[863] Happy fews

La grande Sophie

En caoutchouc naturel pour habituer dès le plus jeune âge les jeunes filles à machouiller du latex

Nous fêtons cette année les 50 ans de Sophie la Girafe. Évidemment, mes filles (au moins une en tout cas) y ont eu droit. Pas très étonnant parce que le bestiau fait un tabac, probablement par manque d’imagination de ceux qui se penchent sur les berceaux.  D’ailleurs, mes filles n’ont pas vraiment accroché malgré nos efforts pour les intéresser au quadrupède à grands coups de pouet ! pouet !

Stéphanie Arnaud, directrice marketing de la société Vulli SA, a déclaré à l’AFP : « Il y a eu en France l’an dernier 830.000 naissances, et nous avons vendu 816.000 girafes, c’est un record ». Je n’ai pas réussi à savoir s’il s’agissait de 816.000 ventes en France parce que la dépêche parle en même temps du succès du jouet couineur aux Etats-Unis, grâce notamment à quelques stars philosoph[i]es, comme Madonna ou Sandra Bullock.

Pire que la cohue des soldes chez H&M

Pour la photo de membre, voir notre troisième illustration

PRIVÉ, -ÉE, adj. et subst. masc.
[P. oppos. à commun, collectif, public]
1. Dont seuls quelques particuliers peuvent faire usage; où le public n’est généralement pas admis.

(Source : CNRTL)

On est donc drôlement content de faire partie des happy few quand on essaye de faire du shopping sur ces sites qui n’ont de privé que le fait de nécessiter une inscription (sans aucun parrainage requis) avant d’acheter, plutôt qu’au moment de l’achat effectif.

Je n’ ai pas remarqué tout de suite, sur le site, le discret affichage en haut à gauche du site (discret mais, paradoxalement, arrogant, n’est-il pas ?) et j’ai compris pourquoi il était si difficile de trouver la paire de chaussure à la bonne pointure (presque médiane) ou un joli ensemble de lingerie pour ma femme (taille presque médiane pour elle aussi – voir cet article par exemple pour les mensurations du Français moyen). J’avoue avoir bidonné le compteur dans la capture d’image ci-contre, en revanche, s’ils n’ont pas bidonné leur compta, le chiffre d’affaire de la société Vente-privee.com a frôlé le milliard d’euros de ventes en 2010.

On est content d’apprendre que la consommation ne stagne pas. Les chiffres du chômage 2010 non plus !

En 2010, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi a augmenté de 5,3 % (et ce malgré les efforts soutenus pour baisser artificiellement les chiffres).

Jusqu'où peut conduire le désespoir…

Les bons chiffres de décembre 2009, qui avaient conduit Nicolas Sarkozy à assurer que « le chômage baisserait dans les mois à venir », ne se sont pas confirmés. L’année 2010 s’est conclue sur une hausse du nombre de demandeurs d’emploi de 5,3 % (catégories A, B et C, sans emploi ou ayant exercé une activité réduite dans le mois). Cela représente 4,05 millions d’inscrits sur les listes de Pôle emploi au 31 décembre, contre 3,84 millions il y a un an. Sur la seule catégorie A (sans emploi du tout), la progression est de 3 % en 2010, à 2,725 millions.

En décembre, toutes les catégories ont connu une hausse. La situation des plus de 50 ans s’est encore détériorée en décembre (+ 1,6 %), soit une hausse vertigineuse de 16,3 % sur l’année. Mêmes difficultés pour les chômeurs de longue durée (+ 1,4 % en décembre) dont le nombre a grimpé en flèche de 19,8 % sur 2010. Quant aux moins de 25 ans, ils sont 5,2 % d’inscrits en moins sur l’année, mais leur nombre repart à la hausse en décembre, pour le deuxième mois consécutif (+ 1,1 %).

Le ministre du travail Xavier Bertrand a promis mercredi soir 26 janvier de « mobiliser tous les acteurs de la politique de l’emploi » afin de faire de 2011 « une année de baisse du chômage », en particulier pour les jeunes et les chômeurs de longue durée. Pour ces derniers, « on continuera les emplois aidés en 2011 », a-t-il ajouté. L’État a pourtant prévu de baisser le nombre de ces contrats, à 340 000 contre 400 000 en 2010.

Source : La Croix

Malgré la situation actuelle, malgré ces chiffres, malgré le bilan sur l’emploi du dernier gouvernement de gauche (ça remonte hélas à plus de 9 ans), dans l’inconscient (c’est le mot !) collectif des Français, la droite est meilleure que la gauche sur la question économique.

PRIVÉ, -ÉE

[862] La nuit courte

Chaque matin au réveil, épuisé, je me dis que « ce soir il faut que je me couche plus tôt » et chaque soir, malgré les paupières lourdes, ce mal de crâne diffus dont j’ai l’impression qu’il est devenu permanent, je repousse le moment où je vais me glisser sous la couette, éteindre toute lumière, et espérer que le sommeil s’empare de moi sans trop se faire attendre.

J’aime pourtant tant dormir.

J’ai passé un week-end chez ma mère. Chez ma mère, c’était chez mes parents l’année dernière. J’ai passé un week-end chez et avec ma mère et les journées étaient traversées de longs silences pesants et c’étaient deux nuits à dormir seul.

Je déteste dormir seul.

Je réalisai hier soir que c’était peut-être ça, le problème : repousser le moment où il faudrait dormir seul.
Se disperser sur Internet. Écrire une note. Commencer à écrire une note à minuit et demi, quand déjà le sommeil égare mes pensées jusqu’à ce qu’il me terrasse. Je ne suis pas insomniaque, non. Je suis stressé par cette perspective de me retrouver seul sous la couette, sans corps à étreindre, sans lèvres douces et affamées de ma peau nue.

J’adore dormir nu.

Et pourtant voilà un bon moment que je porte un pyjama. Le froid sans doute. On va dire que c’est à cause du froid.
Deux jours après ce week-end au chevet de mon père fantôme, le soir, rentré de ma journée de boulot, j’ai la vision perturbée par des lumières qui flottent devant mes yeux. Une sorte de persistance rétinienne, comme après avoir vu une lumière vive, mais qui n’en finit pas de persister. Le mal de crâne est venu ensuite, fort, celui qui annihile toute velléité de répondre à quelques courriels urgents qui s’entassaient dans ma boîte aux lettres pro, me fait abandonner le poste y compris pour surfer sur la toile frivole, celui que je ne connaissais pas. Puis viennent les nausées. Je m’allonge, tôt pour le coup, dans le noir, je vomis un peu. Je me dis que ça ressemble à une gastro mais avec le mal de crâne en plus. Le lendemain, je ne vais pas chez le docteur, non ! Le lendemain, je regarde sur internet ce que raconte mon ami sur « mal de crâne + vomissement » et on me parle de « migraine en aura », qui s’accompagnent de perturbations visuelles, dis donc ! Parmi les causes : stress, deuil…
Le lendemain, ça va mieux.
Le surlendemain, ça revient en moins violent. Il faut dire que j’ai vu le coup venir. Quand les petits points se sont remis à danser au fond de ma rétine, je suis allé me calmer dans le noir tout de suite et ça n’a pas empiré.

Quand je me couche avec ma femme, quand je la rejoins sous la couette, elle me tourne le dos car elle aime qu’on se blottisse l’un contre l’autre, en cuillère. J’aime bien aussi. Je me love contre elle, et ma main part courir sur sa peau. Plus que tout, j’aime aller épouser la rondeur de son sein. C’est là qu’après avoir soulevé un peu le bras pour que ma main puisse se faufiler jusqu’à son giron, elle le rebaisse fermement et m’immobilise. Elle me fait une clé. Elle m’enferme. Je quitte assez rapidement cette position qui me dérange, me retourne dans le lit, cherche longtemps une position qui m’apporter l’apaisement et le sommeil.

Je me couche contre elle parce que je l’aime et que je veux que nos corps dansent avec nos cœurs.
Elle se couche contre moi parce qu’elle m’aime et veut me retenir. Elle craint que je la quitte plus que tout. Quand, il y a 4 ans, je lui ai proposé une thérapie de couple, c’est quand elle a compris que le risque de séparation était réel qu’elle a fait le chemin qui l’a conduit à accepter ce travail et arrêter de balayer l’expression de mon mal-être sexuel d’un revers de la main.

Je n’ai plus envie de me coucher parce que mon lit est un désert ou une prison.


Illustration : lextight – Pete West

[861] Emma Becker : poney M. ?

Je tombe ce soir sur le portrait d’Emma Becker en dernière page de Libération. Quand je dis « portrait », je parle d’un texte racontant sa (brève) histoire, pas un portrait photographique bien que le portrait textuel soit accompagné d’un portrait en pixels, qui n’est pas l’image – que dis-je, la vignette – trouvé laborieusement sur Internet (il semblerait que, prise de remords, sans doute la traînée de poudre de sa notoriété soudaine, la demoiselle ait souhaité se faire plus discrète sur la toile. Sur la photo (plus jolie) de Libé, on voit sa belle chevelure blond cendré (j’aurais dit « châtain » mais Libé dit « casque de cheveux blonds » alors je brode), son joli nez et un peu moins son menton prognathe qui, comme sur la photo ci-contre, lui fait une moue boudeuse à la Charlotte Gainsbourg.

Ce n’est pas de son aspect physique que je veux vous parler.

Le portrait nous permet donc de découvrir que cette jeune étudiante de 22 ans vient de publier un bouquin racontant une liaison qu’elle a eu avec un homme de vingt ans son aîné, liaison plutôt courte semble-t-il (quatre semaines ?). Avec ce monsieur (qu’elle appelle justement Monsieur), elle jouait dans des chambres d’hôtels à faire le poney, se faire sodomiser et éjaculer sur le visage, et d’autres joyeusetés certainement mais l’article n’en dit pas plus. Pour plus de renseignements, achetez donc son bouquin, il paraît que c’est bien écrit et, apparemment, c’est un avis que partage largement sa famille, plutôt décontractée donc. Vous apprendrez donc (bien que je craigne, au lecteur dépravé qui traîne ici, qu’il soit difficile de t’apprendre quoi que ce soit en la matière qui te fasse, ne serait-ce que d’un poil, sourciller) que le Monsieur était un macho sans cœur de la graine qui rend les jeunes filles folles de désir. Et puis que « le plaisir qu’un homme peut donner à une femme n’est pas corrélé à son âge. » Ce n’est même pas un plaidoyer pro domo, le plaisir qu’un quarantenaire peut donner à une femme est largement supérieur à celui que peut donner un p’tit con, nonmého (© Peel).

Ce n’est pas du bouquin que je veux vous parler.
Ni des histoires de sexe entre une petite Elisa de 20 berges et son Gainsbourg de 40, si tu crois que cela me dérange ah non vraiment (j’en profite pour passer un message perso à A*** : ça fait bien longtemps que ta bouche ne s’est pas posée sur mon sexe, tu ne trouves pas ?).

Y a un truc qui m’agace somptueusement, et sur lequel la journaliste de Libé Marie-Dominique Lelièvre laisse planer un silence coupable, c’est que le titre du livre c’est « Mr. » et qu’on l’appelle à l’intérieur « Monsieur ». Or chacun sait que « Mr » est l’abréviation de Mister, tandis qu’en français Monsieur s’abrège M. et pas autrement (une étudiante en Lettres à Censier, en plus, si c’est pas malheureux, le niveau baisse chez les éditeurs et les auteurs en herbe).

Ce n’est pas de la décadence de la typographie que je veux vous parler.

Ce dont je veux vous parler et qui m’a mis sur le cul, outre le fait que nous partageons elle et moi la même date d’anniversaire, c’est qu’elle a lu (à 8 ans) Le Point d’Orgue de Nicholson Baker (ce n’est pas non plus à Nicholson qu’elle doit son pseudo, ndlr). Lu et relu précise même l’article. Alors pour moi qui considère ce bouquin comme un des sommets de l’érotisme, vous comprendrez que cette petite ne peut que m’être éminemment sympathique.

(Quant à la conclusion de la journaliste, elle est assez médiocre et convenue, et il vaut mieux la sauter.)

[859] Départs de feu

Humour d’arabe

Moi qui croyais qu’El Watan était un journal sérieux (proche du pouvoir, dit même Wikipedia), je découvre que c’est une sorte de Canard Enchaîné à peine moins trash que Hara-Kiri (un titre qui serait fort à propos dans le cas qui nous préoccupe).

Jugez-en plutôt sur cet article paru le 19 janvier et surfant sur la situation algéro-tunisienne.

L’Algérie va importer 30 millions d’extincteurs

Comme une traînée de feu, les immolations se poursuivent à un rythme stupéfiant, comme si les Algériens découvraient l’efficacité de cette spectaculaire forme de contestation et l’utilisaient naturellement, comme on utilise une barque pour partir. A tel point que les autorités ont ouvert des enquêtes et que même le président de la République aurait demandé un rapport détaillé sur ce phénomène. Hier, c’est une femme, la première, qui a tenté de s’immoler par le feu pour un logement, à Sidi Bel Abbès. Comment peut-on en arriver là ? En Tunisie, il y a eu un cas, en Mauritanie, un cas, deux cas en Égypte, et en Algérie, on en est déjà à 8 cas, individuels, 28 si l’on ajoute la tentative collective de ces harraga interceptés par les gardes-côtes à Annaba, qui ont préféré s’asperger de mazout et s’allumer plutôt que d’être attrapés.

Phénomène de mode médiatique ou parce que l’essence n’est pas chère, comme l’a cruellement souligné un farouche opposant aux sacrifices sans lendemain, il faut s’interroger sur cette extraordinaire vitesse de propagation de la méthode, comme si tout le monde s’était donné le mot. Si dans la majeure partie des cas, les tentatives ne se sont pas soldées par la mort, il faudra bien se pencher sur cet étrange peuple, ces Algériens et Algériennes, avec leur rapport avec la mort si particulier et ce sens du panache si déroutant, qui ont font toujours plus que les autres ; pour le nombre de morts dans une guerre d’indépendance, ils sont premiers. Pour le nombre de morts dus au terrorisme, ils sont premiers. Pour le nombre d’émeutes, ils sont premiers et pour le nombre d’immolations par le feu, ils sont d’ores et déjà premiers, avec une bonne longueur d’avance sur tous les autres. On imagine déjà la réponse du gouvernement. Après l’obligation d’avoir un extincteur dans sa voiture, il va obliger tous les piétons à en porter un sur le dos.

Chawki Amariu

Je ne sais pas si Chawki Amari joue avec le feu, mais je préfère recopier son article des fois qu’il soit censuré pour atteinte au bon goût.
L’original peut se lire ici.

Alors, la mode des immolations va-t-elle se répandre comme une traînée de poudre ??! Serre les fesses, Bouteflika !

La version tunisienne de « bonne nuit les petits »

Humeur de françaoui

V’la-t-y pas que Eric Verhaeghe (ex président de l’Apec) claque la porte (de l’Apec, donc) avec cette déclaration fracassante : « L’emploi n’entre pas dans les problématiques du Medef ».

Ça n’est pas forcément un scoop, néanmoins, c’est assez croustillant de l’entendre non pas de la bouche d’un homme politique (de gauche, hein, ce sont eux qui n’aiment pas les vilains MEDEF), mais d’un énarque sans appartenance politique lui-même membre du MEDEF.

Ça commence comme ça :

Dans votre livre, vous critiquez la position du Medef, dont vous avez également démissionné, sur les questions de l’emploi. Que lui reprochez-vous ?

Les questions économiques liées à l’emploi n’entrent pas dans les problématiques du Medef. On y parle de l’allègement des charges mais certainement pas du développement de l’emploi en France. Or, je pense qu’on ne peut pas parler de l’entreprise sans interroger sa responsabilité sociale.

Allez, je ne crains pas la censure et je vous invite à lire la suite de l’interview sur le site du Journal du Net (qui n’hésite pas à brosser le Kayser Sözy dans le sens du poil).

[858] Louis and the mechanics (2)

Je continue ma lecture de La mécanique des femmes de Louis Calaferte (oui, je lis doucement !) et vous livre au fil de ma lecture quelques extraits qui m’ont touché. Les intertitres sont de mon fait. Les illustrations de mon choix, bien évidemment.

Trois couleurs, nu

Manteau et toque bleus qui font d’elle une poupée russe.
La porte de la chambre à peine refermée, elle se prend à danser avec une fascinante légèreté.
— Est-ce que le bleu me va ?
D’un geste insouciant, elle enlève la toque qu’elle jette au hasard par dessus son épaule et quitte son manteau, qui glisse à ses pieds.
La robe est rouge.
— Est-ce que le rouge me va ?
La danse s’accélère, tandis qu’elle se défait de la robe qui vole dans l’air pour moelleusement choir sur le parquet.
— Est-ce que le noir me va ?
Elle fredonne un air rythmé en même temps qu’elle se déplace sur la pointe des pieds, dégrafant le soutien-gorge et ôtant la culotte noire.
— Est-ce que le nu me va ?

Des mots qui ruissellent

— Décharger. C’est un mot bizarre, mais il me fait bander. Plus que juter.
Sa joue couchée dans la pelure des cheveux sur le traversin blanc.
— J’aime tous les mots de l’amour, pas toi ?
Finesse du bras jusqu’à l’épaule.
— Qui est-ce qui les a inventés ? La première fois que j’ai entendu bite, je devais avoir dix ou onze ans, on m’avait emmenée dans un café, j’ai eu envie de faire pipi, aux toilettes, il y avait des hommes qui parlaient entre eux. Peut-être à cause des hommes et de l’odeur, j’ai compris que ça se rapportait au sexe. Les autres mots, ce sont les hommes que j’ai connus qui me les ont appris. Par exemple,  pogner au lieu de branler. C’est un mot qui m’excite. Pogne, c’est dur, c’est rude. Chaque fois, je me figure une bite bien gonflée en train de se faire astiquer.
Suçotant une mèche de cheveux.
— Est-ce que toi aussi ces mots-là te font bander ? Moi, ça m’entre profond dans la peau, ça me trouble, ça me bouleverse, la tête ne suit plus, je deviens une autre femme, une petite démone.


Illustrations : Photo © Jif 2009 :  citizenjif.com / Fly away Aeric Meredith-Goujon