Il y a trois sortes de personnes : ceux qui savent compter et ceux qui ne savent pas compter.
A*** enroule ses jambes autour des miennes pendant que je commence mes va et vient. Je la regarde en la prenant entre mes bras. Puisque le baiser est interdit, je transgresse. Je pose doucement mes lèvres sur les siennes, puis je les écarte ; j’effleure son visage, ma bouche frôle ses joues, son front, ses paupières. J’aimerais de mon souffle léger qui caresse sa peau douce et chaude lui jeter un sort. Tu m’embrasseras ! Tu m’embrasseras ! Tu m’embrasseras ! Mais ça ne marche pas. Puisque je n’ai aucun talent de sorcier, j’essaye de me faire magicien mais ma baguette magique ne fera pas de miracle non plus. Nous prendrons du plaisir, mais ni elle, ni moi ne jouirons. Après avoir essayé différents machins et bidules, après avoir pris ce temps, indispensable, de découvrir dans l’intimité nos corps, je lui propose d’ouvrir la porte. Elle accepte. Je déverrouille donc l’accès à notre petit nid et nous reprenons nos butinages. Il me semble, parfois, entendre la porte s’ouvrir, mais mes yeux restent braqués sur A***, je ne sais donc pas si quelqu’un entre, ou ne fait qu’observer. Quelques temps plus tard, je trouve qu’il commence à faire soif, et personne ne nous a rejoints. Nous sifflons la fin du premier round. Nous nous rhabillons approximativement, abandonnant dans un coin de la pièce quelques pièces de tissus jugées superflues (rassurez-vous, nous restons très décents) et direction le bar.
A*** ne buvant rien, je prends seul une coupe de champagne et nous regardons les couples des alentours en discutant. Nous sommes justement à proximité immédiate d’un couple. Nous nous tournons vers eux, mais ils n’accrochent pas notre regard. Un autre couple s’approche d’eux et engage la conversation directement. Nous observons, nous écoutons, mais je ne sens pas de « créneau » pour m’immiscer dans leur conversation. Je me désole car j’imagine que A*** comptait sur moi, mais avoir de la bouteille ne me rend pas plus entreprenant pour autant. Nous sommes deux timides qui voyons filer sous nos yeux le gâteau convoité chopé par une paire de souris plus audacieuses que nous. Pour nous consoler, nous les suivons dans le corridor pour observer, à travers le hublot, la façon dont ils vont jouer ensemble. Ils ont opté pour la salle des miroirs. Ce sont les femmes, entre elles, qui ouvrent le bal. La plus âgée est la plus entreprenante. D’après l’oreille indiscrète de A***, elle aurait 40 ans (elle ne les fait pas du tout) et l’autre couple viendrait en club pour la première fois (ils n’ont pourtant pas froid aux yeux puisque c’est eux qui ont initié le contact). Le « nouveau » sera le troisième à entrer en piste, embrassant les deux femmes, puis se déshabillant tout seul (les femmes étant trop occupées entre elles pour s’occuper de sa chemise) pour pénétrer sa femme, entièrement nu à l’exception de ses chaussettes qu’il a gardé, ce que je considère comme une faute de goût (A*** s’en fout, elle). Tiens ! le beau gosse est un faux maigre !
L’autre homme reste contemplatif un bon moment avant de rejoindre ses camarades de jeu.
Je ne saurais plus vous dire ce qu’il advint ensuite, car c’est à ce moment qu’un homme s’est mis à nous faire la conversation. Je vois à son regard gourmand qu’il n’est pas insensible au charme de ma partenaire. Je me demande ce qu’il a fait de sa femme, « elle est au bar, elle va nous rejoindre » ment-il. Nous nous retrouvons donc à trois dans la cabine ferroviaire, je m’assure discrètement auprès d’A*** que la situation lui convient. Nous nous déshabillons prestement, A*** ne tarde pas à le sucer. Je ne me souviens plus trop ce que j’ai fait, je crois que je les regardais. Assez rapidement, il a enfilé un préservatif pour pénétrer A***. Je ne mettrai pas ma main à couper mais il me semble que c’était comme ça : A*** était allongée à l’entrée du matelas, lui était debout entre ses cuisses, moi j’étais agenouillé et je me faisais sucer. C’était tout juste le début que c’était déjà la fin. « C’était vraiment trop bon ! » s’excuse-t-il en se retirant. Quelques minutes plus tard, il a déjà disparu et nous ne le reverrons plus. Il nous en faut plus que ça pour couper nos élans et nous n’avons pas l’intention de nous arrêter en plein préliminaires ! Cette fois, nous laissons la porte grande ouverte, et pendant que nous faisons l’amour, quelques couples passent, curieux, jettent un œil, glissent un mot d’encouragement, poursuivent leur route. Un peu de temps passe et, tiens ! voici un couple qui réclame un peu de place sur le lit. Permission accordée, les voilà qui s’installent à côté de nous et s’affairent pendant qu’A*** et moi sommes emboîtés. Les caresses ne tardent pas à s’échanger et nous passons du côte-à-côtisme (il paraît que ça s’appelle comme ça) au mélangisme.
Et puis voilà qu’un troisième couple, inspiré, vient encore nous rejoindre, et nous l’accueillons dans un esprit très fraternel. Considérant que la cabine est désormais suffisamment remplie, ils la referment et va commencer une longue valse à six.
Oui, un peu trop longue pour que vous la livre de suite, un dernier épisode sera donc nécessaire pour clôturer mon récit.
À suivre, donc…
Illustration (ni plus ni moins contractuelle que les précédentes) de Vlastimil Kula.
[L’intégrale : Épisode 1 – Épisode 2 – Épisode 3 – Épisode 4]