[320] « Amora, c’est moi »

– «Moi, j’ai la lèvre humide, et je sais la science
De perdre au fond d’un lit l’antique conscience. (…) »
Charles Beaudelaire – Les Métamorphoses du Vampire

Rebond, suite à la thématique « quand j’étais un fake » qui donna lieu, chez Vagant, à la publication de plusieurs notes autour de l’usurpation d’identité, Internet ouvrant à chacun la possibilité de facilement se faire passer pour ce que l’on est pas et, selon son talent, d’abuser plus ou moins facilement ses contemporains (lesquels peuvent d’ailleurs être eux-mêmes en train de jouer la comédie), usurpation portant notamment sur l’identité sexuelle, et plus précisément : se faire passer pour une femme alors qu’on est un homme.

Il faut dire que pour des raisons sociologiques et techniques, la fréquentation d’Internet (et tout autant de son ancêtre français le Minitel) était majoritairement masculine. Quelles raisons ? D’une part, parce que le Minitel et l’ordinateur étaient des outils « masculins » et d’autre part parce qu’un des buts des outils de communications électroniques étant de baiser, il semblerait que les mâles soient dans cette recherche plus actifs que les femmes.

Je parle à l’imparfait parce qu’il ne vous aura pas échappé que l’outil « ordinateur » s’est très largement, depuis, féminisé et démocratisé. Une grande majorité des employés de bureau en sont désormais équipé et cela vaut évidemment pour les femmes. Que le regard « social » sur la rencontre par Internet a beaucoup changé. Avant, c’était un truc de pervers, maintenant, c’est un truc (vaguement) branché. Mais pour avoir connu les débuts du Minitel, je peux vous dire que la gent féminine y était particulièrement sous-représentée et (ne rigolez pas) une bonne partie des femmes qu’on y croisait étaient des secrétaires. Récapitulons : du côté des hommes (90% des connectés), surreprésentation des informaticiens, du côté des femmes, surreprésentation des secrétaires puis des profs. Dans tous les cas : des habitués du clavier et du langage écrit.

Restons justement à cette époque préhistorique, nous sommes avant les années 1990. François Mitterrand est Président de la République et Charles Pasqua est Ministre de l’Intérieur. À peu près concomitamment à sa fameuse déclaration « Il faut terroriser les terroristes », Pasqua avait décidé d’emmerder un peu l’industrie du sexe sur Minitel qui semait la débauche et la dépravation des mœurs. À l’époque, j’étais un minitelliste acharné ; je passais des heures et des heures à discuter avec n’importe qui. Je ne fréquentais pas les sites dits « roses » mais ceux dits « conviviaux », où il n’y avait pas d’animatrice mais éventuellement juste quelques surveillants qui vérifiaient s’il n’y avait pas des racoleurs.

Animatrices, surveillants, racoleurs ? Kézako ?

medium_minitel.jpgAlors je dois vous dire qu’à l’époque du Minitel rose, la plupart des sites étaient payants, donc, en 3615. Chaque minitelliste connecté apportait de l’argent à France Telecom et à l’éditeur du service concerné. Éditeur parce qu’au début du Minitel, il fallait disposer d’un numéro de commission paritaire pour ouvrir un service Minitel. C’est pourquoi parmi les sites les plus connus (et qui, je crois, existent toujours), il y avait des services édités par Le Nouvel Observateur (sa messagerie phare : Aline), Libération, Le Parisien, Elle, etc. On vendait au client (un mâle, généralement) la promesse de conversations possibles avec des demoiselles chaudes, vicieuses, disponibles, et qu’ils pourraient même, peut-être, s’ils étaient doués, rencontrer. Évidemment, ces demoiselles n’existaient pas vraiment. C’était des a-ni-ma-trices, euphémisme pour désigner des personnes, mâles ou femelles, d’ailleurs, qui se faisaient passer pour des demoiselles à la poitrine généreuse et aux mœurs légères et dont le rôle était de faire bander le client et, surtout, le faire rester en ligne le plus longtemps possible. Comme ces services de « Minitel rose » étaient très lucratifs, les éditeurs missionnaient des animateurs –trices pour aller chercher, sur des sites concurrents, des clients. Genre : sur 3615 NINI, les filles sont plus cochonnes, rejoins moi !

Il y avait donc des surveillants pour vérifier qu’il n’y avait pas de racoleurs sur leurs sites. S’ils repéraient des messages douteux, ils disposaient de commandes spéciales qui leur permettaient de déconnecter le gêneur.

Ou, plus subtilement, de le rendre « muet », c’est-à-dire qu’il restait connecté mais que personne ne recevait ses messages (du coup il restait connecté et rapportait de l’argent).

Bon, inutile de vous dire que je n’allais pas sur ces sites à la noix, moi ça ne m’a jamais excité le sexe virtuel. (Euh ? vous me croyez ?) J’allais sur des sites dit « conviviaux » et pas cher : en 3614 ou, mieux, en RTC. RTC = Réseau Téléphonique Commuté, c’est un truc où l’on appelait directement un numéro qui devait évidemment être à proximité, genre 626 27 39 (ben oui, 7 chiffres, quoi), et si on appelait au bon moment, avant la généralisation des centraux électroniques, on pouvait rester toute la nuit connecté pour une seule unité téléphonique. Oui, toute une nuit pour 0,73 centimes de franc. Incrédibeul.

Bon, eh ben sur un de ces sites « conviviaux », j’ai convivialement rencontré Marie-Claire, alias Capucine (M-C, si tu me lis, envoie moi un message !). Elle bossait d’ailleurs pour un éditeur, les Éditions Nouvelles, rue de Dunkerque, à Paris. Je ne sais pas si ça existe toujours. Probablement oui. Les Éditions Nouvelles, elles éditaient des magazines drôlement nouveaux, genre « lettres de femmes », vous voyez le genre, des confessions zérotiques illustrées d’images pornos. Comme j’étais une sorte de star du graphisme vidéotex à l’époque (oui, oui, on peut se marrer, mais les aventures de Nono, le Neurone, ça valait bien ce burp), on m’avait proposé de faire des images cochonnes pour un service cochon de cet éditeur, mission dont je n’ai pas su m’acquitter, j’étais bien trop nul en dessin, en revanche, on m’a proposé, et ça c’était plus dans mes cordes, d’écrire des confessions érotiques, qui étaient publiées sur un des sites X de cet éditeur. C’était plutôt bien payé, 100 F (15€ : je traduis pour les mineurs qui seraient tombés sur cette note) pour quelques feuillets. Sachant qu’un « feuillet » Minitel correspond à une vingtaine de ligne sur 40 colonnes (soit, au grand grand maximum 1000 signes, espaces compris – à titre de comparaison vous venez d’en lire plus de 6000). Ça me prenait donc une vingtaine de minute, guère plus, inspiration comprise. Du haut de mes 19 ans, avec une expérience sexuelle bien modeste, je crois que j’arrivais à puiser l’inspiration dans mon imagination et dans ce que j’avais pu lire, voir ou entendre par ailleurs, et que je ne devais pas trop mal m’en sortir. Je n’ai rien gardé de ces écrits volatils, hélas, et évidemment il est un peu tard pour le regretter, mais j’aurais bien aimé savoir si mes écrits d’alors étaient vraiment érotiques, pas trop naïfs ou conventionnels. Je me dis que mon style devait déjà être celui que vous connaissez – et j’espère appréciez, sinon vous ne seriez pas là – en devenir en tout cas.

J’avais choisi comme nom de plume Amora. J’incarnais un personnage féminin, bien entendu, de mœurs assez lestes, mais loin de la bimbo. Une femme que j’aurais aimé désirer. Amora, je trouvais ça chouette, comme pseudo, entre Amour et la moutarde, on pouvait s’attendre à des histoires de cul épicées. Pas tellement d’amour, certes, mais du désir.

Je ne me souviens plus des histoires que je racontais, sauf d’une seule, dont je me souviens même du titre : Place Vendôme. Il s’agissait d’un trio impliquant mademoiselle Amora et deux hommes. Je m’en souviens particulièrement parce que c’était une histoire dont j’étais assez fier, entre glamour et lubricité et que j’ai dû l’écrire deux fois.
La première fois, elle fut censurée. Jugée trop hot. Il faut dire que c’était justement le moment où Pasqua avait décidé de jouer un peu les moralisateurs du Minitel Rose, et que du coup les patrons de ces sites serraient un peu les fesses. Mais les culs ne restèrent pas longtemps serrés et quelques mois plus tard, l’étau relâché, j’offris à nouveau au public ma Place Vendôme afin de toucher mes 100 balles durement mérités.

Le seul souvenir papier que je garde de ces écrits, ce sont les feuilles de cotisation à la caisse de retraite en temps que pigiste.

medium_minitel.gifUn peu plus tard, et plus brièvement, je participais à une autre expérience plutôt amusante (et très mal payée) : celle d’animateur (ou plutôt d’animatrice) Minitel. Le travail consistait à se connecter, selon un planning horaire convenu, sur un service de minitel rose (accès 3614 pour les anim’) et, armé des commandes spécifiques dédiées à cet usage, d’y créer une panoplie de pseudonymes, très majoritairement féminins avec leur CV associé. CV ne signifie pas ici Curriculum Vitae mais plus simplement Carte de Visite. Elle consiste, en quelques lignes, à préciser qui l’on est et ce que l’on recherche.

Exemples :

« JH 22A PARIS CH JF SALOPE »

« JF 1M67 52KG 90B CH JH CEREBRAL »

Ce genre de choses…

Je me connectais donc, je créais mon armée de « fantômes » (c’est ainsi qu’on les appelait) et j’attendais de ferrer le client, c’est-à-dire le connecté naïf qui pensait pouvoir trouver ici galante compagnie féminine. Le service sur lequel je travaillais (totalement oublié son nom) était totalement pervers : le connecté de base n’avait en effet pas la possibilité de s’adresser à quiconque, à part aux animateurs, qui étaient les seuls à recevoir leur message. Les connectés étaient « gelés » et seul un animateur pouvait les « dégeler ». Ce qu’on ne faisait généralement pas, sauf pour les quelques vraies femmes qui s’égaraient sur le site, après qu’on s’était assuré qu’il ne s’agissait pas d’une racoleuse. Hormis ce petit travail de gestion (surveiller les connectés, rafraîchir de temps à autre la liste des fantômes pour simuler les allées et venues), l’essentiel du travail consistait donc à causer aux mâles en rut venus ici pour dialoguer avec des femmes chaudes et faire en sorte de les maintenir connectés le plus longtemps possible évidemment.

C’est ainsi que je mis mon art du verbe et ma science des ressorts de l’âme humaine au service d’un éditeur de service télématique mû par l’appât du gain sur le dos d’hommes naïfs guidés par leurs hormones. Oh ! qu’il était facile de les tromper, ces hommes, il suffisait de leur donner exactement ce qu’ils cherchaient, du dialogue coquin, de la pornographie plutôt bas-de-gamme (parfois un peu plus haut-de-gamme, quand ils avaient du répondant, les scénarios devenaient un peu plus riches : ces exercices m’auront probablement aidé à développer mes talents de conteurs de fantasmes). Je profitais de l’occasion pour une petite étude sociologique et dressait le Top 3 des fantasmes masculins :

  1. Les gros seins
  2. La sodomie
  3. Le trio (avec deux femmes)

Dix ans plus tard, ce tiercé n’a guère dû évoluer.

Je m’amusais aussi à tenter (en vain) de draguer les autres animatrices dont je savais qu’elles étaient de vraies demoiselles et nous rivalisions ensemble pour savoir qui était l’anim la plus efficace. J’étais en tête sur 1/ le nombre de caractères frappés à la minute et 2/ le nombre de caractères par message mais Scarlett (une jolie brune) me battait sur 3/ le nombre de messages par minutes. Vous aurez compris qu’elle les faisait plus courts, moi j’étais déjà mû par la conscience professionnelle tournée vers la satisfaction du gogo client.

[319] Mon cul

J’étais ce soir à la rencontre de *** et que trouvé-je à mon retour, ma boîte aux lettres dégoulinant de message parlant politique. Ça s’étripe, et puis finalement, ça finit par trouver un point d’entente : mon cul.

Je pourrais dire « c’est du poulet », mais on y lirait une allusion à un récent Ministre de l’Intérieur et la polémique repartirait de plus belle. J’ai confirmé ce soir, en mon for intérieur, cette double certitude : 1/ On va se taper 5 années de S…arkozy 2/ On se consolera dans le S…tupre.

Alors, comme je n’ai pas de photo de fesse sous la main (et vice versa), voici à cette heure tardive un petit copier-coller. Une lectrice s’enquérait auprès de moi des suites des aventures d’Électre…

Prenez et mangez-en tous.

₪ ₪ ₪

  • elle : il faudra que tu me racontes la suite de la note, ceci dit :p
  • moi: ah, ça finit assez mal en fait. On baise plus que de raison (electre trop nique), on passe des heures au tél (électre au phone) mais on finit par se quitter violemment (électre oh : cut)
  • elle : et l’electro choque il est où là dedans ? dans les réactions de tes lecteurs ?

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₪ ₪ ₪

Bon, mon explication ne l’ayant pas rassasiée, il y a une version longue :

  • elle : certes,  mais on ne sait pas ce qui s’est passé  (dit la fille qui disait ce matin qu’elle préférait faire travailler son imagination)  ahum
  • moi: ça t’intéresse de savoir ?
  • elle : ben oui !
  • moi: J’ai continué de la coincer entre la bibliothèque et moi  je pressai mon ventre contre ses fesses et elle se tortillait un peu  j’ai remonté son t-shirt pour voir ses deux seins nus
  • elle : (ah mais c pas juste de me raconter ça maintenant, je dois y aller !)  (elle est de dos non ?)
  • moi: je l’ai pelotée comme un sauvage,  (oui elle est de dos mais c’est elle qui a du mal à me voir, moi je la vois bien) j’ai déboutonné son jean
  • elle : évidemment… rah me faire ça alors que je suis dans un tel état, c pas juste !
  • moi: je l’ai baissé jusqu’aux genoux à peu près, j’ai mis un doigt dans sa chatte et j’ai vu qu’elle était suffisamment trempée alors j’ai dégrafé mon jean à moi, jusqu’aux mollets, en chopant la capote qui était dans la poche arrière  et crac, je l’ai empalée
  • elle: miam
  • moi: ça ira pour ce soir ?

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi je préférais quand on laissait travailler notre imagination… 

[318] Prière d’insérer

Puisque mon burp s’autorise à refroidir les ardeurs de ses lecteurs en glissant sournoisement entre deux histoires de cul des messages à caractères politiques, on nous demande de publier ici l’image ci-dessous. 

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Je l’accompagne d’une petite remarque à caractère acerbe. J’ai entendu un journaliste parler d’Enrico Macias, soutien de Nicolas Sarkozy, comme « caution de gauche ». J’ai entendu ledit chanteur (qui a peut être pressenti dans les 31% de votants pour Sarkozy un public potentiel pour ses albums en mal de vente, ou bien qui a des problèmes avec le fisc et on lui aura promis que… ou bien on lui a volé son scooter et Nicolas lui a promis de ficher l’ADN du monde entier, dans un grand élan fraternel, pour le retrouver ?) vanter le cœur de son favori, qui serait le candidat de la solidarité : quand on voit comment il (Sarkozy, pas Macias) appliqua solidarité et fraternité à la mairie de Neuilly notamment en terme de logement sociaux, on se dit que, vraiment, il a donné tous les gages d’une action sans reniement).

Bref, même si j’appelle de mes vœux un rassemblement au centre, je sais encore la différence entre « la gauche » et « la droite », et si les mots ont encore un sens, je ne vois pas comment on peut être « de gauche » et soutenir « Sarkozy ». Je ne dis pas qu’on ne peut pas changer d’avis ou de bord, libre à chacun, je dis qu’il faut appeler un chat un chat.


 

[ Addendum de 10h23 ]

PS (sic) :  Nicolas Sarkozy, qui n’est pas à une promesse démagogique près (NB : je reconnais qu’hélas Ségolène Royal ne s’en n’est pas privée non plus) a indiqué qu’il n’y aurait plus de S.D.F. d’ici deux ans. Que va-t-il donc advenir de notre mendiant de l’amour ?

[317] La ménagère de moins de 50 ans est une sacrée salope

Je suis tombé ébahi devant cette publicité découverte mardi tandis que je roulais à vélo. Mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai posé pied à terre, n’écoutant que mon courage je traversais vaillamment la chaussée pour me placer approximativement en face du panneau et clic, je déclenchais.

medium_telemarket.jpgLe résultat : jugez-en par vous-même. J’avoue que je ne sais pas trop comment commenter. Si on réfléchit un petit peu à ce que sous-entend ce slogan choc, où aller. La voie du politiquement correct : dénoncer cette publicité qui fait l’amalgame entre la femme au foyer (c’est elle qui fait les courses en général) et une pute/salope ? La voie grivoise : se réjouir de ce jeu de mot pour le moins osé qui va faire bouger les tabous (tu parles, Charles) ? Je crois que je suis un peu consterné.

Les marques de luxe avaient inventé le « porno chic ». Le supermarché par internet invente le clin d’œil porno. Je ne lui souhaite pas longue vie (ou alors avec un peu plus de finesse et de talent ).

[316] Virage électro

Électre, ô Électre, pourtant je t’avais bien dit de ne pas me tourner le dos, mais je crois que tu l’as fait exprès.

Tu as commencé à regarder le contenu de l’étagère, parcourant tous ces bouquins en lâchant de temps en temps un « hmmm », en en saisissant un par la tranche pour jeter un œil à la couverture, la quatrième de couv’, faisant courir les feuilles comme si c’était un de ces petits albums dessinés qui s’animent en tournant rapidement les pages et passant au suivant.

Tu t’es baissée un peu pour saisir un Sagan, ça devait être trié par ordre alphabétique, et c’est à ce moment-là que je me suis glissé derrière toi. Ton cul a un peu cogné le haut de mes cuisses, tu as fait comme si je n’étais pas là mais pourtant de dos j’ai vu tes joues devenir écarlates. J’ai saisi les deux passants de ton jeans et j’ai collé mon bassin contre tes fesses. Tu as senti ma queue gonfler un peu plus mais elle était déjà presque au max. Mes naseaux ont soufflé dans ton cou un air chaud puis ma bouche s’est plantée dans ton cou pour un baiser se terminant en morsure.

Je t’ai plaquée contre cette bibliothèque et ma main s’est engouffrée sous ton T-shirt, droit sur ton sein. J’avais repéré tout à l’heure que tu ne portais probablement pas de soutien-gorge ce soir et j’avais vu juste. Ton téton était déjà érigé, je l’ai pressé doucement entre le pouce et l’index et je t’ai glissé à l’oreille : « Électre, on nique ? ».

Tu étais d’acc’ mais tu m’as demandé d’éviter à l’avenir les jeux de mots foireux.

 

[314] L’important c’est la consigne

Petit billet désespéré et probablement inutile, s’adressant à l’étroite frange de mon électorat qui ne saurait pas encore comment voter ou ayant l’idée étrange de vouloir voter pour celui qui me paraît l’un des pires candidats éligibles (et j’expliquerai brièvement pourquoi) à une élection présidentielle depuis bien longtemps.

On se souvient que 2002 fut l’année de l’élection qui apporta à la gauche un choc majeur que peu avaient senti venir : l’absence d’un de leurs représentants au second tour. 2007 se présente différemment : ce choc de 2002 est dans tous les esprits, d’une part, la gauche s’est un peu moins dispersée dans ses candidatures (même si la multiplication des candidatures d’extrême-gauche reste un phénomène étrange et pénible), d’autre part, le « vote utile » est assez ancré dans les esprits (à cet égard le très faible score que les sondages donnent actuellement aux Verts – pour autant que ces sondages soient crédibles – me semble assez symptomatique) et, en ce qui me concerne, je ne pense pas que Ségolène Royal soit absente du deuxième tour. Évidemment, rien n’est acquis d’avance, et il convient à tous, quel que soit ses intentions de vote, d’accomplir son devoir civique et d’aller bourrer légalement les urnes (je mets « bourrer » qui peut avoir une légère connotation sexuelle mais je ne crois pas que cela suffise à décider Anne Archet de se déplacer – ah mais on me signale dans l’oreillette qu’elle est Canadienne, au temps pour moi).

tableau de chiasse

La différence, c’est que 2007 arrive avec un danger qui me paraît singulièrement plus élevé et grave dans ses conséquences : c’est Nicolas Sarkozy. Rarement candidat éligible aura suscité une telle haine dans le camp d’en face. J’ai lu je-ne-sais-plus-qui qui disait que c’était une grosse connerie de dire que Sarkozy était dangereux, mais je la fais mienne, cette grosse connerie, j’assume d’être con et d’avoir peur de ce type dont je considère, sans exagération aucune, que c’est de la graine de despote. À titre d’illustration, on peut voir comment cet homme verrouille les médias et ne cesse de vouloir augmenter sa mainmise dessus : copain de Martin Bouygues, copain de Lagardère, copain de Rotschield (Libération !). Vous l’avez déjà vu à l’œuvre : censure d’un bouquin concernant sa vie privée, licenciement du patron de Paris-Match. Vous avez entendu parler sous cape de ses colères envers des journalistes « irrévérencieux » (sur France 3, dans Libération…). Il ne faut pas être dans le secret des dieux pour comprendre que ce n’est que la partie immergée de l’iceberg et que s’il accède « aux plus hautes fonctions », ça sera malheureusement pire.

Que risque-t-on ? Une dictature ? Probablement pas (à propos, avez-vous vu cette petite vidéo à la fois hilarante et inquiétante ?). Mais un noyautage des médias, oui, la mise en place de lois iniques (du genre de celles que Berlusconi, un machin comparable à N.S., a pu mettre en place en Italie, pour auto-amnistier ses manipulations économiques frauduleuses). Une politique toute entière tournée vers les entrepreneurs (cassage du CDI, annoncé dans le programme – le foirage du CPE n’a pas servi de leçon). J’ai ri jaune en lisant dans la profession de foi de Sarkozy qu’il voulait augmenter la rémunération des heures supplémentaires (le fameux mensonge « travailler plus pour gagner plus ») alors qu’il appartient au gouvernement qui les a abaissé de 20%. Oui, Sarkozy me fait peur parce qu’il annonce une droite « sans tabou », et que les tabous, il en faut pour conserver l’équilibre de la société. C’est même à ça qu’ils servent.

Alors, pas de chance, ami lecteur de droite (oui, c’est à toi que je parle, Roumi. Y’en a un autre ?), cette année pour voter à droite sans voter raciste, il n’y a pas un choix génial, et c’est donc Bayrou qu’il faut voter.

Ami lecteur de gauche, tu n’es pas non plus forcément très enthousiasmé par l’offre qui t’est faite cette année, mais l’heure n’est plus au cas de conscience. Si tu penses que la couche d’écologie pas encore sèche dont tous les candidats ont enduit leur programme risque de vite partir au lavage, ma foi, vote « Verts ». Si, contrairement à moi, tu n’es pas convaincu qu’un programme « à gauche toute » n’est pas totalement irréaliste compte tenu de l’environnement européen et mondial dans lequel nous baignons, alors je ne sais pas trop quoi te conseiller entre Buffet, Bové et Besancenot. Buffet incarne un PCF qui refuse jusqu’à en crever la rénovation, peut être faut-il lui apporter le coup de grâce pour en finir, et cela fera probablement aussi voler en éclat la ligne d’union politique PS-PC-Verts. Bové, pour moi, c’est une candidature de guignol (Bové m’énerve depuis un moment, faut dire), mais il incarne une ligne à gauche (légèrement) moins n’importe quoi que la Ligue Communiste Révolutionnaire (ah oui ! quand même) de Besancenot qui hérite du capital (sic) sympathie dont bénéficiait préalablement Arlette Laguiller, la marionnette de Lutte Ouvrière. Pour le reste, si tu te reconnais dans les valeurs portées par le Parti Socialiste, que tu ne veux pas d’une droite dure, que tu trouves Royal bandante ou pas, il n’y a pas vraiment de questions à se poser, de jeu de billard à 3 bandes à tenter (la tentation Bayrou me paraît, à cet égard, on ne peut plus tordue), il faut voter pour Ségolène Royal. À l’époque du vote interne au Parti Socialiste pour désigner leur candidat, je n’étais pas de ceux qui croyait « qu’elle seule [pouvait] battre Sarkozy ». Maintenant que c’est elle la candidat, alors oui, elle seule peut battre Sarkozy. Certes, il est évident que si le second tour opposait Bayrou à Sarkozy, ce serait le premier qui l’emporterait, mais ce cas de figure ne se présentera pas (mon pronostic pour le premier tour, c’est : 1-Royal, 2-Sarkozy, 3-Le Pen, 4-Bayrou : évidemment ce n’est qu’un pari, sinon à quoi servirait d’écrire ce billet si j’étais convaincu que tout été plié d’avance).

Personnellement, j’appelle de mes vœux, si mon pronostic est juste quant aux deux premiers (dans l’ordre ou dans le désordre), à un recentrage PS-UDF au second tour. Évidemment, ça n’a pas de sens au premier tour, parce qu’il faut que le PS montre ne joue pas les accessits. Évidemment ça ne fait pas plaisir à mes camarades préférant conserver la ligne de démarcation gauche-droite, et j’en ai entendu dire « quand même, l’UDF… » (bon, évidemment, UDF ça fait un peu penser à Giscard, mais n’oublions pas que ce rogaton appelle à voter Sarko). Mais je reste convaincu que le PS ne s’installera pas solidement au pouvoir en continuant à s’asseoir sur une base de majorité composée de partis plus à gauche, qui ne font que cracher sur lui puisque le programme mis en action n’est pas aussi à gauche qu’ils le souhaiterait, par pragmatisme. Comme Daniel Cohn-Bendit, comme Michel Rocard, comme François Bayrou (ahum), je crois à une alliance PS-Verts-UDF qui pourra s’installer durablement au pouvoir et gouverner solidement la France, entre pragmatisme économique et humanisme social.

C’est vrai que Jospin n’a pas mené une politique assez à gauche au goût de ses partenaires de la gauche pluriel. M’enfin, au bout du compte, après 5 ans de gouvernement, Jospin avait quand même un bilan nettement plus honorable à défendre en 2002 (dommage qu’il s’y soit si mal pris) que Sarkozy qui, bien qu’il ait beau parler de rupture, n’incarne pas moins le pouvoir sortant.

Haut les cœurs ! Et, en tout état de cause, votez ! Qu’une forte abstention ne soit pas à nouveau une triste composante de cette élection.