[431] Comme un chat

J’avais laissé la veille le store du Velux ouvert. Je m’étais encore couché tard, à traîner sur internet. Elle dormait déjà depuis une petite heure. Généralement, quand je me couche, je baisse le store. Elle ne le fait jamais, par flemme sans doute, ou parce que cela fait partie des petites tâches que l’on s’est réparties tacitement. Je suis plus grand qu’elle, c’est donc moi qui tends le bras pour, le soir, laisser dehors la lumière des étoiles, le matin, laisser le soin au jour levant de baisser la facture EDF.
Il était 1h26 quand j’ai regagné la couche conjugale. Je me souviens bizarrement avec précision de ces horaires de coucher que je lis sur le radio-réveil à gros chiffres verts luisants. Je savais que le réveil serait difficile le lendemain, à cause de la fatigue accumulée toute la semaine. Ce serait vendredi, France Inter s’infiltrerait dans nos oreilles à 7h34 et nous réveillerait plus sûrement que les rayons du soleil, guère présent à cette heure-ci, à cette époque de l’année (le passage à l’heure d’hiver, ce serait deux jours plus tard).
Je le sentais mal, ce vendredi matin à 7h34, alors à 1h26 je n’ai pas baissé le store et j’ai souhaité que Phébus m’envoie quelques maigres photons, 6 heures et 8 minutes plus tard, qu’il m’aide un peu à attaquer cette journée.
 
☼ ☼ ☼ ☼ ☼
 
7h34…
Allez… 10 minutes de rab’ !
Clic !
 
☼ ☼ ☼ ☼ ☼
 
7h42 (en fait, la touche du radio réveil n’offre que 9 minutes de sursis)
Bon… Faut se lever, il faut préparer les filles, sinon on va être en retard… Le rituel du matin se met en branle, mais mon corps ne suit pas. Comme un chat, je m’étire sur les draps… Je m’allonge, m’étends sur toute la diagonale du lit. M*** est déjà levée, elle commence à s’agiter dans la pièce. Je ne suis plus couvert par la couette. Je donne donc à ma femme le spectacle de mon corps alangui, offert, paresseux.
Ce matin-là n’était qu’un matin ordinaire, un matin où le rythme imposé par l’organisation d’un matin ordinaire ne laisse pas vraiment de place aux pensées parasites. Tout y est minuté, ou presque. Pourtant, ce matin-là, j’aurais voulu qu’un grain de sable, si petit soit-il, se glisse dans l’engrenage. Qu’elle pose sa main sur moi, entre mes jambes. Qu’elle prenne peut-être ma queue dans sa main, pourquoi pas dans sa bouche, qu’elle profite de mon corps nu, offert à elle, pour me glisser un peu de son désir. « Non, bien sûr, on n’a pas le temps ce matin pour des folies, même pas pour un quicky. Mais voilà, je te donne un petit avant-goût de comment je vais te dévorer ce soir… ».
Ce matin-là, j’ai songé que si H*** était là, elle qui me dit chaque jour ou presque son envie de moi, de me sucer ou de sentir mon sexe en elle, je me suis dit qu’elle n’aurait pas hésité une seconde et que, une minute durant, deux peut-être, elle aurait pris le temps de ce jeu, même si le prix à payer sera un peu plus de speed pour beurrer les tartines ou se coiffer ….
Ce matin-là, j’ai pensé que j’aurais eu envie que ce soit elle qui eut partagé ma couche, pour que mon envie ne s’échoue pas dans le cimetière des envies frustrées, où il ne reste plus guère de place que pour la fosse commune, et, comme le chante Émilie Loizeau, les concessions !
Et ce soir, en rédigeant cette note, je songe que le moment impossible à vivre, dans  l’équilibre actuellement trouvé, c’est la surprise. Comment être surpris par une épouse qui a oublié (ou n’a jamais connu/compris) cette composante du désir ? Comment être vraiment surpris par une amante dont je sais la vivacité du désir et l’heure précise de notre prochain rencontre, au-delà des surprises « programmées » dont on peut parsemer nos rendez-vous ?

Illustration : Vladimir Borowicz
Illustration : Vladimir Borowicz 

[430] groumpf/isotope (SMS mon amour)

Pauvre lecteur et néanmoins ami que j’ai laissé seul et en plein désarroi face à cette série de petits textes, illustrés, sans explication, sinon quelques indices en commentaires, et ces titres reprenant systématiquement ces trois signes : S-M-S.
Short Message Service
, compagnon indéfectible de nos téléphones mobiles, que ferait-on sans ce petit complément d’âme à la voix offert par ces appareils désormais greffés à nos poches et sacs à main d’homo modernicus. Je ne vais pas vous refaire ici la success story de cette killer app, petit service ajouté presque par hasard à la norme GSM et dont le succès auprès du public n’avait absolument pas été anticipé. Pourtant, que d’usages possibles pour ces petits messages discrets qui permettent de communiquer de manière moins intrusive qu’un coup de fil ordinaire. La petite info clé envoyée à Dubosse (je me la joue Biba) en réunion, le billet d’excuse « je serai un peu en retard » que l’on envoie à son rendez-vous dans le métro à l’arrêt dans une station, quand on recapte enfin le signal.
Et évidemment, tous ces micro-textes où l’on dit à l’être cher son désir, son amour, ses craintes, ses envies. Forget me not

Ces cinq messages que je vous ai donnés à lire sont les retranscriptions verbatim (à quelques corrections mineures près – les prénoms n’ont pas été modifiés !) de messages trouvés sur mon propre portable. Écrits ou reçus par moi ? Retransmis ? Seulement tapotés ? L’histoire ne le dit pas mais qu’importe. Ils disent le plaisir passé ou à venir, ils disent le début et la fin, ils disent le désir ou le désamour.
Amis de la (grande) littérature, remercions ces ingénieurs enfermés dans des laboratoires des fabriquants de téléphone à la pointe de la recherche technologique d’avoir inventé la saisie prédictive (mode T9, iTap…) qui permet de taper vite des mots correctement graphiés et les messages étendus qui permettent de s’affranchir de l’ancienne limite de 160 caractères.

Petite parenthèse à propos de ces 160 caractères, j’avais lancé jadis sur un forum de Lycos un petit concours : écrire une histoire érotique en 160 caractères maximum. Le style SMS était, à titre exceptionnel et pour corser un peu le jeu, autorisé. Voulez-vous y jouer ?

clavier
Notre illustration :
clavier SMS pour le Nokia UU203 (prototype de 1889, non commercialisé)

 

Et à propos du mode T9, ceux qui l’utilisent ont certainement remarqué les petites bizarreries parfois surréalistes qu’il nous offre quand, écrivant un mot, on voit sous nos yeux en apparaître un autre.

Petit glossaire que je vous invite à compléter par vos propres trouvailles : 

  • Groumpf / isotope (oui, « groumpf » ne fait peut-être pas partie de votre lexique mais je l’ai ajouté au mien – je groumpfe bien plus souvent que je n’isotope, d’ailleurs).
  • Comme / bonne. Vous verrez si vous aviez « comme… » comme votre pseudo (bon, que je n’utilise pas non plus en signature de tous mes SMS. Vous pouvez m’appeler Jérôme).
  • Amour / bonus : à noter que c’est également « amour » qui se forme quand on commence à écrire « contre » ou « contraire »
  • Quête / queue (mais qu’est quête ?)
  • Sucer / puces (démangeaisons violentes…)
  • Chatte / chauve (une nuit sur le mont de Vénus…)
  • www / xxx / zzz  (on surfe, on s’embrasse ou on s’endort ?)

[427] Société Masculine Sodomite

coupleCher K. Je sors d’une réunion palpitante, dans laquelle j’ai croisé à nouveau quelques jolies jeunes femmes qui m’intéressaient il y a encore une semaine. Notre cinéma d’hier, notre chaste pelotage, mutuel, m’ont fait regarder ce soir du côté des collègues masculins. K, quand nous revoyons nous ? Je veux te prendre, je te désire, j’en suis maintenant conscient et certain… Ton aspirant amant, Laurent.

[426] Sé Mové Signe

ApocalypseBonne et jolie question… Je n’ai pas de réponse qui se satisfasse d’être envoyée par SMS. Cependant J., je vous en prie, le monde ne s’écroulera pas lorsque nous passerons nos jeudis l’un sans l’autre. Le monde s’est déjà écroulé il y a quelques temps. :) Votre dévouée Pandore, au bain.