— Ton sexe a une odeur forte.
Quand je te tiens ces propos, tu m’interroges avec une ingénuité qui me désarçonne :
— C’est bien ou pas ?
Je ne sais que répondre à cette question à laquelle je ne m’attendais pas (il faut dire que je n’arrive toujours pas à intérioriser cet écart entre le magnétisme sexuel que tu dégages et ce statut de béotienne ès-libertinage que tu revendiques) alors ce qui me vient spontanément, c’est cette réponse :
— Ni bien ni mal, c’est une caractéristique, c’est tout, comme être blonde ou brune.
Mais cette réponse est un peu courte, jeune homme (oui, je m’auto-flagorne), alors je développe.
Je crois que j’ai poursuivi en te parlant des goûts différents que pouvaient avoir les jus de vos cons – certains plutôt salés, d’autres plutôt sucrés – mais j’ai omis de te dire qu’une odeur puissante comme la tienne est sinon rare, du moins peu fréquente. Certes, il arrivent que des femmes aient, de façon temporaire, une odeur sexuelle marquée. Cela peut venir d’une hygiène douteuse, d’une miction récente ou simplement une odeur de transpiration qui se mêle aux effluves du sexe. Mais en ce qui te concerne, c’est bien l’odeur seule de ta cyprine qui a cette caractéristique.
Je poursuis.
Puisque j’affirme qu’une odeur aussi marquée soit rare, je soutiens avec le même dogmatisme que cela pourrait rebuter des hommes (ou des femmes) et que par conséquent cette caractéristique puisse s’avérer plus un défaut qu’une qualité, ou plus précisément un facteur d’entrave plutôt qu’un facilitateur. Et soyons précis : ton odeur pourrait dissuader certains mauvais bougres de venir de leur bouche honorer ta chatte. Selon des statistiques dont je ne dispose pas, les hommes seraient moins généreux en cunnilingus que les femmes en fellation. Il y a même quelques femmes qui refusent de se faire lécher car elles estiment que cela abaisse leur mâle de partenaire. Pas propre, trop de poils, pas digne… Sent pas bon s’ajoute donc à une belle liste de prétextes – tus ou avoués – pour ne pas pratiquer le cunnilingus.
Mais oublions ces fâcheux et parlons plutôt des gens de bonne compagnie (dont je fais bien évidemment partie). Que voit-on sur l’avers de la médaille ? Le premier atout qui me vient à l’esprit, la madeleine qui m’accompagne après t’avoir baisée, c’est l’exhalaison de mes doigts que je hume à loisir pour prolonger l’ivresse de notre corps-à-corps. Le second est plus subtil, plus enfoui ; quand doucement sur ton corps je glisse, pour aller poser ma bouche entre tes cuisses et cueillir avec gourmandise ton fruit singulier, je me prépare à son fumet. Cette odeur qui est aussi goût, pour moi, c’est toi, comme en concentré.
Regard subjectif. De même que l’amour t’a toujours semblé exaltation de l’indulgence même – en cela bon et recommandable –, le désir excuse et fait chérir les petits défauts du corps de l’autre. Cette lèvre trop fine ou ces dents irrégulières acquièrent un charme à tout autre supérieur et, d’appartenir à l’homme désiré, deviennent un trait infiniment précieux.
Belinda Cannone – Petit éloge du désir – n° 124
Oui, certes, l’extrait ci-dessus (NB : je reviendrai plus largement sur l’opus cité dans un prochain article) évoque les défauts de l’autre mais il a valeur générale pour tout ce qui le caractérise (la somme de tous ces détails qui le rendent unique).
Comme, de plus, c’est souvent, mes lèvres gorgées de tes sucs, ma langue suçant ton bourgeon, mes bras solidement arrimés à tes cuisses (à moins qu’une de mes mains ne soit occupée à fouiller d’un ou deux doigts les secrets de ta chatte), que je sens ton corps se cambrer et que parvient à mes oreilles la mélopée annonciatrice de ton orgasme, tu comprendras pourquoi je chéris l’odeur de ton sexe.