une île (imaginaire) de la Nouvelle-Angleterre d’un (ex-)boyscout orphelin et mal-aimé de ses comparses, Sam, et d’une jeune adolescente mal dans sa peau, Suzy, lesquels se sont rencontrés dans des circonstances que je vous laisserai découvrir, alors que la police locale, le chef des scouts et les autres scouts,  l’assistance sociale et les parents de Suzy sont à leurs trousses et qu’une terrible tempête menace…

La distribution est formidable, tant chez les adultes où défilent les vedettes (j’ai été particulièrement touché par l’interprétation d’Edward Norton) que chez les enfants (toujours une gageure pour les films consacrés à l’enfance), le scénario nous captive du début à la fin, c’est magistralement filmé (la séquence d’introduction du générique du début est un petit bijou qui donne d’emblée le ton – ne quittez pas non plus votre siège avant la fin du générique de fin). Bref, à ne pas manquer, même si l’on n’a pas d’enfant !

* * *

Puisque l’on parle de cinéma « parental », quelques mots aussi sur Sur la piste du Marsupilami vu pendant le pont de l’Ascension avec ma fille cadette. Clairement bien plus dispensable que Moonrise Kingdom, le dernier film d’Alain Chabat permet quand même de passer un bon moment.
Il y a quelques faiblesses dans le scénario (mentions spéciales au rôle tout bidon de la productrice télé et à celui de Jacques Weber qui semble cachetonner sans le moindre effort), quelques facilités auxquelles Chabat et sa bande nous ont, hélas, habitués, le manichéisme des personnages comme si les films pour enfants ne pouvaient y échapper (Moonrise Kingdom est justement l’illustration du contraire), mais c’est globalement plutôt marrant. La scène où Lambert Wilson interprète une chanson de Céline Dion, dont j’avais entendu parlé et que j’appréhendais particulièrement est vraiment un moment bidonnant. Jolie petite séquence de deux secondes où l’on voit une grosse limousine (la voiture, pas la vache), dont le conducteur est aveuglé, traverser un carrefour particulièrement dense en grillant le feu, quelques gags fameux dont une partie éventée par la bande-annonce. Houba houba.

Hop !

[1042] Rêverie #1

Elle est allongée sur une très grande table, à moins que ça ne soit un lit. Allongée, les genoux relevés.
Elle n’est plus vêtue que de ses escarpins et de sa robe légère que le printemps lui permet enfin d’enfiler avec un peu d’avance, largement déboutonnée. Tout le reste a été enlevé (si tant est qu’elle ai porté autre chose avant d’arriver). Elle a ouvert ses cuisses et plongé une main sur son sexe. De son majeur tendu, elle écarte ses nymphes pour me révéler la béance de sa chair vive. Didactique, elle se caresse en me détaillant ses gestes.
Je vois ses doigts partis en exploration au plus profond revenir luisants à l’air libre. — Regarde ! me dit-elle amusée en relevant son doigt étirant un filet de mouille, Regarde dans quel état je suis ! Et de reprendre sa branlerie de plus belle.

Debout en face d’elle, dans l’alignement de son corps, je déboutonne mon jean, engouffre ma main dans la braguette pour en extraire ma bite dressée, puis, plus délicatement, mes bourses pour sentir sur mes couilles la douce pression de la toile. Je me branle lentement en la regardant se donner du plaisir ; ses yeux sont posés sur moi mais son regard parfois se brouille, ses yeux se ferment quand, de sa bouche, s’échappe un gémissement.

Je me glisse à sa hauteur, je m’agenouille pour présenter ma bite impatiente à la hauteur de ses lèvres. D’une main, je saisis sa tête pour la faire basculer vers moi, de l’autre je dirige ma queue vers sa bouche déjà ouverte pour m’accueillir.