[1014] Rasoir

Affiche du film « La dame en noir » avec Daniel Radcliffe

On a presque envie de lire, sur cette affiche :

« Daniel Radcliffe n’est pas Harry Potter »

comme on pouvait lire sur les affiches de tel ou tel épisode de l’adaptation cinématographique de l’œuvre de Ian Flemming « Roger Moore est James Bond ».

Donc, pour la première fois depuis sa célébrité acquise dès ses 11 ans, le petit Daniel revient au cinéma pour incarner un autre personnage. Les plus fanatiques auront suivi qu’il était déjà sorti de son rôle de magicien à l’occasion d’une pièce de théâtre britannique où il faisait même une apparition à poil sur les planches, mais au ciné c’est une première. Bon, on va dire que les producteurs ne se sont pas aventurés très loin des sentiers battus, vu que c’est quand même une histoire fantastique (un film d’horreur, semble-t-il : j’irai po !!!), mais néanmoins on peut trouver une pointe d’audace dans le casting. Pour l’affiche de La dame en noir, il aurait au moins pu se raser, parce que là, ça ne le fait pas.

Ok, je sors.

[1013] Il n’est pas mort, il rubande encore

Couverture de l'album « le bandard fou » de Moebius

Ce n’est pas sans une certaine émotion que j’ai appris, hier, la disparition de Jean Giraud, également connu sous le pseudonyme de Moebius réservé à ses créations orientée S.F. (pseudo inspiré par le fameux ruban de Möbius). J’ai pensé qu’il était mort jeune, mais en fait, pas tant que ça et y réfléchir m’a fait réaliser qu’en approchant le milieu de la quarantaine, forcément, les idoles de ma jeunesse ne pouvaient plus être de sémillants quinquagénaires.

À vrai dire, j’ai toujours été fan de Moebius quand Jean Giraud et notamment son Lieutenant Blueberry ne m’inspirait pas grand chose. L’incal restera une série BD culte de mon adolescence. J’aimais Moebius aussi pour sa capacité à intégrer dans ses créations la sexualité de ses personnages, sans que ce soit le point central de l’intrigue, comme dans de très nombreuses autres BD de l’époque (le cul fait vendre !).

Je vous ferai presque du Flaubert (ça fera plaisir à Anna !) en concluant : Le bandard fou, c’est moi !

[1010] Badabling

J’ai un peu de mal à m’intéresser cette année aux échéances politiques pourtant majeures de 2012. J’ai eu une période d’enthousiasme, au moment des primaires organisées par le P.S., en m’engageant pour Martine Aubry. La désignation de François Hollande a été pour moi une douche froide, comme l’avait été celle de Ségolène Royal cinq ans plus tôt (encore que cette victoire-ci avait été plus inexorable). Une fois de plus, c’était « le favori des sondages » qui était choisi (et sans l’affaire qu’on connaît, c’est DSQ qui aurait été choisi pour les mêmes raisons) sans guère de raison plus profondément politique, qui aurait donné un autre choix (c’est en tout cas mon analyse de mauvais perdant).
Mon inquiétude face à ce choix a fini par doucement s’estomper, en constatant à quel point le candidat concurrent était plombé par cinq années d’un quinquennat exécrable, à l’image exacte de ce qui avait été annoncé en 2007 par tous les anti-sarkozystes primaires et secondaires dont j’étais et je demeure.

Ajoutons à ça un contexte local (me concernant) pas très bandant, des sujets de préoccupations plus personnels (je ne vous apprends rien, ami lecteur !) et un relais médiatique de la campagne plus affligeant d’année en année (à titre d’illustration, l’information, faisant la une, selon laquelle François Hollande et Kayzer Sözy s’étaient serrés la main – rendez-vous compte de la portée de l’événement ! – au dîner annuel du CRIF m’avait consterné), tout ça fait donc que je me tiens très en retrait du buzz de campagne actuel.

Néanmoins, je continue de me réveiller avec le journal de France Inter, et la façon dont on relatait mercredi matin l’intervention de Sözy au JT de mardi soir m’a une fois encore abattu. Dans l’extrait rediffusé, Sözy, qui depuis un moment bat régulièrement sa coulpe en confessant les « erreurs » de son quinquennat, genre « je le r’f’rai plus », parlait de la tentative de nomination de son fiston Jean à la tête de l’EPAD. Sözy explique que c’était un poste sans aucun avantage (même pas 500 € de rémunération, pas de scooter voiture de fonction, etc.) et qu’il pensait que ça ne gênerait personne et il reconnaît « qu’il s’est trompé ».

Mais quelle erreur reconnaît-il ? Celle d’avoir tenté du népotisme ? De placer à la tête de l’établissement son BAC+1,1 de fils ? Absolument pas ! Simplement de mal avoir anticipé la réaction de l’opinion publique. De façon générale, le mea culpa sarkozien porte essentiellement sur l’image qu’il a pu donner de lui-même et non sur les navrantes réformes qu’il a pu mettre en place. Ce qui est bien à l’image de la façon dont est relayée la campagne dont je me plaignais plus haut : la forme plutôt que le fond.

Déprimant.

 

[1009] Tout à l’ego

Les jours s’écoulent et voient lentement se changer la représentation que je me fais d’O***, son importance immédiate pour moi, comme l’épaisse couche de neige qui recouvrait ici tous les toits et finit par fondre sous les assauts répétés d’un soleil tenace. Une partie s’en écoule discrètement par la gouttière, le reste ruisselle du toit et, de temps à autre, un bloc se détache et se pulvérise au sol. Bientôt le toit sera tout sec, prêt à accueillir les nids d’hirondelle et, plus tard, à affronter le prochain hiver. (Bon, ma métaphore est un peu pourrie, ce n’est pas tout à fait ça.)
Dans la pratique, je pense à O*** d’une façon de plus en plus abstraite. Au moment où je vous écris, elle n’est plus la femme dont je désire en vain l’intimité, elle est une absence, un silence que je remarque, qui me déplaisait foncièrement mais dont je m’accommode un peu plus chaque jour.

Le délitement de l’attache que j’avais pour elle, que j’ai récemment hâté (autant que faire se peut) suite au dernier coup d’estoc qu’elle m’a asséné dans mon cœur sanguinolent (pensant sans doute, au contraire, me passer du baume), me fait me poser aujourd’hui d’étranges questions. Qu’est-ce qui faisait que j’étais si attaché à elle ? J’ai pu déjà dire ici qu’O*** n’était pas une amante parfaite. Par certains aspects, c’était une amante compliquée dont j’avais parfois du mal à cerner les aspirations, que ce soit sous la couette ou à la ville. Petits points d’incompréhension dont que j’ai d’ailleurs relaté en filigrane qui me troublaient mais faisaient peu de poids en regard de tout le plaisir que j’éprouvais avec elle. Que ce soit clair, je ne me livre pas ici à un exercice de révisionnisme sentimental, je repère juste çà et là quelques points qui m’aident à me mettre à distance de mon propre désir, « passer à autre chose », et qui aussi me permettent de mieux comprendre la période de trouble de notre séparation. Pourquoi ce qui n’était déjà pas limpide quand tout allait « bien » deviendrait moins trouble dans la tempête ?

Il ne me faut pas longtemps pour opposer à cette part d’ombre toute la palette de qualités qui m’ont rendu si vite épris d’elle, à commencer par son charme délicieux, son côté garçonne, ses mines de souris mutine, et puis ce sentiment que j’avais d’être celui qu’elle avait choisi pour que je lui prenne la main pour l’accompagner dans la découverte d’une nouvelle sexualité. J’étais fier, orgueilleux, d’être celui-là et dans ma douleur de la séparation, il y a très vivement ce regret de ne plus être là, à ses côtés, pour tous ces jalons qu’elle s’apprêtait à franchir, dont certains étaient à portée de main (ou de queue ?!), et dont quelques uns appartiennent certainement déjà au passé, sans moi.

En perdant O***, j’ai bien sûr perdu une partenaire sexuelle. C’est temporairement gênant parce qu’ayant pratiqué la politique de la terre brûlée avec mes autres amantes toute la durée de ma relation avec elle, il va se passer un peu de temps avant que je ne vois refleurir mon agenda sensuel, mais ce n’est pas un sujet d’inquiétude majeur.
Les deux nœuds les plus difficiles à dépasser dans cette séparation sont les suivants.
D’abord, c’est la disparition palpable de mon « environnement » d’un être avec qui j’avais noué une complicité intense aujourd’hui anéantie. Je ne suis pas un grand fana du Petit Prince mais, pour reprendre une image qui vous parlera, O*** et moi nous nous étions apprivoisés.

— Qu’est-ce-que signifie « apprivoiser » ?
— C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « créer des liens… ».
— Créer des liens ?
— Bien-sûr, dit le renard. Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde…

Ensuite, il y a la blessure d’orgueil de ne plus être jugé digne d’accompagner O*** sur son nouveau chemin de femme libre, douleur redoublée par cet incompréhensible verdict : « je ne te désire plus » qui touche au plus profond de mon amour-propre de mâle. Nos derniers moments d’harmonie sexuelle étaient tellement forts, transpirant le désir, qu’aujourd’hui encore, je n’arrive pas à saisir comment cela a pu se volatiliser, même si avoir la réponse à cette question qui continue de blesser mon ego ne changera strictement rien à la situation.

Un dernier extrait de De la rupture de Gabriel Matzneff :

Seuls les niais s’imaginent qu’on peut aimer les créatures impunément ; se figurent qu’il existe des passions inoffensives. En amour, rien n’est jamais innocent. S’affectionner à un être, c’est dépendre de lui, c’est s’inquiéter pour lui, souffrir à cause de lui. Aimer, c’est prendre des risques, s’exposer, devenir vulnérable.

Finalement, un sorte de plagiaire de Saint-Exupéry :-)


Illustration : Kim Herbst – Happy Valentine’s Day

http://kimherbst.blogspot.com/2011/02/happy-valentines-day.html

[1006] Homme d’expérience au naturel volage

Sur les conseils de Françoise, j’ai fait l’acquisition de l’ouvrage de Gabriel Matzneff De la rupture.

Un extrait :

Si les adolescents ont la rupture facile (au sens où, dans un western, on dit d’un cowboy qu’il a la gachette facile), c’est à cause que, novices dans l’existence, ils s’imaginent que les vraies rencontres sont légion, qu’on en trouve à chaque coin de rue ; mais l’homme d’expérience, surtout s’il a un naturel volage et ne cesse d’errer de corps en corps, sait qu’elles sont, au contraire, très rares et demeurent, si longue et mouvementée que soit notre vie, une précieuse exception.

J’ai l’impression, au fil des pages, que le Gabriel fait partie de ces « hommes d’expérience au naturel volage », bref, qu’il sait de quoi il parle, et ma foi, je crois que lui et moi partageons certaines « valeurs » (je n’ai pas dit que j’adhérais à tous ses propos, mais celui repris ci-dessus a fait mouche).

[1005] Cartes postales endormies

Quand je repense à notre histoire, me reviennent fréquemment les images des lieux que nous avons traversés lors de notre bref séjour en vallée de Chevreuse au mois d’août. Il y a bien sûr bien d’autres endroits qui accompagnent mes souvenirs : ton ancien appartement, la ville d’Honfleur, quelques unes des chambres d’hôtel qui ont jalonné notre romance, cette garçonnière nichée dans un incroyable Montmartre sauvage et secret, tous lieux chargés de souvenirs brûlants, dont le récit serait bien plus croustillant que ces photographies mentales d’une lointaine banlieue parisienne assoupie dans la torpeur estivale. Et pourtant, elles s’invitent souvent au premier plan de mon diaporama mental.

Ce plan d’eau, pompeux et baroque (on y voit bien la patte de Ricardo Bofill) à Montigny-le-Bretonneux le long duquel nous nous avons erré main dans la main en attendant que cuise notre pizza cheesy crust.

Bassin de la Sourderie à Montigny-le-Bretonneux
Le bassin de la Sourderie à Montigny-le-Bretonneux, photo pas tout à fait contractuelle
Le parking sur la place devant supérette de je-ne-sais-plus quel bled, où nous sommes allés acheter de quoi nous faire une cuisine sommaire, après avoir renoncé à trouver une table pour nous accueillir avec nos horaires décalés par trop de siestes crapuleuses et le sommeil dans laquelle était plongée cette région peu touristique au cœur de l’été.
Les rues de ce hameau où tu nous avais trouvé un gîte avec un étonnant lit rond et une pelouse où il était agréable de somnoler, parcourues en long et en large (ce fut rapide) à la recherche d’une boulangerie dont il fallut se résoudre à l’absence.

Ces images témoignent d’un temps à part dans notre histoire, d’un temps étiré où nous n’avions pas à compter les heures qui limitaient toujours trop cruellement (« il en faudrait toujours un petit plus pour que ce soit assez ») nos autres rencontres. Il avait comme un avant-goût d’une vie à deux que nous ne partagerons pas.
Ce sont des images qui me sembleraient tristes, mornes, fades, s’il n’y avait ta présence à mes côtés. Je leur trouve un goût doux-amer et mélancolique.