J’avais laissé la veille le store du Velux ouvert. Je m’étais encore couché tard, à traîner sur internet. Elle dormait déjà depuis une petite heure. Généralement, quand je me couche, je baisse le store. Elle ne le fait jamais, par flemme sans doute, ou parce que cela fait partie des petites tâches que l’on s’est réparties tacitement. Je suis plus grand qu’elle, c’est donc moi qui tends le bras pour, le soir, laisser dehors la lumière des étoiles, le matin, laisser le soin au jour levant de baisser la facture EDF.
Il était 1h26 quand j’ai regagné la couche conjugale. Je me souviens bizarrement avec précision de ces horaires de coucher que je lis sur le radio-réveil à gros chiffres verts luisants. Je savais que le réveil serait difficile le lendemain, à cause de la fatigue accumulée toute la semaine. Ce serait vendredi, France Inter s’infiltrerait dans nos oreilles à 7h34 et nous réveillerait plus sûrement que les rayons du soleil, guère présent à cette heure-ci, à cette époque de l’année (le passage à l’heure d’hiver, ce serait deux jours plus tard).
Je le sentais mal, ce vendredi matin à 7h34, alors à 1h26 je n’ai pas baissé le store et j’ai souhaité que Phébus m’envoie quelques maigres photons, 6 heures et 8 minutes plus tard, qu’il m’aide un peu à attaquer cette journée.
☼ ☼ ☼ ☼ ☼
7h34…
Allez… 10 minutes de rab’ !
Clic !
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7h42 (en fait, la touche du radio réveil n’offre que 9 minutes de sursis)
Bon… Faut se lever, il faut préparer les filles, sinon on va être en retard… Le rituel du matin se met en branle, mais mon corps ne suit pas. Comme un chat, je m’étire sur les draps… Je m’allonge, m’étends sur toute la diagonale du lit. M*** est déjà levée, elle commence à s’agiter dans la pièce. Je ne suis plus couvert par la couette. Je donne donc à ma femme le spectacle de mon corps alangui, offert, paresseux.
Ce matin-là n’était qu’un matin ordinaire, un matin où le rythme imposé par l’organisation d’un matin ordinaire ne laisse pas vraiment de place aux pensées parasites. Tout y est minuté, ou presque. Pourtant, ce matin-là, j’aurais voulu qu’un grain de sable, si petit soit-il, se glisse dans l’engrenage. Qu’elle pose sa main sur moi, entre mes jambes. Qu’elle prenne peut-être ma queue dans sa main, pourquoi pas dans sa bouche, qu’elle profite de mon corps nu, offert à elle, pour me glisser un peu de son désir. « Non, bien sûr, on n’a pas le temps ce matin pour des folies, même pas pour un quicky. Mais voilà, je te donne un petit avant-goût de comment je vais te dévorer ce soir… ».
Ce matin-là, j’ai songé que si H*** était là, elle qui me dit chaque jour ou presque son envie de moi, de me sucer ou de sentir mon sexe en elle, je me suis dit qu’elle n’aurait pas hésité une seconde et que, une minute durant, deux peut-être, elle aurait pris le temps de ce jeu, même si le prix à payer sera un peu plus de speed pour beurrer les tartines ou se coiffer ….
Ce matin-là, j’ai pensé que j’aurais eu envie que ce soit elle qui eut partagé ma couche, pour que mon envie ne s’échoue pas dans le cimetière des envies frustrées, où il ne reste plus guère de place que pour la fosse commune, et, comme le chante Émilie Loizeau, les concessions !
Et ce soir, en rédigeant cette note, je songe que le moment impossible à vivre, dans l’équilibre actuellement trouvé, c’est la surprise. Comment être surpris par une épouse qui a oublié (ou n’a jamais connu/compris) cette composante du désir ? Comment être vraiment surpris par une amante dont je sais la vivacité du désir et l’heure précise de notre prochain rencontre, au-delà des surprises « programmées » dont on peut parsemer nos rendez-vous ?
Ce matin-là, j’ai songé que si H*** était là, elle qui me dit chaque jour ou presque son envie de moi, de me sucer ou de sentir mon sexe en elle, je me suis dit qu’elle n’aurait pas hésité une seconde et que, une minute durant, deux peut-être, elle aurait pris le temps de ce jeu, même si le prix à payer sera un peu plus de speed pour beurrer les tartines ou se coiffer ….
Ce matin-là, j’ai pensé que j’aurais eu envie que ce soit elle qui eut partagé ma couche, pour que mon envie ne s’échoue pas dans le cimetière des envies frustrées, où il ne reste plus guère de place que pour la fosse commune, et, comme le chante Émilie Loizeau, les concessions !
Et ce soir, en rédigeant cette note, je songe que le moment impossible à vivre, dans l’équilibre actuellement trouvé, c’est la surprise. Comment être surpris par une épouse qui a oublié (ou n’a jamais connu/compris) cette composante du désir ? Comment être vraiment surpris par une amante dont je sais la vivacité du désir et l’heure précise de notre prochain rencontre, au-delà des surprises « programmées » dont on peut parsemer nos rendez-vous ?
Illustration : Vladimir Borowicz
Résignation ? Lucidité ?
moi c’est a 7.29 France Inter etc.
sais pas comment tu fais pour avoir des envies quand tu dois stresser pour aller bosser et pas arriver en retard…y aurait un truc, mettre le reveil 15 min avant, de temps en temps, par surprise, justement…
@ Celenee > Résignation : goumpffff… Lucidité : hélas…
@ columbine > Ahhhh voilà ! C’était un truc que je voulais mettre dans cette note (écrite en plusieurs bout) et ça m’a échappé.
Je voulais dire qu’évidemment, c’était plus simple le samedi ou le dimanche, quand on avait le temps. Mais que, pas tous les jours, loin de là, mais une fois de temps en temps, ça serait bon, quand même, que se glisse le grain de sable dans la mécanique bien huilée des matins en semaine. Je demande « juste » ça : du désir qui s’exprime hors du cadre… Ben c’est pas simple !
ben c’est pas simple….
Est ce que cela l’est pour nous ?
pas tout le temps. Enfin calé nos envies je veux dire …
Cui chéri : on ne peux pas tout avoir ! on ne peut être et avoir été. un bonheur est tout le bonheur. deux et c’est comme s’il n’existait plus (L’histoire du Soldat, 1917. texte de Ramuz, musique de Stravinski).
Et comment se serait comporté la désirante H*** après 14 ans de vie commune et 2 gamins ?
Ceci dit, 7h34 : quelle grasse-matinée !!!
Bise
c’est là toute la différence entre des amants qui ne veulent pas perdre un moment une seconde parce qu’ils savent que cet instant ne leur sera peut-être pas offert le lendemain et les couples qui se disent « bof, aujourd’hui, je n’ai pas le temps/envie, on verra ça demain, ou ce soir, il sera toujours temps » n’est-ce pas un genre d’urgence, au delà de la surprise, qui manque ? Urgence qui est difficile à entretenir et raviver au fil des ans. Et d’ailleurs, la frustration d’une envie inassouvie n’accroit-elle pas le plaisir une fois celui-ci – enfin – satisfait ?
@ X-Addict > Bien sûr que ça n’est pas simple. C’est vrai que dans ma petite histoire, je suis partie de mon envie à moi, de sentir un désir se poser sur moi, et que son absence m’a frustré. Mais je voulais dire que je regrettais, plus généralement (ce n’est pas la première fois d’ailleurs que je m’exprime sur ce sujet, on va croire que je radote), c’est que cette absence soit généralisée ; même quand moi-même, je ne serais pas en demande, je crois qu’il est bon de sentir le désir de l’autre se manifester en dehors des plages « prévues à cet effet ».
@ blabla_sage > À propos d’être et d’avoir été, j’avais déjà apporté une réponse définitive ici :
http://commeuneimage.hautetfor.....ume-i.html
Je ne sais pas comment serait H*** au bout de 14 ans et deux enfants, mais moi, au bout de 14 ans de vie commune et deux enfants, mon désir pour M*** se manifeste encore en dehors des clous.
@ une blonde dans la ville > La somme de ces frustrations, c’est ce qui fait de moi un homme infidèle. Le pari est donc un peu risqué. Tu vois, en l’occurrence, ce matin-là, s’il y avait eu « amorce » de quelque chose, là, pour le coup, on aurait par manque de temps abouti à une autre frustration, elle porteuse de plaisir plus grand au moment de sa concrétisation.
ah tu vois que les quickie, c’est bien aussi… :-)
La surprise, c’est la rencontre… La rencontre, tu sais ce truc qui te bouscule vers une direction imprévue, ce petit plus excitant…cette nouveauté
Cela étant, certains hommes arrivent à me surprendre par leur constance, leur forme de fidélité qui m’émeut et m’étonne à chaque fois, la permanence de leur désir dans l’impermanence de mes états…
Bises; au plaisir d’une rencontre…
J’M.
Cher ami,
Si un homme que tu ne connais pas t’arrête dans la rue aujourd’hui pour te remercier, ne t’inquiète pas… c’est mon mari!!
J’ai lu ta note hier soir tard en rentrant , et ce matin au réveil (7H00 chez nous!), alors que j’allais me lever …comme d’habitude..la vue de mon mari nu, une pensée vagabonde, et ..ben je me suis forcée un peu…
et c’est à là santé de tous les maris, à la santé de toutes les épouses (dont je suis) qui oublient parfois leur mari, à la santé de toutes les amantes (dont je suis) qui disent leur envie à un autre…..que je l’ai divinement sucé!
oui oui, parce que crois moi, cette pipe prit soudain valeur de symbole et… je me suis appliquée..;-))
En lisant le commentaire de blabla sage, une peur soudaine m’a assaillie: un jour, c’est sûr, on va trouver ici un commentaire de madame C.U.I.
Si j’ai pensé à ça c’est sans doute à cause des précisions temporelles (que tu pourrais avoir modifiées bien sûr) mais aussi parce que c’est bien la première fois que je sens du « moins » dans ton couple. C’est difficile à préciser, mais j’ai bien l’impression que c’est la première fois que je lis ici un regret et non un équilibre. Souvent tu parles de tes amantes comme des contrepoints, des compléments à l’amour que tu portes à ta femme, comme un renfort de couple, en somme, qui ne le remet plus en question depuis que tu as pris une certaine décision, et là, j’ai bien l’impression que ça flanche, parce que renoncer à la surprise est impossible.
Contrairement à Six, des regrets et des frustrations, j’en ai lu des tas sur ce burp. Je me demande très sincèrement comment on peut accepter de vivre ce genre de relation faite de frustrations, comme le souligne Celenee, comment on peut se résigner à ce point, comment on peut attendre si peu de son couple pour choisir un partenaire sexuellement incompatible et rester avec la dite personne pendant des années et des années. J’en serais incapable.
CUI : On ne va pas croire que tu radotes. Tu radotes.
Cécile : renoncer à vivre au quotidien avec ses enfants encore petits n’a vraiment rien d’évident et je conçois moi que l’on puisse renoncer à son propre bonheur au nom d’un idéal familial (même si j’en serais moi aussi incabable). De mon côté, ce qui me surprend le plus, c’est comment CUI peut être affecté par la reproduction de comportements qu’il observe depuis des années. Et comment surtout il peut encore espérer que ces comportements pourraient changer.
@ Justine Miso. > Je n’ai pas dit que les quickies, ça ne valait pas tripettes, je dis juste que ça ne peut pas être avec n’importe qui n’importe quand (en particulier je pense que ça demande une certaine connaissance de son partenaire, pour être pertinent dans le « quand » et dans le « comment »).
Au plaisir…
@ alexa > Chère déesse de la fellation, je me réjouis d’avoir pu faire 1,5 heureux grâce à mes écrits (comme quoi, Pedro, radoter n’est pas toujours vain). Je te compte dans les 1,5.
Je n’ai pas eu le plaisir de le croiser pour savoir comment il avait été divinement sucé, tu seras donc obligé de m’expliquer ça toi-même.
@ Six > Je confirme ce que disent Cécile et Pedro après toi : ce type de billet apparaît de temps à autre. Il y a des temps pour les messages positifs, d’autres pour les messages négatifs. Aucun des deux, isolés, ne traduisent la réalité de la situation, il faut les pondérer.
Bref, je sais être patient. Mais je crois que ce qui me donne la force de continuer, justement, c’est ce refus de renoncer. L’espoir fait vivre…
@ Cécile de Quoide9 > Je ne me résigne pas, justement, je ne me résigne pas. Mais je sais « faire avec », avec le principe de réalité. Je pensais l’avoir expliqué à de nombreuses reprises, ça aussi, pourtant… Pourquoi je reste avec ma femme malgré TOUTES CES FRUSTRATIONS… Parce qu’il y a aussi TOUS CES PLAISIRS que j’ai avec elle, dont je parle moins souvent (forcément, puisque je ne parle beaucoup de cul ici, et que ce n’est pas son fort, et qu’a contrario je parle peu de mon foyer).
@ Pedro > Je radote, mais tu vois que ça n’est pas inutile et puis la vie est aussi faite de répétitions, mon burp n’y échappe pas (ok, justification foireuse, faudra faire avec).
En outre, je crois que j’ai raison d’espérer puisque, de facto, certains comportement ONT changé. Je ne crois pas que tout soit à jamais gravé dans le marbre, ni dans ce que je suis, ni dans ce qu’elle est.
Renoncer à croire que les choses peuvent changer, c’est un bien grand deuil,
toute chose en vie est en mouvement…
en revanche Einstein disait :
« la folie est de toujours se comporter de la même maniere et de s’attendre à un resultat different »
est ce que monsieur CUI doit attendre et esperer que mme CUI change, ou est ce que monsieur CUI doit changer et esperer que mme CUI change….?
qui peut/doit mettre le grain de sable? et pourquoi pas un grain de riz ou grain de couscous? la machine n’est elle pas trop bien huilée et ds son fonctionnement et ds ces tentatives d’enrayage?
heu..comme d’hab …juste un partage de questions..de pistes..de reflexions..
Alexa : Pour moi CUI doit accepter sa femme comme elle est et pourquoi pas demander et espérer qu’elle change. Ou bien se casser.
CUI : et face à ces changements, tu as changé toi ? tu es plus heureux ? épanoui ? moins frustré ? moins frivole ?
Bien sûr, CUI. Je sais depuis le temps que je passe ici que tu tentes de réinventer.
pas de conseil je peux te dire donc.
Mais je voulais te dire que je l’étais parfois et sans doute elle aussi.
Garde espérance.
bien a toi.
oui, tiraillements entre idéal familial, idéal de sexe, idéal d’amour, entre résignation, respect de l’autre, réinvention………….rien de bien original finalement, notre lot quotidien!!
peut être que ta femme une fois couchée t’attendait pour te faire une surprise et qu’elle s’est endormie elle aussi frustrée?…
Plus je vous lis plus je me demande pourquoi vous avez choisi cette vie là…. Votre conscience vous a-t-elle fait défaut au moment de vos choix de vie ?
« En ce qui me concerne, je considère toutefois que faire des enfants est une forme d’engagement important, tant vis à vis de ma conjointe que vis à vis d’eux (sans pour autant les déifier) et je tiens à rappeler que c’est D’ABORD avec ma femme que j’ai choisi de vivre. Les enfants sont venus ensuite. »
CUI, extrait d’une réponse à un commentaire, dans Un Matin
Hé oui, c’est pour ça aussi (et peut être, qui sait ? surtout) qu’on l’aime bien ; Fidel, nán pas Castro -:) , plutôt à ses choix et à ses engagements ; même si quelque fois l’amour ne suffit pas…
Bon, je retourne derrière mes moucharabiés,
bises CUI
@ alexa > Einstein a toujours eu un problème avec la physique quantique !
Tu penses que ma femme pourrait glisser un grain de couscous ?
@ Pedro > Plus heureux, plus épanoui, moins frustré, oui, oui et oui. Moins frivole. Non, pas encore. Je crois que le temps joue contre la patience. Je m’adapte à la situation, en « temps réel ».
@ X-Addict > Merci de tes encouragements ! « Tu l’étais parfois », mais quoi ?
@ sélène > J’espère que ma femme n’est pas trop frustrée, j’adapte mon rythme au sien (et tu as raison : rien de bien original, je le dis toujours).
@ Thaïs > Nous avons eu ici plusieurs occasion d’échanger sur ce thème… Ma conscience me fit-elle défaut ? Oui ! J’étais très amoureux ;-)
@ MarieM > Eh bien je te félicite pour ta connaissance parfaite de ma vie, mon œuvre ! Oui, effectivement, il y a eu engagement (bon, n’empêche qu’en 2006 tout cela a failli voler en éclat, mais on s’est accroché).
..Du désir qui s’exprime « hors du cadre… »
C’est la définition de ce cadre qui est à définir.. si l’on demandait à votre épouse, elle tiendrait sans doute le même discours avec en mémoire un autre moment où elle aurait aimé que vous la surpreniez..
Je reste persuadée que nous sommes tous à un moment donné d’excellent amant(e) tout comme de médiocre époux(e)..il suffit de faire le tour de quelques forums et de réaliser que le merveilleux amant du forum infidélité devient le pitoyable époux du forum couples et déceptions..
Alors que faut-il? Je n’en sais rien.. je sais simplement que le fait d’avoir un amant(e) n’est pas synonyme d’un manque dans un couple.. je dirais que c’est plus une fantaisie que l’on s’offre..on aime son amant parce que justement c’est un « amant ».. et son mari parce que c’est « son mari »..On ne les choisis pas sur les mêmes critères et je dirais même (au risque de choquer) ils ne tiennent pas les même rôles. (J’accepterais volontiers que mon époux me gonfle.. mais en aucun cas mon amant..arrfff).
Que dire Cui (avant que Morphée ne me donne la fessée car je ne suis toujours pas dans ses bras !) ? Qu’elle me touche beaucoup cette note ? Qu’elle me rappelle de douloureux souvenirs : ne pas se sentir désirée par la personne que l’on aime. Le fait qu’il n’y ait pas de « réciprocité » dans l’envie de l’autre. Ça fait mal, alors qu’il n’y a rien de plus normal que d’avoir envie de dévorer celui qui prend toute la place dans notre coeur, avec lequel on pensait avoir des enfants et finir sa vie dans ses bras..
@ Athena » Oui, on peut avoir cette dychotomie là entre mari et amant. Et on peut apprécier aussi que les lignes bougent, que le trouble naisse de ce mari devenu un peu amant ou de cet amant aux airs de maris…
@ Agatha » J’espère que la fin de ta soirée avec Morphée n’était pas trop désagréable :-)