Tout vient à point à qui sait attendre.
Laissez-moi vous parler un peu de nos coéquipiers. Le premier couple qui nous a rejoints doit avoir la quarantaine, peut-être un peu plus âgés que moi. Le physique de l’homme n’est pas très attirant. Il a une petite bedaine (non, je ne parle pas de la petite bouée dite « poignées d’amour » que certaines d’entre vous apprécient, je parle de la couche supérieure, celle qui se met derrière le nombril et qui n’est pas préhensible), le crâne très dégarni, des lunettes épaisses qu’il gardera toute la soirée. Il m’a fait tout de suite penser à un personnage d’Erma Jaguar, la bande dessinée d’Alex Varenne (notre illustration, que je me suis empressé de scanner, pour en faire la surprise à A*** qui sera la seule à pouvoir dire si, cette fois, l’illustration est contractuelle). Notons à son actif que la queue dont il était pourvu était d’assez belle facture, ce qui le rendait sur ce point également conforme à son jumeau de papier. Sa femme (disons plutôt sa compagne, je suis plutôt bien placé pour savoir qu’on ne va pas toujours dans ces endroits interlopes avec nos si pures épouses…), sans doute un peu plus jeune, était une belle plante, langoureuse et gracile, qui, pour le plus grand plaisir de mes yeux, resta tout le temps chaussée d’une belle paire de longues bottes en cuir fauve. Le deuxième couple devait avoir dans les 35 ans. Une femme qui, d’allure générale, ressemblait à l’autre (même corpulence, même chevelure, longue – quoi que brune, l’autre était châtain je crois). Son compagnon était plutôt beau gosse, le cheveu court et noir, la silhouette sportive. Tous les six, nous nous sommes, très spontanément, retrouvés dans une configuration particulière : un premier sous-groupe avec le bel homme et les deux femmes, le second formé par A***, moi et notre homme à lunettes, homme à quéquette. Je pense que c’est la configuration qui nous convenait à tous, puisqu’elle n’a quasiment pas évolué pendant tout le temps que nous avons passé ensemble – et nous avons passé beaucoup de temps ensemble.
Beaucoup d’hommes fantasment plus sur le trio avec deux femmes que sur celui où figurerait un autre homme. Quand je dis beaucoup d’hommes, je veux parler de l’immense majorité des mâles, puisque le trio au féminin est un des tops fantasmes masculin. Je ne nierai pas qu’il y a dans ce schéma quelque chose de très flatteur pour l’homme qui, « sans concurrence », se trouve alors au centre des débats, avec deux femmes se disputant ses faveurs. À ceci s’ajoute le plaisir de la contemplation, pour peu que ses partenaires soient bi, de scènes saphiques qui pourront titiller son imagination. En ce qui me concerne, même si je ne crache pas dans la soupe (j’ai déjà vécu un très beau trio avec deux femmes, et je ne compte pas que ce soit le dernier), j’ai une prédilection pour le trio au masculin. Sans doute, pour une part, à cause de mon penchant bi, qui fait que la présence d’une autre queue n’est pas pour me déplaire, mais aussi parce que j’aime l’idée d’être avec une partenaire que cette abondance n’effraie pas. Au contraire, elle décuple généralement son appétit ! Ajoutons une petite couche supplémentaire sur le fantasme de double pénétration permise par cette configuration. Même si, dans sa concrétisation, le vivre ne m’a pas mené au septième ciel, il n’en reste pas moins une image obsédante.
De même, il y aura des femmes qui se plairont plus à faire des gammes sur leur bisexualité et d’autres qui préfèreront jouer les chefs d’orchestre d’un concerto en vits majeurs (étant entendu que je n’enferme personne dans un rôle, au contraire, j’invite chacun(e) à varier les expériences).
Bref, ce soir-là, c’était ce dispositif qui s’imposait, et (pour ma part), à aucun moment je ne me suis senti frustré de ne pas avoir lutiné avec d’autres femmes que celle qui m’accompagnait et que j’étais là pour découvrir (à l’exception de l’envie fugace tournée vers un personnage secondaire dont il sera question plus loin).
Bien sûr, il y eut des débordements du cadre. À de nombreuses reprises, la compagne d’Alain (appelons-le Alain, notre cadre à lunettes – nous n’avons même pas fait de présentations !) a eu droit à des baisers gloutons de A*** qui, je vous le rappelle, me les refusait (groumpf). Moi-même, j’hasardais mes mains sur les corps des femmes qui passaient à ma portée, évitant soigneusement les hommes comme il est d’usage dans ces établissements. Pour l’anecdote, notons qu’Alain, au début, s’est placé quasiment sous mon nez, sa queue sortant de son slip – oui, pour compléter le tableau, il était en slip – j’ai cru qu’il voulait que je m’en occupe et j’allais le faire quand il a détourné mes mains. Qu’attendait-il ? Mystère et boule de gomme. La bisexualité masculine est taboue dans les clubs échangistes « hétéros » (alors que dans le même temps, la bisexualité féminine y est largement encouragée). Mais je me suis quand même fait sucer une fois par un homme au Moon City !
Alain et moi nous sommes dévoués longuement au corps de A*** qui poussait parfois d’émouvants râles mais qui n’atteignit le Nirvana, contrairement à Alain qui fut propulsé deux fois en orbite. Une fois en prenant A*** en levrette, et une autre fois, en fin de soirée, éjaculant sur son sein après s’être fait sucer.
Quand je prenais le temps de jeter un œil au hublot, j’observais souvent la présence d’observateurs qui avaient l’air heureux du spectacle que nous leur proposions. À plusieurs reprises, j’ai vu une brune qui possédait l’arme fatale pour faire briller mon œil : une coupe à la Louis Brooks. J’aurais vraiment voulu qu’elle nous rejoigne, mais c’était COM-PLET.
Il y eut un moment où, tandis que A*** me chevauchait, Alain fit une approche par derrière. Je crois qu’il demanda aimablement la permission à A*** qui la lui accorda volontiers. Je ne voyais pas grand-chose, mon champ de vision était bouché ; trop longtemps immobile, je sentais la manifestation érectile de mon désir hésitante. Ça s’agitait dans la voie Nord, mais il ne me semblait pas sentir la présence d’une queue dans le cul de celle que je caressais. Je lui ai tout de même demandé, plus tard, et elle me confirma qu’effectivement, elle n’avait pas eu droit à une double pénétration.
Combien de temps avons-nous passé tous les six ensemble dans cette étrange intimité soudaine, celle qui se défait aussi vite qu’elle se fait à la faveur d’une envie commune ? Une heure ? Deux heures ?
La fatigue se faisait sentir en tout cas et, une fois séparés, nous convainquit de prendre congés de ces lieux de plaisirs où d’autres corps continuaient de s’entremêler. Je dus attendre un moment que l’unique salle de douche (voici qui contraste aussi fortement avec le Moon City) se libère pour laver mon corps de toutes ces odeurs étrangères que je ne pouvais ramener chez moi, (bien que je conservais tout de même un précieux souvenir clandestin sous mes ongles).
Le voyage du retour fut paisible ; nous discutions légèrement tandis que je ramenai A*** chez elle, sans vraiment arriver à savoir – insaisissable A*** ! – si la soirée avait été à la hauteur de ses attentes.
Je rentrai ensuite chez moi, balancé entre la fatigue et l’envie encore intense que j’avais d’elle. Malgré l’heure avancée de la nuit, le sommeil se fit un peu attendre, tandis qu’un diaporama fantasmagorique défilait derrière mes paupières.
Illustration (devinez ? non contractuelle !) de Vlastimil Kula.
[L’intégrale : Épisode 1 – Épisode 2 – Épisode 3 – Épisode 4]
J’ai préféré l’ambiance de tes récits du Moon City ;)
D’accord avec Mina. Il manque un je ne sais quoi dans ce texte, peut être de l’enthousiasme, de l’entrain, de la fougue ?
Je suis d’accord avec Emeline.
(c’est cool dans tout le monde est d’accord avec tout le monde, ah ah)
Moi je l’aime bien ce récit… En même temps, ma vision des choses est complètement faussée, ça aide pas.
Mais j’aimerais bien y aller pour essayer le fausse cabine de train… A deux, trois ou plus, on s’en fout. En tout cas, tes histoires de bites sucés entre hommes m’ont fait de l’effet j’avoue ahum.
Oui, on dirait que tu es désabusé par ce que tu racontes… Méfie-toi, CUI.
Au fait, Dahlia, je viens aux nouvelles…
P.S. : Et Tiny m’a avoué qu’il m’aimait… Et je vous emmerde tous
@ toutes sauf Dahlia, vous êtes dures avec lui les filles, CUI nous signe un excellent documentaire aux accents de sincérité. je pense que beaucoup de gens aimeraient savoir sans oser le demander comment cela se passe en club. sinon, l’ambiance en club c’est assez particulier et c’est jamais pareil. et puis je trouve que c’est très aventureux d’aller en club avec quelqu’on que l’on ne connait pas (traduire avec qui on a jamais couché, si j’ai bien suivi c’était le cas ici)
@Storia il t’a « avoué »? c’est pas un peu bizarre comme choix de mots? ceci dit à chaque fois que tu nous emmerdes c’est plutôt bon signe.
@CUI à la lecture du dernier volet, je constate que le rapport au baiser de A. est plus complexe que je ne l’avais anticipé.
Et bien pour une personne comme moi qui ne connaît rien, mais alors absolument rien aux clubs, je trouve cette histoire des plus intéressantes.
J’ai passée là un excellent moment de lecture et d’imagination, si, si, si. C’est tout ce que je venais chercher ici, et je l’ai eu ! ;-)
@ mina, Emeline & M » Probablement le récit n’a pas le même enthousiasme parce que, moi-même, j’ai préféré l’ambiance du Moon City ! Et si c’était ça, ma façon de vous emmener avec moi ? Non pas sur le lieu, mais dans ma peau ?
@ Dahlia » Si j’y retourne (ce qui n’est absolument pas à exclure), j’aurai très envie d’essayer le salon aux miroirs. Et puis aller tâter un peu plus l’ambiance des salles du fond, très chaudes, selon un connaisseur.
@ Storia G-T » Moi, désabusé ?! Non, non.
Mais en toute franchise, je ne crois pas que le ton de ce récit-ci soit inédit, il me semble qu’il y en a bien d’autres qui portent la même signature, un peu froide et à distance.
@ columbine » Je crois que ton commentaire va dans mon sens quand je dis que ce récit est dans la lignée de bien d’autres.
Oui, c’était assez audacieux d’aller en club avec une jeune femme presque inconnue, surtout avec les nombreuses réserves que j’ai déjà émises sur ces endroits.
Mais je ne manque pas d’audace et A*** non plus ;-)
(Et oui, cette histoire de baisers chez A***, c’est pas très clair !)
@ Claire » Merci ! Je vous invite à creuser un peu dans mes archives, vous y trouverez d’autres récit. Plusieurs concernant le Moon City, et un autre sur le Château des Lys (mot clé : nutella ;-).
J’ai lu ces 4 épisodes sur le fil du rasoir, et moi aussi ce sentiment curieux. D’y imaginer CUI sans le reconnaitre vraiment. Je ne sens pas le manque d’entrain ou même d’enthousiasme au contraire, mais quelque chose de plus confus.
Ne serait-ce pas en partie à cause de ce mélange d’abus de sensations ?
Comme si tes émotions avaient été saturées ? à les rendre illisibles et floues…
@ X-Addict » Même si j’ai le cuir qui s’épaissit, une virée dans un club échangiste n’est jamais un moment anodin pour moi. A fortiori pas quand j’y amène une partenaire avec qui je n’ai pas encore de « passé ».
Je n’ai pas eu cette impression de saturation d’émotions ; mais quelque chose d’analogue, l’impression que je ne maîtrisais pas du tout, mais alors pas du tout la situation, qu’elle m’échappait alors que j’étais censé « contrôler » (réguler ?).
CUI, je vous annonce tout en exclusivité : je vais signer mon premier CDI dans les prochains jours en tant que secrétaire éditoriale, le métier de mes rêves, dans une boîte de rêve (ni Flammarion, ni Gallimard, mais dans une boîte dont la ligne éditoriale est fondée sur mes convictions les plus profondes, à savoir la religion). Juste que j’avais envie de partager ce moment de pur bonheur.
ET J’EMMERDE LA TERRE ENTIÈRE!!!!!
bravo à vous SGT, pour ce job, même si je ne vous connais pas!
Et je ne partage pas du tout l’idée selon laquelle tu manques d’enthousiasme, CUI, au contraire, je trouve que ton recul reside dans les postures de chacun, mais que ton récit est spontané, et je me dis que c’est parce que tu as voulu nous faire partager tout cela le plus vite possible! Ce qui m’intéresserait bien entendu, c’est d’en savoir un peu plus sur la vie et les motivations de A ;-))
@ SG-T : félicitations ! Continue tant que tu veux à nous emmerder :)
J’ai beaucoup aimé ce récit, même si, c’est vrai, il manque un peu d’enthousiasme…comme si cette soirée avait beaucoup été fantasmée, comme si elle avait généré beaucoup d’attentes, et qu’au final, l’extase n’ait pas été au rendez-vous…j’ai pas dit « plaisir », hein? On sent bien qu’il y avait beaucoup de plaisir! mais l’extase, c’est autre chose…
Mais ça n’a rien enlevé au mien (de plaisir!)
@ Storia G-T » Et moi qui te croyais débordante de charité chrétienne ! Le bonheur te rend infréquentable ;-)
@ MademoiselleSix » Je n’ai pas beaucoup développé le personnage de A*** parce que je n’ai pas pénétré … sa carapace :-)
Merci pour ton appréciation de ma retranscription. Je vais faire un petit effort de renouvellement, toutefois, pour mon prochain récit. Enfin, je vais essayer !
@ Emeline » Maso !
@ Chimères » Elle a généré des attentes, cette soirée, bien sûr, mais raisonnables, compte tenu de mon expérience en club. Mais vous avez raison, il n’y a pas vraiment eu d’extase cette fois-ci. On verra ce qu’il en adviendra plus tard.
Sa carapace, pffff.
Qui sait ? ;)
@ Manon » Je ne sais pas pourquoi, mais je pressentais ce genre de réaction ;-)
@ Emeline » Je préfère maso que scato en tout cas.
aucun commencement de proselytisme chez moi, bien entendu, mais à mon avis A…devrait, si ce n’est déjà fait, s’aventurer prestemment du côté D/s ou SM, avec profit!
@ MademoiselleSix » Et qu’est-ce qui te fait dire ça ?