C’est le printemps. Ou quasi. Ce matin, en circulant à scooter, j’ai croisé un cerisier ou un prunier du Japon en fleur ; je ne suis pas très doué en botanique, mais ça ne m’empêche pas d’apprécier la beauté de ces arbres, quel que soit leur nom, aujourd’hui colorant la ville grise — et plus tard ce moment éphémère où les fleurs tomberont et couvriront les rues de graciles pétales roses ou blancs. Mon cœur a fait un petit bon, je me suis dit « le printemps arrive » et, avec lui, la possibilité de traverser la ville sur mon deux-roues un peu moins couvert qu’aujourd’hui et sentir ainsi un peu plus proche de mon corps celui de ma passagère collée contre moi, ses bras m’enserrant. Nous serons légers tous les deux, allant rejoindre un hôtel aux teintures pourpres, un jardin public où nous chercherons un recoin jamais assez tranquille pour nous y bécoter, la terrasse d’un café pour nous désaltérer après nos heures de corps à corps, toute autre destination où peuvent se rendre les amants la main dans la main et souriant avec insouciance, oubliant un instant qu’ils sont adultères.
♣ ♦ ♥ ♠
C’est le printemps qui arrive et va clore, du moins je le pressens, un cycle d’environ quatre ans de ma vie. Tous les ingrédients sont là. Il y en a que je reconnais trop bien. Je les vois tourner devant moi, mi inquiet, mi amusé, et me demande à quelle sauce ils vont assaisonner ma vie. Je parle de cycle mais – il me semble l’avoir déjà exprimé ici – je ne crois pas que ces cycles fassent tourner en rond. Devant nous, c’est toujours l’inconnu. La lassitude que j’ai de porter à bout de bras la vie sexuelle de mon couple1 et qui, au moins temporairement, me les fait baisser, j’essaye cette fois de la compenser par un comportement aussi irréprochable que possible quand je suis à la maison2, essayant de soulager le fardeau maternel mais cela ne réveille pas la putain chez la maman. Qu’il ne soit pas dit que j’abdique sur tous les fronts. Cela semble d’ailleurs très bien convenir à ma compagne qui semble plus attachée que jamais. Mais les jours passent et rabotent ma patience vis-à-vis de cette nouvelle « stratégie ». Je place quelques jalons pour les mois à venir. Espérer chichement que l’arrêt de la pilule rebooste sa libido, et puis si elle s’accroche à ne pas laisser parler son corps3, voir quelle suite donner. Reprendre une thérapie quelques années après la passe que la première aura permis de traverser ? Entamer des négociations plus âpres et risquées sur la liberté sexuelle que l’on pourrait s’offrir tous les deux, si jamais son désir était mort mais pas sa mécanique, comme certains couples y arrivent ? Cette voie est tentante mais elle peut s’avérer une impasse si le deal ne lui convient pas, et je me dis aussi parfois qu’en creusant cette piste, je ne cherche qu’égoïstement à élargir ma zone de confort. Et tous les autres possibles que je n’ose même pas énoncer.
♣ ♦ ♥ ♠
Comme par hasard, c’est au moment où je traverse en bougonnant, la seatbelt pas très bien fastened, cette zone de turbulences que se pointe, deus ex machina, O***, la fleur au fusil, avec qui je vais à l’amour comme je vais à la guerre, en serrant les dents, le ventre noué, espérant ne faire qu’une bouchée de l’ennemi. La victime est si belle et le crime est si gai, qu’y disait. Je l’ai reconnue tout de suite, cette sensation de trouver un corps aimant, celui dont on ne peut se décoller car la force de contact est trop forte, malgré les heures qui défilent, malgré les tentations délicieuses qui passent à portée de baiser autour de nous. Aucune envie de résister. C’est le printemps et je veux sortir de l’hiver ma main dans celle d’O***, et mon sexe bien planté au fond du sien.
Illustration : Feuille de rose – © 2003 Bill Tong
- cf. La nuit courte↩
- Quand je ne suis pas à la maison, évidemment, c’est autre chose et mon comportement est nettement moins irréprochable, tout du moins dans l’acceptation morale commune de ce terme…↩
- Il y a aussi cette hypothèse que ce ne soit pas son désir tout entier qui soit assoupi, seulement son désir pour moi parce que … trop d’années, ou des choses qu’elle ne me pardonnerait pas, ou n’importe quelle autre raison ou somme de raisons. Quelques amies, très ardentes avec moi, m’ont expliqué pourquoi elles ne désiraient plus leur mari. Pourtant je n’arrive pas à croire à cette hypothèse. Elle me désire, parfois, elle me réclame. C’est juste qu’elle ne veut que peu, et rarement.↩
Ouais ! Troublant.
Et moi j’attends l’été, avec une impatience non dissimulée… Chhuutttt :)
Mais il est vrai que l’énergie qu’on consacre à son couple n’est pas linéaire et qu’aujourd’hui, pour le moment, j’ai envie d’être un peu plus égoïste, sans doute.
Quant au Japon, je signale au passage la sélection de photos toujours fascinante du siteBoston.com/The Big Picture.
Vouliez-vous vraiment dire « inversées » ou plutôt « symétriques » ? (Tout dépend aussi comment on considère la situation, par rapport à nos sexes ou à nos rôles.)
Je me demande d’ailleurs si ce ne sont pas les mêmes causes qui ruinent notre sommeil. En revanche, nous ne nous connaissons pas assez pour savoir si ce sont les mêmes causes qui nous font parfois nous coucher trop tard ^_^
» en avril ne vous découvrez vous pas d’un fil » … mais quel plaisir de vous relire , de vous suivre avec votre fidèl » scooter »
vivement le vrai printemps …
Biz de la provence
Je pense avoir été l’épouse que vous décrivez, sur 10 années de mariage, il y en a eu disons… 8 dans cette situation! Avec même de très grosses crises car il y avait des périodes de désert que le Sahara en serait ridicule… Je ne sais pas si monsieur a songé au divorce (n’ayons pas peur des mots…) à ce sujet, mais j’ai bien au conscience à une période que je poussais le bouchon trop loin… Aujourd’hui, je suis à l’opposée de ce que j’ai été et ma thérapie n’y est pas étrangère (et pourtant je ne suis pas entrée dans le cabinet pour ça…), on peut être la femme la plus belle du monde (euh… là, je ne parle pas de moi!! mdr), avoir le meilleur mari du monde (avec toutes les meilleures intentions du monde), une vie sociale et professionnelle épanouie, quand on est prisonnière à l’intérieur, on ne sera jamais libre, même en « façade »… Si mai 68 a fait faire beaucoup de progrès, quand je regarde les femmes autour de moi, je me dis qu’il y a encore beaucoup de boulot…
Bon courage.
Fifi-bulle » Qu’il y ait quelque chose qui « coince » dans la tête de ma femme sur la sexualité, j’en suis hélas quasiment persuadé (j’avais écrit ici, du temps de notre thérapie, quelques mots assez durs qu’elle avait eu pour parler de sexe, notamment « souillée » pour parler d’elle portant une culotte où du sperme pourrait couler), mais je me vois assez mal lui dire « soigne-toi chérie ! » Il faut que la démarche vienne d’elle.
Ça m’intéresse de savoir quel a été votre parcours.
Moi je dis ça sent la sève à plein nez ;)
(quant au passage sérieux, je ne me prononce pas… je me sens pas bonne conseillère d’une relation que je ne connais pas ou du moins où je ne connais qu’une partie des plaignants ;) )
Un truc : je m’interroge…
Avez-vous remarqué comme l’on dort bien après l’orgasme ? Pourquoi les médecins, plutôt que de prescrire des neuroleptiques et d’ainsi engraisser l’industrie pharmaceutique, ne prescrivent -ils pas de doux moments à deux (trois ? quatre ? oh pardon, j’m’égare ;) ) chaque soir, au moment du coucher ? Le monde tournerait peut être moins mal…
RdT » Je dors effectivement merveilleusement bien après l’orgasme. Néanmoins, ça réveille ma femme. Ennuyeux, non ?
Samantha » Oui, on lit toujours à travers ses propres yeux et les expériences des autres sont extrêmement enrichissantes. J’essaye d’y piocher ce qui peut, justement, faire écho avec les miennes. Ce que je dis sur la pilule, tueuse de libido, je le tiens de deux femmes qui m’ont expliqué l’effet bénéfique que ça leur a fait. Néanmoins, je connais aussi des femmes sous pilule que ça n’a pas tellement l’air de faire tourner au ralenti. Aucune explication n’est universelle. Ces échanges me permettent de regarder le monde avec d’autres yeux que les miens, mais ça ne suffit pas pour me protéger contre les erreurs…
:P
(c’est pas pour rien que je passe de préférence mes vacances en Bretagne : le touriste y est plus discret. La légende de la pluie fait vachement effet, ils sont trop forts ^^)
(pour la pilule, il semble que certaines compositions et/ou dosages soient bien le garant d’une libido 0. Ma meilleure amie après avoir arrêté le pilule s’est précipité sur un Magic Wand : il lien de cause à effet ? héhé)
Bientôt, je pourrais ressortir mes tenues légères :-)
*ivv* » C’est un contraceptif, le magic Wand ? (un truc qui fait qu’on ne baise plus avec des hommes ?!)
Aurore » Si légères qu’un regard les soulève… (Nous avons hâte !)
A quand une pub assumée pour Chat-Soleil ?
Merci pour eux.
V., adhérent, bien sûr.
Bon, c’est effectivement très enrichissant de lire ou d’entendre d’autres parcours féminins, mais s’agissant de choses aussi personnelles et subjectives que la sexualité, la valeur réelle « pédagogique » est un peu limitée (= on n’en tire pas un enseignement parfaitement duplicable).
Je me pose du coup plusieurs questions sur votre compagne : de quoi a-t-elle envie ? Qu’est-ce provoque son désir ? Quel est son rapport au corps (le sien, celui des autres) Que pense-t-elle de vos « parenthèses d’évasion » ? Quels mots emploie-t-elle pour parler de la sexualité, sont-ils presque toujours connotés négativement ? Quels sont ses fantasmes ?
Évidemment, pas d’obligation de répondre ici, ce sont juste des questions qui me viennent à l’esprit et que, moi, je « creuserai » avec mon partenaire dans un moment à 2 ou avec un thérapeute.
Chacun (ré)agit à l’aune de sa propre histoire. Mais rien n’est figé et on peut « évoluer » selon les rencontres, les échanges, le désir ; on a tous une marge de progression qui nous est propre…
Personnellement, je n’ai pas trouvé d’autre moyen que de susciter des questions, sans à priori sur les réponses. Certes, ça peut mettre du temps, mais quand on se pose les bonnes questions, on obtient les bonnes réponses
Et la frustration, avez-vous essayé ? Ne pas répondre à son désir ou la laisser venir vers vous ?
En tout cas elle jouis beaucoup plus avec le magic wand qu’avec ses pilules ;) (ou son (futur)ex peut-être…)
Si tu veux rédiger un article, je veux bien le publier !
RdT » On peut comparer 1 à 2 mais pas 2 à 3 ? Cela heurte mon esprit mathématique ;-)
Claire » C’est un fait, nous sommes loin d’être des cas isolés à vivre une frustration au sein de notre couple. Après, quel chemin inventer pour vivre autrement… Chaque couple a sa solution (ou pas), même si de nouvelles tendances se dessinent dans notre société actuelle.
Aurore » Bien sûr, je ne donne aucune portée universelle à un témoignage comme je le disais ici. Je les prends toutefois chacun comme une possibilité parmi d’autre et la richesse des témoignages finit par donner des pistes.
J’ai essayé la frustration, oui, ça « marche » au sens où, au bout d’un moment, elle vient me réclamer sa dose, mais ça ne la rend pas plus imaginative ni pour me séduire ni pour faire l’amour. Peut-être que je ne suis pas allé assez loin dans la frustration ?
Concernant son rapport au corps, je pense qu’il y a un truc qui ne va pas là, et j’ai aussi souvent pensé à un traumatisme enfantin (sans aller plus loin dans l’explicitation de cette hypothèse) qui ferait que pour elle, le sexe est, fondamentalement, un peu dégoûtant. Ses fantasmes, elle ne veut pas m’en parler. Mes évasions, officiellement elle n’en a pas connaissance.
*ivv* » J’ai failli le voir en action hier, mais il n’y avait pas de prise électrique :-(
Pfffff…
(comment c’est possible une chambre d’hôtel sans prise ???)
au début de ta relation avec ta femme,si c’était déjà compliqué pour elle et ça devait l’être (puisque ça semble venir de loin), tu t’en accommodais?
ou alors ta femme s’est « endormie » au cours de ces années de vie commune?
(y a un mystère chez moi quand même , nous notre couple se réveille de mois en mois… ça en devient presque flippant! )
Je me sens familière moi aussi avec les problématiques évoquées :)
Je viens de craquer après 10 ans de vie de couple rangée et des rapports très espacés.
Les « mises au point » n’ayant jamais vraiment porté de fruits, pas plus que les techniques de séduction… j’ai repris le sport pour reprendre « la forme » et j’ai finalement surtout atteint ma limite de tolérance en croisant de beau mâles qui m’ont rendue de l’estime personnelle.
J’ai choppé le béguin pour un autre, je me consume depuis quelques mois, et le we dernier, malgré les enfants, malgré un équilibre familial agréable… j’ai voulu tout virer. Partir, abandonner. Mais c’est à ce point là que mon compagnon a enfin réagit… il préfère ouvrir notre couple que tout bazarder.
Je me suis rendu compte que puisqu’il m’aimait finalement (j’en doutais à force, je pensais faire partie des meubles), je ne pouvais pas si simplement tourner une page. La suite est à inventer. Cette semaine, il est plus aimant que jamais (!) … et me voilà à visiter des sites sur le « polyamour » et ses folies, pour me rassurer un peu.
En tout cas, je vous souhaite tout le courage possible pour trouver la solution qui vous conviendra, et je retourne ramer de mon côté …
Au plaisir de vous croiser, virtuellement ou pas :)
*ivv* » Ça n’est pas si rare surtout dans les hôtels un peu ancien. Il faut ruser pour débrancher une lampe, parfois. Là, la seule possibilité, c’était la prise pour rasoir dans la salle de bain, et ça ne le faisait pas :-(
dita » Je ne vois pas de raison de flipper chez toi, au contraire j’y vois des raisons d’espérer et de ne pas croire en l’immuabilité des choses. Me concernant, je dirais que la situation est à peu près stable, il n’y a pas eu de franche dégradation (à l’arrivée des enfants, par exemple). Je m’en accommodais mieux, sans doute, j’étais très très amoureux, mais je fus pourtant infidèle dès le début, car je savais que j’avais envie de vivre des choses que je ne pourrais (sans doute) pas vivre avec elle. J’ai mis 6 ans à passer d’une infidélité conjoncturelle (occasionnelle) à une infidélité structurelle (organisée).
CalliPygeV » Bienvenue ici !
Vous arrivez, dites moi, à un moment clé de votre vie de couple, c’est assez épatant parce que cela semble (de loin) partir sur une plutôt bonne voie.
De mon côté, je ne sais pas ce qui va se passer. Je suis juste en train de supposer que nous nous approchons d’un virage. Je ne sais pas ce qui nous attends de l’autre côté du tournant. À bientôt, ici ou là, en chair et en os, ou en bits et en octets !
De toute façon, j’ai su que je n’étais pas fait pour la fidélité avant même de connaître ma femme.
« porter à bout de bras la vie sexuelle de mon couple »
Pareil. L’impression que l’autre n’y porte aucun intérêt, qu’elle pourrait très bien s’en passer.
« essayant de soulager le fardeau maternel mais cela ne réveille pas la putain chez la maman »
Pareil. Je suis quasiment homme au foyer (certaines en rêvent, on l’a fait). Ca ne change rien au fait ci dessus.
Quelques différences toutefois : pas de thérapie (mais un conseil externe) et jusqu’ici, j’ai toujours été fidèle… mais ma patience a été bien rabotée et l’idée de continuer encore 20 ans comme ça me file un sacré vertige.
PS: ne mettez pas trop d’espoir sur l’arrêt de la pilule pour la reprise d’une libido plus active.
Ma, ou nos situations n’ont hélas rien d’extraordinaire. Elles ont même toutes les raisons d’être extrêmement répandues, du fait de notre nature même. Je lis un bouquin assez intéressant sur le sujet de l’évolution du couple, j’en ferai un billet quand j’aurais terminé.
(Je note pour la pilule ; je garde un espoir ténu et raisonné !)