
[425] Short Metropolitan Story

À partir d’une photo de Lisica Lachudra.
Archives du jeu :
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Cela fait une bonne heure, deux peut-être, que nous tournons en rond dans la banlieue résidentielle de *** sans trouver de retraite. Nous avions déjà fait une halte dans une impasse qu’on pensait tranquille, mais, à peine arrêtés, c’était le défilé des passants. L’envie nous prenait à la gorge et les caresses que l’on s’offrait (sa main sur mon sexe raide, la mienne perdue entre ses cuisses, sous sa jupe) ne suffisaient plus à nous contenter. Nous passons devant un hôtel, prêts à nous y arrêter, mais ça ne correspondait pas au « programme ».
N’y tenant plus, elle fait un crochet dans un petit parking, à peine en retrait d’une rue pavillonnaire apparemment déserte. Elle coupe le moteur de son monospace et en un clin d’œil se retrouve assise sur moi, à califourchon. Ses mains déboutonnent fébrilement mon jean, mes mains glissent là où elles peuvent se glisser, ce qui veut dire à peu près partout entre ses épaules et ses genoux. Mais le moment n’est plus aux douceurs et aux politesses, il est aux sexes qui s’emboîtent, aux coups de reins, aux bassins en nage. Je me tords pour attraper dans mon manteau l’unique préservatif que j’ai avec moi (j’ai bêtement laissé mes affaires dans le coffre de ma 106 à qui je fais cette infidélité et elle n’a pas encore dans son sac la panoplie de la parfaite femme adultère)… « Tu vaux de l’or, rubber-boy, ne nous fais pas un mauvais coup ! ». À peine l’ai-je déroulé sur mon sexe qu’elle vient s’enficher sur moi. C’est presque un ouf ! de soulagement que l’on pousse alors. On reste une seconde immobile (jouir de l’enfin) avant de reprendre le mouvement. Je crois qu’à cet instant, je lui souris, un sourire de bonheur crispé par la concentration. Ce n’est pas simple de faire l’amour. Il faut savoir être à l’écoute de l’autre, de son corps, agir pour que nos gestes transmettent du plaisir. Et dans le même temps, il faut aussi écouter son propre corps, ne pas se mettre en retrait, prendre, s’accaparer aussi du plaisir, accepter que ce que l’on prend pour soi n’est pas volé à l’autre.
…
Un enfant passe dans la rue à quelques mètres de nous. Il porte un cartable sur le dos, sans doute la sortie des classes. Je ne pense pas qu’il nous ait vus, en tout cas son regard est déjà loin devant. Il n’empêche, je ne suis pas très à l’aise.
Elle a la solution : nous allons nous glisser… dans le coffre arrière. Nous nous y faufilons en rigolant comme des gamins par la chatière qu’ouvre le siège médian abaissé. Je le relève derrière nous, car même là où nous étions, nous restions visibles.
Bien que recouverts par le toit mobile du coffre, obligés de nous tasser (il ne mesure pas plus de 60 cm de haut), nous avons une certaine impression d’espace (pour le coup, oui, ma 106 n’était pas à la hauteur). Nous pouvons en tout cas nous dénuder plus sereinement. Tandis que nos corps s’embrassent, j’envoie mes chaussures rouler dans un coin, j’enlève son pull, elle retire sa jupe, je dégrafe son soutien-gorge, elle déboutonne ma chemise. Je dois me libérer de mon jean. Dans la hâte, dans l’effusion, je ne libère qu’une jambe ; pas le temps d’ôter la deuxième, il faut vite que je la reprenne.
…
Dans notre cocon, suffisamment de lumière pénètre pour que l’on puisse se voir. Je profite particulièrement du spectacle pour lequel j’avais donné quelques instructions de mise en scène. Mon amante ne porte plus que sa paire de bas et sa paire de bottes (rien que de l’écrire, j’en suis encore tout ému, visiblement ému !). Ma partenaire me tourne désormais le dos. Jambes pliées, cul légèrement relevé, tête contre le plancher, c’est dans cette position que je la prends en levrette, moi-même ayant le torse incliné pour que nos deux corps ainsi emboîtés tiennent sous la courte hauteur de plafond. Il est possible que quelques passants aient pu être intrigués par les oscillations « spontanées » de ce véhicule à l’arrêt, mais nous n’en saurons rien. J’allais et venais en elle quand c’est arrivé : d’un mouvement du bassin, elle expulse mon sexe du sien et me tend sa croupe. Aucun mot prononcé, mais le message est clair et je ne me fais pas prier. Ma queue entre sans effort dans son cul accueillant. La température dans l’habitacle passe de chaude à incandescente. Je poursuis mes va-et-vient et quelque chose me dit qu’il faut enclencher la vitesse supérieure. Mes mains alors empoignent fermement ses hanches et ainsi agrippé, j’accélère la cadence et l’amplitude du coït. Je sens mon sexe gonfler, encore et encore. Je souffle, je râle, je mugis, avec moi, elle crie doucement et dans un ultime coup de boutoir, je jouis – fort – au cœur de ses entrailles. Il me faut un temps pour reprendre mes esprits. Ce n’est que maintenant que je m’aperçois que mon visage est rouge de transpiration. La sueur dégouline sur tout mon corps, mon torse, mes cuisses. Son dos creuse un sillon dans lequel elle s’écoule aussi. Je me retire (« thanks rubber-boy, you were perfect ! ») et je la serre dans mes bras. Que c’était beau. Que c’était bon. Une semaine après, je suis encore hanté par cette vision : le coffre, ses bottes, son cul, ma jouissance…
Nous ouvrons grand les fenêtres pour que se dissipe la buée sur les vitres du véhicule transformé en caisson de sudation. Nous reprenons, heureux, encore hébétés par la force de l’orgasme, la route vers un supermarché pour acheter les cartouches nécessaires aux prolongations de nos ébats.
J’aperçois un panneau. Nous étions rue de Toronto.
Cela fait un petit moment que je ne vous ai pas parlé de ma Cécile de Volanges mais ne croyez pas pour autant qu’elle ait disparue de ma vie. Non, c’est juste que l’intrigue n’a guère progressé ces dernières semaines. Les réunions de travail se succèdent sans changement majeur ni dans sa tenue, ni dans sa manucure, ni dans sa coiffure, ni dans son attitude, ni dans la mienne. On continue de s’échanger des regards, mais, somme toute, ces regards sont-ils visiblement différents de ceux que l’on adresse l’un et l’autre aux autres personnes présentes dans la salle ? J’aimerais bien que mon regard lui dise : « toi, j’ai envie de te plaquer contre le mur, d’enfoncer ma langue dans ta jolie bouche et de plaquer si fort mon ventre que le tien que la seule pensée qui arrivera à se former dans tes synapses sera l’envie immédiate de sentir ma queue en toi… ». Sauf qu’elle ne lit probablement dans mon regard que « un peu chiante, cette réunion, non ? » au pire, ou « je ne suis pas mécontent d’avoir des filles à regarder ici » au mieux, ce qui n’est pas très excitant.
Pas grand-chose à dire sur Cécile, donc, sauf trois choses.
D’abord, que j’ai un peu peur de l’appeler, par inadvertance, Cécile, alors que son prénom est évidemment autre, quoi que commençant aussi par C***.
Ensuite, que Cécile a désormais une concurrente. En effet, mon client a récemment embauché sur le projet une petite jeunette qui ne manque pas de charme. Dans l’absolu, bien plus proche de mes propres canons de beauté (elle a un petit quelque chose de Binoche… enfin, elle a un petit quelque chose de je ne sais qui et que je n’arrive pas à identifier, elle me fait penser à quelqu’un mais je ne sais pas qui…). Pour autant, le charme ne prend pas. Je ne sais pas à quoi attribuer ça. De la fidélité pour Cécile, peut-être, l’envie d’aller jusqu’au bout du rien avec elle plutôt que de me disperser encore… Ou tout simplement l’absence d’intérêt que cette dernière semble me porter (je ne dirais pas que Cécile me porte un intérêt soutenu, enfin je n’en sais rien, mais au moins on échange un peu ensemble). Très agréable en tout cas d’avoir des femmes à côtoyer dans le cadre d’un projet dans mon métier très très masculin.
Enfin, que ces deniers temps, j’ai trouvé à Cécile l’air fatigué. Elle bâille souvent, a les yeux cernés, une petite mine. Je me demande sur le compte de quoi mettre cette fatigue. Trop de travail ? Une vie personnelle débridée ? De l’insomnie ? Est-elle fatiguée pour d’agréables ou de tristes raisons ? Je n’ai pas la réponse.
Illustration : Oleg Kosirev
Bon, je vais pas en faire des tonnes mais si, comme moi, l’abjection de l’amendement Mariani concernant la mise en place de test ADN dans le cadre du regroupement familial vous donne envie de gerber, n’attendez pas pour ajouter votre signature à la mienne à la pétition lancée par Charlie-Hebdo et Touche pas à mon pote.
Attention, de dangereux gauchistes comme Charles Pasqua (siiiiii !) et Dominique de Villepin ont aussi signé ce truc. C’est pas contagieux.