Pour avoir écrit ma petite note sur la canicule, il est probable que jamais, ô grand jamais, je ne sois un jour un élu de la République.
Pour autant, dans le cas où cette improbable issue viendrait à survenir, que je devienne un jour connu et puissant, il est certain que des journalistes mal intentionnés viendront à fouiller dans mon passé, afin d’exposer mes erreurs de jeunesse, d’une époque où je n’aurais pas cherché à lisser mon image.
Ils finiront, par des recoupements habiles, par faire céder la frêle barrière d’anonymat dont on jouit ici, et tomberont sur cette note. Elle est là pour ça, pour être exhumée, pour être révélée au grand jour.
Commençons par le commencement.
J’ai fumé de la marijuana. Et j’ai inhalé. À plusieurs reprises. Constatant que ça ne semblait pas me faire d’effet particulier (à part me faire tousser, vu que je ne supporte pas la cigarette), et malgré un entourage sympathique, je n’ai pas persévéré. En réalité, je ne sais même pas si c’était de la marijuana ou du hashich, de l’herbe ou du cannabis (je ne sais même pas trop la différence entre tout ces machins).
J’ai fait bien pire que fumer un joint.
J’ai avalé une part de space cake. Si tu ne sais pas ce qu’est un space cake, ami lecteur, c’est que ta pureté n’a pour égal que ton défaut d’érudition. C’est un vulgaire quatre-quart dans lequel on a ajouté des petits bouts de hashich (je crois bien que c’est du haschich, c’est pas de l’herbe en tout cas). Bon. Même topo que pour la fumette. Aucun effet notable. L’avantage, c’est que ça ne fait pas tousser.
Du coup, à mon âge avancé, j’ai totalement abandonné l’exploration des paradis artificiels, à l’exception du seul qui reste à la fois légal et efficace (sur moi en tout cas) : l’alcool. Oui, je sais. C’est un peu décevant. Ami (?) journaliste, je comprends ton désarroi. Mais je poursuis mes confessions. Attention, ça va devenir difficile à supporter.
Je n’ai jamais été trotskiste.
Je continuais de regarder l’Île aux Enfants à 17 ans.
J’aime Mylène Farmer et j’ai plusieurs de ses albums dans ma discothèque, achetés, pas piratés.
J’ai volé une rallonge téléphonique (10 m) au Monoprix de Meudon en 1985.
J’avais une antisèche programmée dans ma super-calculette quand j’ai passé le bac en Maths, et comme un con j’avais oublié d’y mettre la formule dont j’aurais eu besoin, parce que c’était la plus simple, m’étais-je dit au moment où je saisissais mes aide-mémoire (j’ai toujours eu une mémoire déplorable – bien que je me souvienne de cette anecdote, comme quoi…).
Adolescent, j’aimais m’imaginer que j’étais un androïde. Tu comprendras que, dans ces conditions, j’ai pas mal tripé sur Robocop.
Je me suis introduit clandestinement chez ma voisine, dont j’étais amoureux, pendant qu’elle et ses parents étaient absents, pour y lire son journal intime (ami lecteur, comprends-moi, à cette époque, les burps n’existaient pas). Elle n’en a jamais rien su, bien entendu : même dans mes forfaits, je garde une certaine éthique.
J’ai déjà simulé l’orgasme.
J’ai un conseiller financier à La Poste (pardon, La Banque Postale).
Adulte, je continue à m’imaginer (un peu moins souvent, certes) que je suis un androïde.
Bip.